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08/10/2020 | FRANCE | N°19MA02262

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 08 octobre 2020, 19MA02262


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Flassans-sur-Issole à lui verser la somme de 225,30 euros par mois en réparation de la perte de l'indemnité d'administration et de technicité et des primes pour travaux insalubres à partir du 1er février 2015, la somme de 630 euros par an au titre de la perte de la prime annuelle à compter de l'année 2015 ainsi que la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi du fait de l'accident imputa

ble au service du 24 février 2014 et d'ordonner une expertise médicale.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Flassans-sur-Issole à lui verser la somme de 225,30 euros par mois en réparation de la perte de l'indemnité d'administration et de technicité et des primes pour travaux insalubres à partir du 1er février 2015, la somme de 630 euros par an au titre de la perte de la prime annuelle à compter de l'année 2015 ainsi que la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi du fait de l'accident imputable au service du 24 février 2014 et d'ordonner une expertise médicale.

Par un jugement n° 1600730 du 21 mars 2019, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune de Flassans-sur-Issole à verser à M. A... la somme de 3 000 euros, a condamné la société Allianz Iard à garantir la commune de la condamnation prononcée à son encontre et a rejeté le surplus de la demande de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 21 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a limité à la somme de 3 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Flassans-sur-Issole en réparation du préjudice qu'il a subi et a rejeté ses demandes tendant au versement de l'indemnité d'administration et de technicité, des primes pour travaux insalubres et de la prime annuelle ;

2°) de condamner la commune de Flassans-sur-Issole à lui verser l'indemnité d'administration et de technicité, les primes pour travaux insalubres et la prime annuelle ;

3°) de porter à la somme de 50 000 euros le montant de l'indemnité due ;

4°) à défaut, d'ordonner une expertise ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Flassans-sur-Issole la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les douleurs à l'épaule ont pour origine l'accident reconnu imputable au service ;

- le handicap était connu de la commune qui a manqué à son obligation de sécurité et commis une faute en lui faisant réaliser des travaux incompatibles avec son état de santé ;

- le préjudice subi doit être indemnisé intégralement ;

- l'expertise présente une utilité pour déterminer les préjudices.

Par des mémoires, enregistrés le 13 novembre 2019 et le 24 juillet 2020, la société Allianz Iard, représentée par la SCP de Angelis, Semidei, Vuillquez, Habart-Melki, Bardon, de Angelis, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel provoqué, d'annuler le jugement du 21 mars 2019 du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il l'a condamnée à garantir la commune de Flassans-sur-Issole à hauteur de 3 000 euros ;

3°) de rejeter la demande d'appel en garantie présentée par la commune à son encontre en première instance ;

4°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de critique du jugement ;

- la responsabilité sans faute de la commune ne peut pas être engagée ;

- la faute de la commune n'est pas établie ;

- l'accident est imputable à une imprudence de l'agent ;

- le lien de causalité entre les travaux réalisés et les douleurs à l'épaule n'est pas démontré ;

- les douleurs sont en lien avec l'état antérieur de l'agent ;

- l'agent a commis une faute en réalisant des travaux incompatibles avec son état de santé ;

- l'allocation temporaire d'invalidité est incluse dans le forfait de pension ;

- l'indemnité d'administration et de technicité, les primes pour travaux insalubres et la prime annuelle ont été perçues dans le cadre du contrat de prévoyance souscrit par la commune ;

- les préjudices sont injustifiés ;

- l'expertise ne présente pas d'utilité ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2020, la commune de Flassans-sur-Issole, représentée par la SELARL LLC et Associés, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de critique du jugement ;

- aucune faute ne peut lui être imputée ;

- l'obligation de sécurité n'a pas été méconnue ;

- l'accident a pour origine l'état antérieur de l'agent ;

- l'agent a commis une faute ;

- l'agent n'a subi aucune perte de revenus ;

- les frais médicaux ont été pris en charge par la commune ;

- les dépenses liés aux démarches administratives et aux déplacements, les frais de véhicule adapté, le préjudice d'agrément et le préjudice moral ne sont pas justifiés ;

- l'expertise ne présente pas d'utilité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. A..., de Me E..., substituant la SELARL LLC et associés représentant la commune de Flassans-sur-Issole, et de Me B..., représentant la société Allianz Iard.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui est agent des services techniques de la commune de Flassans-sur-Issole, a été victime d'un accident le 24 février 2014 reconnu comme imputable au service. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon du 21 mars 2019 condamnant la commune de Flassans-sur-Issole à lui verser la somme de 3 000 euros, condamnant la société Allianz Iard à garantir la commune de la condamnation prononcée à son encontre et rejetant le surplus de sa demande en sollicitant, en premier lieu, une meilleure indemnisation des préjudices liés à l'accident de service, en deuxième lieu, le versement de l'indemnité d'administration et de technicité, des primes pour travaux insalubres et de la prime annuelle et, enfin, la désignation d'un expert. La commune de Flassans-sur-Issole conclut au rejet de la requête. La société Allianz Iard, assureur de la collectivité, demande, par la voie de l'appel provoqué, l'annulation de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à garantir la commune à hauteur de 3 000 euros.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Flassans-sur-Issole et la société Allianz Iard :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

3. La requête d'appel de M. A... ne se borne pas à reproduire purement et simplement la demande présentée devant le tribunal administratif mais comporte une critique du jugement de première instance et expose à nouveau de manière précise les conclusions et les moyens présentés à l'appui de sa demande. La fin de non-recevoir opposée par la commune de Flassans-sur-Issole et la société Allianz Iard, tirée de l'absence de critique du jugement attaqué, doit dès lors être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, l'allocation temporaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions qui instituent ces prestations déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font en revanche pas obstacle à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. Elles ne font pas non plus obstacle à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incombait.

5. Il résulte de l'instruction que l'accident dont M. A... a été victime s'est produit lors de travaux effectués dans le cadre de son service en déchargeant à la pelle le béton contenu dans un godet de tractopelle.

En ce qui concerne la perte de revenus et l'incidence professionnelle :

6. Contrairement à ce qui est soutenu par l'intéressé, les travaux manuels auxquels il se livrait au moment de l'accident ne nécessitaient pas de le faire bénéficier au préalable d'une formation adéquate. Par ailleurs, M. A..., qui ne produit pas de nouvelles pièces, n'établit pas plus en appel qu'en première instance, que la commune de Flassans-sur-Issole avait connaissance du handicap affectant son épaule droite dès lors qu'il ne ressort pas des attestations qu'il a produites que son nouveau supérieur hiérarchique était informé de son état de santé et qu'il l'aurait contraint de réaliser les travaux qui sont à l'origine de l'accident. Par ailleurs, si le service de la médecine du travail avait, lors des visites annuelles des années 2009 à 2011, déclaré le requérant apte avec des restrictions quant aux efforts importants effectués avec le membre inférieur droit et contre-indiqué la réalisation de travaux de maçonnerie, les fiches de visite périodique du 20 janvier 2012 et du 5 mars 2013 ne contiennent plus aucune préconisation au regard de son état de santé, sans que M. A... établisse que le médecin du travail n'aurait pas estimé nécessaire de prescrire de restriction à l'exercice de ses fonctions en raison de la description qui lui a été faite des travaux dont il était chargé, lesquels n'impliquaient normalement pas de mobilisation de son épaule droite.

7. Par ailleurs, la décision de la commission des droits et de l'autonomie du Var du 20 décembre 2012 reconnaissant au requérant le statut de travailleur handicapé pour la période du 2 janvier 2012 au 1er décembre 2017 n'a pas été notifiée à la commune, laquelle, en sa qualité d'employeur, n'a pas eu davantage connaissance des causes médicales de l'arrêt de travail de M. A... du 20 janvier au 22 février 2014. Il n'est pas non plus établi par l'intéressé qu'il aurait communiqué à la collectivité, avant son accident, un courrier faisant état de nombreuses gênes à l'épaule droite et sollicitant un rendez-vous auprès de la médecine du travail.

8. M. A... ne peut davantage se prévaloir de la circonstance que la commune a sollicité au mois de juin 2012 la vérification de la compatibilité de son handicap avec l'emploi de policier municipal pour lequel il avait postulé, qui ne peut permettre de considérer qu'elle avait connaissance de la persistance de douleurs à l'épaule droite à la date de l'accident qui a eu lieu 17 mois plus tard.

9. Il suit de là que M. A... n'est pas fondé, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, à invoquer la méconnaissance par son employeur de son obligation de sécurité et de protection de la santé des agents placés sous son autorité ni, par suite, à soutenir que la commune de Flassans-sur-Issole aurait commis une faute de nature à lui ouvrir droit à la réparation intégrale des préjudices résultant de la perte de revenus et de l'incidence professionnelle causés par cet accident de service. Ses conclusions tendant à la condamnation de la commune à lui verser l'indemnité d'administration et de technicité, les primes pour travaux insalubres depuis le 1er février 2015 et la quote-part de la perte de la prime annuelle qu'il ne perçoit plus depuis 2015 doivent, dès lors, être rejetées.

En ce qui concerne les autres préjudices :

10. Comme il a été dit au point 4, M. A... ne peut demander à la commune de Flassans-sur-Issole, en l'absence de faute de celle-ci, qu'une indemnité complémentaire réparant les préjudices patrimoniaux d'une autre nature que la perte de revenus et l'incidence professionnelle ainsi que les préjudices personnels.

11. Dès lors, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la commune a pris en charge les dépenses de santé, d'un montant de 1 685,36 euros, supportées par M. A... et non remboursées par la caisse primaire d'assurance maladie du Var et, d'autre part, que le requérant n'établit ni avoir conservé à sa charge des frais de déplacements pour effectuer des démarches administratives ou assister à des expertises, ni la nécessité d'acquérir un véhicule équipé d'une boîte automatique, ses conclusions tendant à la réparation de tels chefs de préjudices doivent être rejetées.

12. Les premiers juges ont, en revanche, retenu à bon droit que l'accident dont il a été victime a causé à M. A... des souffrances physiques et morales et divers troubles dans ses conditions d'existence, qu'ils ont justement évalués à la somme de 3 000 euros. Dès lors que, contrairement à ce que font valoir les défendeurs, il ne peut être reproché à M. A... d'avoir commis une faute en exécutant les travaux qui lui avaient été demandés par son supérieur hiérarchique, il y a lieu de maintenir, tant dans son principe que dans son montant, la condamnation prononcée en première instance à l'encontre de la commune de Flassans-sur-Issole.

Sur les conclusions d'appel provoqué :

13. La société Allianz Iard ne conteste pas plus en appel qu'en première instance que l'accident de M. A... est pris en charge par les garanties du contrat d'assurance de responsabilité civile générale souscrit auprès d'elle par la commune de Flassans-sur-Issole. Il suit de là que ses conclusions tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il la condamne à garantir la commune de Flassans-sur-Issole des condamnations prononcées contre elle doivent en tout état de cause, être rejetées.

14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise médicale, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a limité à 3 000 euros l'indemnité au versement de laquelle a été condamnée la commune de Flassans-sur-Issole. Il y a lieu de rejeter en outre les conclusions présentées par la société Allianz Iard par la voie de l'appel provoqué.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Flassans-sur-Issole, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de faire droit au prétentions de la société Allianz Iard, partie perdante, au titre de ces mêmes dispositions. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Flassans-sur-Issole.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel provoquées de la société Allianz Iard et celles qu'elle a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : M. A... versera à la commune de Flassans-sur-Issole une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à la commune de Flassans-sur-Issole et à la société Allianz Iard SA.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme F..., première conseillère,

- M. Sanson, conseiller.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2020.

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N° 19MA02262

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02262
Date de la décision : 08/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04 Responsabilité de la puissance publique. Réparation.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : PALERM

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-08;19ma02262 ?
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