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13/10/2020 | FRANCE | N°18MA04810

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 13 octobre 2020, 18MA04810


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'une part, d'annuler l'arrêté du 15 mars 2016 par lequel le maire de Mérindol a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue d'édifier une construction à usage d'habitation, d'autre part, de constater qu'elle est titulaire d'un permis de construire tacite ou d'enjoindre au maire de Mérindol de procéder à une nouvelle instruction de sa demande de permis de construire.

Par le jugement n° 1601850 du 28 septembre 2018, le tribunal

administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'une part, d'annuler l'arrêté du 15 mars 2016 par lequel le maire de Mérindol a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue d'édifier une construction à usage d'habitation, d'autre part, de constater qu'elle est titulaire d'un permis de construire tacite ou d'enjoindre au maire de Mérindol de procéder à une nouvelle instruction de sa demande de permis de construire.

Par le jugement n° 1601850 du 28 septembre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 novembre 2018 et par un mémoire complémentaire enregistré le 2 octobre 2019, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 septembre 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 mars 2016 du maire de la commune de Mérindol ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Mérindol la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est titulaire d'un permis de construire tacite en application de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme, dès lors que la commune n'établit pas que le délai d'instruction de sa demande a été interrompu par une demande de pièces manquantes ;

- la décision en litige s'analyse ainsi comme un retrait de ce permis tacite ;

- elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations écrites avant cette décision de retrait en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- le motif du refus de construire en litige tiré de ce que le projet augmente le risque incendie en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme est entaché d'erreur d'appréciation ;

- le permis de construire sollicité respecte les règles du plan d'occupation des sols de la commune, qui n'exige pas la présence d'un poteau d'incendie à 150 m de la construction projetée ;

- le permis de construire sollicité respecte l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense enregistrés les 25 septembre et 8 décembre 2019, la commune de Mérindol, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Mme B... et de Me G... substituant Me C... pour la commune de Mérindol.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a demandé au maire de Mérindol un permis de construire afin d'édifier une construction à usage d'habitation d'une surface de plancher de 140 m², sur un terrain cadastré AD n° 91, 197 et 198 d'une superficie d'environ 12 000 m², situé dans le quartier de Champeau sur le territoire de la commune et classé pour partie en zone 1NDi et pour partie en zone III NBI du plan d'occupation des sols communal alors en vigueur. Par l'arrêté en litige du 15 mars 2016, le maire a refusé de lui délivrer ce permis de construire. Par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de cet arrêté et à constater qu'elle est titulaire d'un permis de construire tacite ou d'enjoindre au maire de Mérindol de procéder à une nouvelle instruction de sa demande de permis de construire.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. L'article L. 424-2 du code de l'urbanisme prévoit que le permis de construire est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. L'article R. 423-23 b) de ce code dispose notamment que le délai d'instruction de droit commun est de deux mois pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle. L'article R. 423-19 du même code dispose que ce délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. Aux termes de l'article R. 423-22 de ce code : " (...) le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ". L'article R. 423-38 de ce code prévoit que : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l'auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou, dans le cas prévu par l'article R. 423-48, un échange électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. ". L'article R. 423-39 de ce code prévoit que : " L'envoi prévu à l'article R. 423-38 précise : a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; b) Qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d'une décision tacite d'opposition en cas de déclaration ; c) Que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie. ". Il incombe à l'administration, lorsqu'elle invoque la date de notification d'une demande de pièces manquantes pour contester la naissance d'un permis tacite, d'établir la date à laquelle cette demande de pièces a été régulièrement notifiée à l'intéressé. Si l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme prévoit que la demande de pièces complémentaires doit être notifiée par l'autorité compétente au pétitionnaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une telle disposition ne rend pas irrégulière une notification par un autre procédé présentant des garanties équivalentes, contrairement à ce que soutient Mme B....

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a déposé le 30 décembre 2015 une demande de permis de construire auprès du service instructeur de la commune de Mérindol. Par lettre du 21 janvier 2016, soit dans le délai d'un mois prévu par l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme, le maire lui a adressé une demande de pièces manquantes pour instruire cette demande. Il est constant que cette demande n'a pas été remise à la pétitionnaire par lettre recommandée avec accusé de réception. Toutefois, la commune produit un bordereau d'envoi du même jour qui mentionne une remise en main propre d' " une lettre de demande de pièces " à Mme B... dans le cadre de l'instruction de son permis de construire et qui porte la signature de la requérante. Mme B... ne conteste pas utilement avoir été destinataire de cette lettre de demande de pièces en se bornant à soutenir que ce bordereau ne comportait pas de liste précise des pièces manquantes, dès lors que ce bordereau mentionne qu'était jointe cette demande de pièces complémentaires. Au demeurant, la requérante, qui ne conteste d'ailleurs pas avoir eu connaissance de cette demande de pièces complémentaires, a produit le 2 février 2016 les pièces manquantes sollicitées sur lesquelles figure la mention " pièce complémentaire 01/2016 ". Ainsi, cette notification doit être regardée comme présentant des garanties équivalentes à la formalité de notification par lettre recommandée avec accusé de réception prévue par l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, la commune établit que, le 21 janvier 2016, cette demande de pièces a été régulièrement notifiée à la pétitionnaire. Cette demande de pièces a interrompu le délai d'instruction de deux mois de la demande de permis de construire de Mme B..., lequel, en application de l'article R. 423-39 du code de l'urbanisme, a commencé à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie le 2 février 2016. Ce délai n'était donc pas expiré le 15 mars 2016, date du refus du permis de construire en litige. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'à la date de cet arrêté, elle était titulaire d'un permis de construire tacite et que le refus exprès de lui délivrer le permis de construire en litige devrait s'analyser comme le retrait illégal de ce prétendu permis tacite. Dès lors, le moyen tiré de l'illégalité de ce prétendu retrait au regard des exigences de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, codifié par le code des relations entre le public et l'administration est sans incidence sur l'issue du litige et doit être écarté.

4. Pour refuser le permis de construire en litige, le maire de la commune de Mérindol s'est fondé sur un double motif tiré de ce que d'une part, le projet était de nature à augmenter le risque d'incendie et porter ainsi atteinte à la sécurité publique en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et que d'autre part, toute construction sur un terrain non bâti et desservi uniquement par la route départementale 973 est interdite en méconnaissance de l'article III NB3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune alors en vigueur, relatif aux accès et visé par l'arrêté en litige.

5. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient notamment la délivrance d'un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

6. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est entouré de boisements et qu'il est identifié comme soumis à un alea moyen au titre du risque de feu de forêt selon une étude menée conjointement par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Vaucluse et la direction départementale des territoires de Vaucluse. L'avis défavorable du SDIS de Vaucluse du 12 février 2016 précise qu'un poteau d'incendie est implanté à environ 600 m du projet par les voies de communications existantes, alors que dans une zone d'alea moyen, ce service prescrit qu'un tel poteau d'incendie doit être implanté sur la voie ouverte à la circulation publique à moins de 150 m de l'habitation projetée et qu'il doit être alimenté par une canalisation permettant un débit utilisable supérieur ou égal à 60 m3/h pendant deux heures. La requérante ne conteste pas en appel qu'aucun poteau d'incendie n'est implanté à 150 m du projet. A supposer même qu'elle doive être regardée, en renvoyant sans autre précision en appel à la lecture des pièces qu'elle produit à l'instance, comme soutenant que la proximité du projet avec le canal de Provence, situé selon elle à 300 m à vol d'oiseau, permettrait aux engins de lutte contre l'incendie de disposer d'une ressource en eau suffisante, elle n'établit ni que ce canal serait accessible par une voie praticable par les engins de secours, ni que son débit répondrait aux caractéristiques de la force et de la constance du débit exigé par le SDIS. La présence de piscines privées sur des terrains situés à proximité du terrain d'assiette du projet ne permet pas non plus d'établir que la ressource en eau serait ainsi suffisante et accessible pour permettre aux services de secours de lutter efficacement contre les risques de feux de forêt. La circonstance que le plan d'occupation des sols de la commune n'exige pas la présence d'un poteau d'incendie à moins de 150 m d'un projet est sans incidence sur la légalité de la décision en litige qui n'est fondée que sur la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Si la communauté de communes Lubéron Monts de Vaucluse saisie au titre des risques naturels affirme, dans son avis favorable du 22 janvier 2016, que " le projet est compatible avec les principes de l'Etat en matière de prévention du risque d'incendie de forêt " sous la réserve de consulter le SDIS afin de vérifier la conformité des moyens de protection, cet avis n'est pas de nature à contredire l'avis défavorable du service compétent en matière de lutte contre l'incendie. Dans ces conditions, compte tenu de la situation du terrain d'assiette du projet et de la configuration des lieux, le maire de la commune de Mérindol a pu sans erreur d'appréciation refuser d'autoriser la construction en litige au motif qu'elle méconnaissait l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le maire aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce seul motif. Par suite, il n'y a pas lieu pour la Cour de se prononcer sur le second motif tiré de la méconnaissance de l'article III NB3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune alors en vigueur, au demeurant non contesté par la requérante.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de la commune de Mérindol qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme de 1 000 euros à verser à la commune de Mérindol au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera la somme de 1 000 euros à la commune de Mérindol sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et à la commune de Mérindol.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- Mme A..., présidente assesseure,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.

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N° 18MA04810


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04810
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : GALHUID

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-13;18ma04810 ?
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