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02/10/2020 | FRANCE | N°18MA04208

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 02 octobre 2020, 18MA04208


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Corse-du-Sud a déféré devant le tribunal administratif de Bastia le 7 février 2018, la SARL Les Mandiles, M. F... C... et M. B... C..., ses cogérants, comme prévenus d'une contravention de grande voirie pour l'occupation, sans droit ni titre, du domaine public maritime sur le territoire de la commune de Cargèse.

Par un jugement n° 1800165 du 12 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bastia a condamné la SARL Les Mandiles, M. F... C... et

M. B... C... à, d'une part, payer une amende de 50 euros chacun et, d'autre part,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Corse-du-Sud a déféré devant le tribunal administratif de Bastia le 7 février 2018, la SARL Les Mandiles, M. F... C... et M. B... C..., ses cogérants, comme prévenus d'une contravention de grande voirie pour l'occupation, sans droit ni titre, du domaine public maritime sur le territoire de la commune de Cargèse.

Par un jugement n° 1800165 du 12 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bastia a condamné la SARL Les Mandiles, M. F... C... et M. B... C... à, d'une part, payer une amende de 50 euros chacun et, d'autre part, remettre les lieux en leur état primitif, sous peine, passé un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, d'une astreinte de 500 euros par jour de retard.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 septembre et 29 octobre 2018, sous le n° 18MA04208, la SARL Les Mandiles et MM. C... représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 12 -juillet 2018 ;

2°) de les relaxer de toutes poursuites engagées contre eux par le procès-verbal de contravention de grande voirie du 23 janvier 2018 ;

3°) dans le cas où la Cour ne s'estimerait pas suffisamment éclairée, ordonner une expertise aux fins de déterminer les conséquences de la destruction du ponton sur l'écosystème marin et sur la roche ;

4°) à titre subsidiaire :

- de réduire le quantum de l'amende à de plus juste proportion ;

- de limiter la condamnation à intervenir à la seule dépose du béton appliqué au cours du printemps 2017 ;

- de leur accorder un délai suffisant pour procéder à la remise des lieux en leur état initial ;

- d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il a assorti l'exécution de la décision d'une astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- de ne prononcer aucune astreinte à leur encontre ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal n'a pas apporté de réponse à ses moyens tirés des irrégularités affectant le procès-verbal de contravention ;

En ce qui concerne la contravention de grande voirie :

- la procédure a méconnu les dispositions de l'article L. 774-2 du code de justice administrative ;

- le préfet de la Corse-du-Sud a violé les stipulations de l'article 6-3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le procès-verbal de contravention de grande voirie ne fait pas mention de l'article 131-13 du code pénal et de l'article 1er du décret du 25 février 2003 ;

- il porte atteinte aux droits de la défense ;

- il est entaché d'inexactitude matérielle des faits ;

- ces faits matériellement inexacts ne sauraient caractériser l'infraction objet des poursuites ;

- ils n'ont jamais entretenu l'ouvrage ;

- ils doivent être regardés comme s'étant substitués à la personne publique gestionnaire défaillante dans le seul objectif de sécuriser une dépendance du domaine public ;

- ils ne sauraient être regardés comme ayant la garde effective du ponton ;

- leur intervention consistant en des travaux de faible importance n'a pas eu pour conséquence la modification des proportions du ponton ;

En ce qui concerne l'action domaniale :

- le tribunal s'est mépris sur l'étendue de l'infraction telle que constatée en les condamnant à la démolition de la totalité du ponton ;

- la condamnation à la remise des lieux dans leur état primitif n'est pas justifiée et méconnait le principe d'équité ;

- elle se révèle impossible et entraînerait des dégradations irréversibles d'une partie du domaine public et porterait atteinte à ses écosystèmes marins ;

- elle mettrait fin à l'affectation de cette dépendance domaniale régulièrement utilisée par la population locale et estivale ;

- la remise des lieux dans leur état initial ne se justifiant pas, il n'y a pas lieu au prononcé d'une astreinte.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL les Mandiles et autres ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code pénal ;

- le décret n° 2003-172 du 25 février 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 23 janvier 2018 à l'encontre de la SARL les Mandiles et de ses cogérants, M. F... C... et M. B... C..., qui exploitent une résidence de tourisme et sont propriétaires d'une parcelle cadastrée n° 0E 0846, à raison de la présence sur le domaine public maritime d'un ouvrage en béton de 50 m² sur la plage de Capizzolu située sur la commune de Cargèse. La SARL Les Mandiles et MM. C... relèvent appel du jugement du 12 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Bastia les a condamnés, d'une part, à payer une amende de 50 euros chacun et, d'autre part, à remettre les lieux en leur état initial, sous peine, passé un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, d'une astreinte de 500 euros par jour de retard.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des points 4 et 9 du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bastia a suffisamment répondu aux moyens tirés des irrégularités affectant le procès-verbal de contravention de grande voirie selon lesquels le procès-verbal ne faisait pas mention de l'article 131-13 du code pénal et de l'article 1er du décret du 25 février 2003 et de ce qu'il était fondé sur des faits inexacts. Le tribunal n'avait pas à répondre au moyen inopérant tiré de la méconnaissance des droits de la défense du fait de l'absence des mentions de l'article 131-13 du code pénal et de l'article 1er du décret du 25 février 2003 dès lors qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie est régulier alors même qu'il ne vise pas les dispositions auxquelles il a été contrevenu. Par voie de conséquence, le premier juge n'a pas méconnu le principe du respect des droits de la défense en omettant de répondre à ce moyen.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la contravention de grande voirie :

3. Aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. (...) /La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (...) /Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance. ".

4. Le délai de dix jours prévu par le premier alinéa de l'article L. 774-2 du code de justice administrative pour la notification au contrevenant du procès-verbal de contravention de grande voirie n'est pas prescrit à peine de nullité. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que le délai qui s'est écoulé entre l'établissement de ce procès-verbal, le 23 janvier 2018, et sa notification à la SARL Les Mandiles et à MM. C..., le 6 février 2018, soit quatorze jours, aurait eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense. Les appelants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que la procédure de contravention de grande voirie poursuivie à leur encontre serait irrégulière à raison du non-respect du délai prévu par ses dispositions et contraire aux droits de la défense en méconnaissance des stipulations de l'article 6§3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Aux termes de l'article 131-13 du code pénal : " Constituent des contraventions les infractions que la loi punit d'une amende n'excédant pas 3 000 euros. ". L'article 1er du décret du 25 février 2003 dispose que : " Toute infraction en matière de grande voirie commise sur le domaine public maritime en dehors des ports, et autres que celles concernant les amers, feux, phares et centres de surveillance de la navigation maritime prévues par la loi du 27 novembre 1987 susvisée, est punie de la peine d'amende prévue par l'article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la 5e classe ".

6. La circonstance que le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 23 janvier 2018 ne fasse pas mention de l'article 131-13 du code pénal et de l'article 1er du décret du 25 février 2003 est sans incidence dès lors qu'il précise l'ouvrage visé, les personnes incriminées, l'occupation constatée le 7 juin 2017 et qu'il vise les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques dont il est fait application. Par ailleurs, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance des droits de la défense du fait de cette omission ainsi qu'il a été dit au point 2.

7. Aux termes de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, (...) ". Aux termes de l'article L. 2132-3 du même code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. / (...)".

8. La personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est, soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention.

9. Il résulte de l'instruction que le ponton en litige est implanté sur le domaine public maritime et plus particulièrement sur la plage de Capizzolu à Cargèse et est contigu à la parcelle cadastrée n° 0E 0846, propriété des requérants. Selon le constat d'occupation du domaine public maritime établi le 7 juin 2017, M. C... a admis avoir entrepris et suivi les travaux de mise en oeuvre du quai en béton afin de faciliter l'accès à la mer pour les clients de la résidence de tourisme et avoir pour cela effectué un coffrage en pierre de 30 cm de hauteur puis coulé 13 m3 de béton fibré avec résine. De tels travaux ne représentent pas une simple consolidation mais un véritable entretien, les requérants invoquant un état de délabrement du ponton tel qu'il nécessitait des travaux de mise en sécurité du fait de la présence d'excavations et de ferrailles. La circonstance que le ponton existait préalablement à la date d'acquisition des parcelles par MM. C... et de la création de la Sarl Les Mandiles est sans incidence. Cet ouvrage étant édifié irrégulièrement sur le domaine public maritime et se situant au droit de la propriété privée des requérants, ces derniers doivent regardés comme en ayant la garde, même s'ils ne l'ont pas construit, dès lors qu'ils l'utilisent à leur profit, qu'ils l'entretiennent ou le surveillent. Enfin, ils ne pouvaient se substituer à la personne publique gestionnaire défaillante en l'absence d'autorisation de réaliser de tels travaux. Par suite, les poursuites pour contravention de grande voierie engagés à leur encontre sont régulières et le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 23 janvier 2018 n'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts.

En ce qui concerne l'action domaniale :

10. En condamnant la SARL Les Mandiles et MM. C... à remettre les lieux dans leur état primitif, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bastia ne s'est pas mépris sur l'étendue de l'infraction dès lors qu'il résulte du procès-verbal de contravention de grande voierie dressé le 23 janvier 2018 que l'agent assermenté a constaté la présence d'un ouvrage permanent de type quai en béton de 50 m² situé sur le domaine public maritime dépourvu de toute autorisation d'occupation du domaine public. Si les requérants soutiennent que cette démolition aura pour conséquence la fin de l'affectation de cette dépendance domaniale régulièrement utilisée par la population locale et estivale, les attestations non circonstanciées qu'ils produisent ne permettent pas d'établir que le ponton aurait été utilisé par d'autres personnes d'une façon qui ne soit pas seulement épisodique. La circonstance qu'ils n'ont pas construit cet ouvrage est sans incidence dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 9, ils ont reconnu avoir effectué les travaux en litige. Il en va de même du fait qu'ils ont toujours connu ce quai dans un état délabré et jamais dans son état naturel. Ils ne peuvent utilement soutenir que cette condamnation entraînera des dégradations irréversibles et qu'elle porterait atteinte à l'intégrité physique du domaine public en se prévalant d'un courrier du 19 octobre 2018 de la SARL BSA TP et d'une expertise réalisée le 27 septembre 2018 par le bureau d'étude Galatea relatifs aux dommages causés sur la roche marine et les îlots d'herbiers dès lors qu'il appartient au seul préfet d'apprécier si une régularisation de la situation de l'ouvrage public demeure possible et si sa démolition entraînerait, au regard de la balance des intérêts en présence, une atteinte excessive à l'intérêt général. Dans ces conditions, la condamnation à la remise en état des lieux dans leur état primitif ne méconnait pas le principe d'équité ni ne porte atteinte à l'écosystème marin. Il y a lieu dès lors de maintenir l'injonction sous astreinte prononcée par le tribunal laquelle est justifiée.

11. Dans les circonstances de l'espèce, c'est à bon droit que le premier juge a condamné la SARL Les Mandiles et MM. C... au paiement d'une amende d'un montant de 50 euros chacun, laquelle n'est pas disproportionnée et leur a donné un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, pour remettre en état le domaine public.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise inutile à la résolution du présent litige, que la SARL Les Mandiles et MM. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia les a condamnés à, d'une part, payer une amende de 50 euros chacun et, d'autre part, remettre les lieux en leur état primitif, sous peine, passé un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, d'une astreinte de 500 euros par jour de retard. Par voie de conséquence, les conclusions subsidiaires de la SARL Les Mandiles et de MM. C... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SARL Les Mandiles et MM. C... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Les Mandiles et de MM. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Les Mandiles, à M. F... C..., à M. B... C... et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 2 octobre 2020.

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N° 18MA04208

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04208
Date de la décision : 02/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CELLI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-02;18ma04208 ?
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