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13/10/2020 | FRANCE | N°19MA01813

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 13 octobre 2020, 19MA01813


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1600513 du 25 février 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté le

ur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 avril 2019,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1600513 du 25 février 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 avril 2019, M. et Mme C..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 25 février 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 et 2009, et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle avait commencé avant l'envoi d'un avis de vérification, notamment par l'exercice du droit de communication ;

- ils devaient être informés des conséquences financières, en ce qui les concerne, de la vérification de comptabilité de la société à responsabilité limitée (SARL) Bâti Couleur dont M. C... est le gérant et l'associé ;

- la proposition de rectification du 3 décembre 2010 n'a pas été adressée à leur conseil, ne comporte pas, en annexe, la copie de la proposition de rectification adressée à la SARL Bâti Couleur et ne les a pas informés des éléments sur lesquels sont fondées les rectifications ;

- la procédure d'imposition méconnaît l'instruction administrative portant la référence 13 L -1513 du 1er juillet 2002 ;

- en raison notamment de l'imprécision de la demande de justifications et de la mise en demeure faites par l'administration au cours de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle sur le fondement des articles L. 16 et L. 16 A du livre des procédures fiscales, ils ont été privés de leur droit à un débat contradictoire lors de cet examen ;

- pour le même motif, c'est à tort que les revenus rectifiés au titre des années 2008 et 2009 ont été regardés comme des revenus d'origine indéterminée ;

- la majoration de 25 % de la base imposable aux prélèvements sociaux méconnaît la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 ;

- une partie des sommes regardées par l'administration comme des revenus d'origine indéterminée, soit ne constitue pas des revenus, soit a une origine qui peut être déterminée ;

- ni les manoeuvres frauduleuses, ni le manquement délibéré ne sont établis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Dans une proposition de rectification du 3 décembre 2010 indiquant s'appuyer sur les résultats de la vérification de comptabilité de la SARL Bâti Couleur, l'administration a estimé que M. et Mme C... avaient bénéficié de revenus distribués. Ils ont ainsi été assujettis, selon la procédure de redressement contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l'année 2007, et aux pénalités correspondantes, notamment à la majoration de 80 % prévue au c) de l'article 1729 du code général des impôts en cas de manoeuvres frauduleuses. En outre, dans une proposition de rectification du 9 septembre 2011 indiquant se fonder sur l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M. et Mme C..., l'administration a estimé qu'ils avaient notamment bénéficié de revenus d'origine indéterminée et ils ont été assujettis, selon la procédure de rectification d'office en ce qui concerne de tels revenus, à des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu au titre des années 2008 et 2009, et aux pénalités correspondantes, notamment à la majoration de 40 % prévue au a) de l'article 1729 en cas de manquement délibéré. Ils font appel du jugement du 25 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande de décharge de ces suppléments d'imposition.

I. Bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

S'agissant des rectifications au titre de l'année 2007 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu (...) ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) ". M. et Mme C..., qui ont été informés par un avis notifié le 22 septembre 2010 de l'engagement d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu au titre des années 2007, 2008 et 2009, doivent être regardés comme soutenant qu'en ce qui concerne les rectifications au titre de l'année 2007, ces dispositions du livre des procédures fiscales ont été méconnues.

3. Au cours de la vérification de comptabilité de la SARL Bâti Couleur qui a eu lieu du 4 février 2010 au 14 avril 2010, l'administration fiscale a fait usage du droit de communication prévu à l'article L. 81 du livre des procédures fiscales auprès notamment de l'établissement bancaire où est domicilié le compte de cette société. Les informations ainsi recueillies le 12 mai 2010 ne concernent donc que la société dont M. C... est le gérant. Même si elles ont concouru à la détermination du montant rectifié du bénéfice imposable de cette société au titre de l'exercice clos en 2007 et ainsi à celle des revenus réputés distribués à son gérant, ces démarches ne sont pas de nature à constituer un contrôle de la cohérence du revenu global déclaré par M. et Mme C... avec l'ensemble des revenus dont ils ont effectivement disposé, tels qu'ils peuvent être évalués à partir du patrimoine, de la situation de trésorerie ou du train de vie, seuls de nature à caractériser un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle. Par suite, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que les rectifications au titre de l'année 2007, qui ont porté uniquement sur les revenus réputés distribués au gérant de la SARL Bâti Couleur, procèderaient d'un examen contradictoire de leur situation personnelle ayant commencé avant la notification de l'avis les informant de l'engagement d'une telle procédure de contrôle. En outre, et en tout état de cause, aucune disposition ne prévoit que l'exercice du droit de communication doive être précédé d'un avis de vérification.

4. En deuxième lieu, le gérant ou l'associé d'une société, même imposé à raison de distributions révélées par une rectification des bases de l'impôt sur les sociétés que l'administration entend imposer à l'impôt sur le revenu entre ses mains, ne peut utilement se prévaloir des irrégularités de la procédure d'imposition suivie avec la société, distincte de celle qui a conduit à sa propre imposition. En raison de ce principe d'indépendance des procédures, M. et Mme C... ne peuvent utilement soutenir que la proposition de rectification du 7 mai 2010 adressée à la SARL Bâti Couleur à la suite de la vérification de comptabilité aurait dû également indiquer les conséquences financières que cette vérification aurait pour eux. En outre, aucune disposition applicable ne prévoit que cette proposition de rectification doive être communiquée aux associés d'une SARL.

5. En troisième lieu, l'article L. 57 du même livre dispose que : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".

6. La proposition de rectification du 3 décembre 2010 mentionne la nature de la procédure de rectification, l'impôt et l'année d'imposition, en l'espèce l'année 2007, le montant des rectifications proposées ainsi que les motifs suffisamment explicites pour permettre d'engager une discussion contradictoire avec l'administration et de présenter utilement des observations. Elle comporte donc les mentions prévues par les dispositions applicables qui, en tout état de cause, ne faisaient pas obligation d'y joindre en annexe la proposition de rectification du 7 mai 2010 adressée à la SARL Bâti Couleur. En outre, la circonstance que le montant des revenus réputés distribués au titre de l'année 2007 par la SARL Bâti Couleurs mentionné dans la proposition de rectification du 7 mai 2010 s'élève à la somme de 178 545 euros alors que celui mentionné dans la proposition de rectification du 3 décembre 2010 s'élève à 80 124 euros n'est pas de nature à établir que M. et Mme C... n'auraient pas été informés des conséquences financières des rectifications envisagées. Enfin, la circonstance que la proposition de rectification du 3 décembre 2010 ait été adressée à M. et Mme C... et non pas à leur conseil est, par elle-même, sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition dès lors qu'il est constant qu'elle leur a bien été notifiée. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précédemment citées doit donc être écarté.

7. Au surplus, il ressort de cette proposition de rectification que M. et Mme C... ont été informés de l'origine et de la teneur des documents obtenus de tiers ayant fondé les rectifications. Par suite, à supposer que M. et Mme C... aient entendu soulever ce moyen, ils ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ont été méconnues.

8. En quatrième lieu, M. et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative portant la référence 13 L-1513 du 1er juillet 2002 qui est relative à la procédure d'imposition.

S'agissant des rectifications au titre des années 2008 et 2009 :

9. Aux termes de l'article 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements (...) ". L'article L. 16 A du même livre dispose que : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

10. La demande de justifications et d'éclaircissements du 1er avril 2011 et la mise en demeure du 21 juin 2011 adressées à M. et Mme C... mentionnent le montant total des crédits bancaires à justifier et comportent, en annexe, le détail des montants encaissés ainsi que la date et le libellé de l'opération. Elles précisent que M. et Mme C... devront produire tous les justificatifs permettant d'identifier avec certitude la nature, l'objet et l'origine de ces sommes. Ils ne sont donc pas fondés à soutenir que ces demandes étaient trop sommaires pour qu'ils puissent y répondre. Les moyens tirés de ce que, d'une part, ils auraient été ainsi privés de la garantie d'une procédure contradictoire et, d'autre part, les revenus ne pouvaient être taxés d'office en tant que revenu d'origine indéterminée doivent donc être écartés.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'impôt :

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la base des cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux auxquelles M. et Mme C... ont été assujettis au titre de l'année 2007 n'a pas été majorée de 25 % en application du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts. Par suite, le moyen tiré de ce qu'une telle majoration méconnaîtrait le principe d'égalité devant les charges publiques, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-610 QPC du 10 février 2017, ne peut qu'être écarté.

12. En second lieu, s'agissant des revenus au titre des années 2008 et 2009, si l'administration ne peut régulièrement taxer d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont elle n'ignore pas qu'elles relèvent d'une catégorie précise de revenus, elle peut en revanche procéder à cette taxation d'office si, au vu des renseignements dont elle disposait avant l'envoi de la demande de justifications fondée sur l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et des réponses apportées par le contribuable à cette demande, la nature des sommes en cause, et donc la catégorie de revenus à laquelle elles seraient susceptibles de se rattacher, demeure inconnue. Il est toutefois loisible au contribuable régulièrement taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que ces sommes, soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus.

13. En l'espèce, M. et Mme C... ne produisent aucune pièce de nature à justifier la réalité de leur allégation selon laquelle les sommes regardées comme des revenus d'origine indéterminée, soit ne constitueraient pas des revenus, soit auraient une origine pouvant être déterminée. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les sommes portées au crédit de leurs comptes ont été regardées comme des revenus d'origine indéterminée.

En ce qui concerne les pénalités :

14. Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ". L'article 1729 du code général des impôts dispose que : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ".

15. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'en 2007, la SARL Bâti Couleur a comptabilisé des charges de sous-traitance pour lesquelles aucune facture les justifiant n'a été produite et qui correspondent à des sommes encaissées sur les comptes bancaires de M. C..., gérant de cette société. Eu égard au moyen ainsi mis en oeuvre pour éluder l'impôt, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de manoeuvres frauduleuses qu'en sa qualité de gérant, M. C... ne pouvait ignorer.

16. En second lieu, il résulte de l'instruction que les revenus distribués par la SARL Bâti Couleurs mais non déclarés s'élèvent à 40 066 euros en 2008 et que les comptes bancaires de M. et Mme C... ont bénéficié de crédits non justifiés s'élevant à 111 808 euros en 2008 et à 106 809 euros en 2009. En raison de l'importance de ces revenus et du nombre élevé de ces crédits au cours de l'ensemble de la période, l'administration établit l'existence du caractère délibéré des omissions de déclaration.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

II. Frais liés au litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à M. et Mme C... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, où siégeaient :

- Mme E..., présidente de la Cour,

- M. D..., président assesseur,

- Mme Carotenuto, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.

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N° 19MA01813

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