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13/10/2020 | FRANCE | N°19MA02076

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 13 octobre 2020, 19MA02076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Le Cauvet a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1603709 du 25 mars 2019, le tribunal adminis

tratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Le Cauvet a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1603709 du 25 mars 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 mai 2019 et le 5 mars 2020, la SARL Le Cauvet, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 25 mars 2019 ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, et des pénalités correspondantes ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de ces cotisations supplémentaires et rappels ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est entachée d'un vice l'ayant privée d'une garantie, l'avis de mise en recouvrement du 8 janvier 2014 méconnaissant l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;

- sa comptabilité est régulière et probante et ne peut donc être rejetée ;

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires, qui retient des paramètres éloignés de la réalité de l'exploitation, aboutit à des résultats exagérés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er août 2019 et le 28 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Le Cauvet ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Le Cauvet, qui exploite un restaurant à Cogolin (Var), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle, selon la procédure de rectification contradictoire, elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008 et 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 lui ont été réclamés. Elle fait appel du jugement du 25 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires et rappels, et des pénalités correspondantes.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable de sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) ". L'article R. 256-1 du même livre dispose que : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications (...) ".

3. L'avis de mise en recouvrement du 8 janvier 2014 fait référence à la proposition de rectification du 24 janvier 2011 mais ne comporte aucune mention, ni de la réponse aux observations du contribuable du 22 juillet 2011, ni des conséquences financières résultant de la prise en compte de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, ni de la réponse de l'interlocuteur départemental du 19 décembre 2013 qui informaient la SARL Le Cauvet d'une modification des droits et pénalités résultant de la procédure de contrôle.

4. Toutefois, la réponse de l'interlocuteur départemental a été notifiée à la SARL Le Cauvet, selon ses propres allégations dès le 10 janvier 2014, soit au plus tard une journée après la réception de l'avis de mise en recouvrement. Elle contient une annexe détaillant les nouvelles conséquences financières qui, tant pour les droits de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés que pour les pénalités pour manquement délibéré, sont identiques aux quatre montants indiqués dans l'avis de mise en recouvrement. Par suite, compte tenu des circonstances particulières de l'affaire, l'avis de mise en recouvrement est seulement entaché d'une erreur matérielle qui n'a privé la société ni de la possibilité de contester utilement les montants mis en recouvrement ni d'ailleurs de celle de rechercher une transaction avec l'administration fiscale. L'erreur matérielle ainsi commise n'a pas entaché d'irrégularité la procédure suivie.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

5. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que, suivant l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires validant la méthode de reconstitution des recettes sous réserve d'une augmentation de la part des produits offerts ou consommés par le personnel, l'administration a modifié sa méthode et a calculé le chiffre d'affaires avec une proportion de tels produits s'élevant à 10 % au lieu de 8 %. Cependant, à la suite de l'entretien avec l'interlocuteur départemental, l'administration a encore fait évoluer un paramètre de la reconstitution de recettes et les impositions mises en recouvrement correspondent aux bases imposables ainsi fixées par la réponse de l'interlocuteur du 19 décembre 2013. Alors même que cette correction a été faite à l'avantage de la SARL Le Cauvet, les impositions ne sont plus établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Ainsi, en application des dispositions précédemment citées du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve d'établir le bien-fondé des bases retenues incombe à l'administration ainsi que, en tout état de cause, les graves irrégularités de la comptabilité.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, lors de la vérification de comptabilité portant sur les exercices clos le 31 décembre 2008 et le 31 décembre 2009, la SARL Le Cauvet s'est bornée à produire un livre journal comprenant seulement des recettes globalisées en fin de journée et ventilées par mode de paiement, sans distinction selon la nature des recettes ainsi que des " tickets Z " à partir du mois d'octobre 2009. En l'absence de bandes de contrôle ou de doubles des notes remises aux clients, la comptabilité présentée ne permettait pas de justifier des recettes. En outre, notamment, aucun état détaillé des stocks à la fin des exercices comptables n'a été communiqué. Par suite, et alors qu'en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que c'est en raison d'inondations et de l'existence de pièces placées sous scellés que la SARL Le Cauvet aurait été dans l'impossibilité de remettre au vérificateur des documents justificatifs, l'administration établit l'absence de caractère probant de la comptabilité.

8. En second lieu, la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL Le Cauvet a été effectuée selon la " méthode des liquides " et l'administration a retenu, à la suite de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, un taux pour les produits offerts ou perdus de 10 %. Ce taux n'est pas inférieur aux usages de la profession et la société requérante ne produit aucun élément à l'appui de son allégation selon laquelle, étant donné les conditions particulières de l'exploitation, il devrait être majoré et porté à 13 % pour tenir compte également de la freinte en matière de nourriture. Les états récapitulatifs manuscrits produits par la SARL Le Cauvet ne présentent pas un caractère probant permettant de connaître l'état des stocks au début et à la fin de chaque exercice comptable. En outre, la circonstance qu'à la suite du recours à l'interlocuteur départemental, les ventes de café aient été exclues de la reconstitution du chiffre d'affaires et les redressements ainsi fortement amoindris est sans incidence sur le bien-fondé d'ensemble de la méthode. Enfin, la société requérante ne produit aucun élément à l'appui de son allégation, brièvement énoncée, selon laquelle le chiffre d'affaires ainsi reconstitué par l'administration excèderait les capacités d'accueil du restaurant. Par suite, le ministre établit le bien-fondé de la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL Le Cauvet.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Le Cauvet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la SARL Le Cauvet au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Le Cauvet est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Le Cauvet et au ministre l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, où siégeaient :

- Mme C..., présidente de la Cour,

- M. B..., président assesseur,

- Mme Carotenuto, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.

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N° 19MA02076

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02076
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Vérification de comptabilité.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : MUNOZ

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-13;19ma02076 ?
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