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01/10/2020 | FRANCE | N°19MA05091

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 01 octobre 2020, 19MA05091


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la défense de l'environnement rural (ADER) a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2017 par lequel le maire de la commune de Boulbon a retiré l'arrêté du 16 décembre 2016 portant retrait de la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable en vue d'une division foncière au profit de M. C....

Par un jugement n° 1701664 du 23 septembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure deva

nt la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2019, et un mémoire complémentai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association pour la défense de l'environnement rural (ADER) a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2017 par lequel le maire de la commune de Boulbon a retiré l'arrêté du 16 décembre 2016 portant retrait de la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable en vue d'une division foncière au profit de M. C....

Par un jugement n° 1701664 du 23 septembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 14 juin 2020, l'ADER, représentée par Me Troncin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 septembre 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Boulbon et de M. C... chacun une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire de la commune de Boulbon a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne prononçant pas un sursis à statuer en application de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme ;

- le permis d'aménager méconnaît l'article L. 110-1 du code de l'environnement et l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- le permis d'aménager est entaché de détournement de pouvoir.

Par un mémoire enregistré le 19 mai 2020, la commune de Boulbon, représentée par Me Faure-Bonaccorsi, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'ADER., de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de l'ADER. est irrecevable faute de comporter une critique du jugement ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 9 juin 2020, M. F... C..., représenté par Me Dailly, conclut au rejet de la requête, subsidiairement à ce que soit mise en oeuvre la procédure de régularisation de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et à la mise à charge de l'ADER. de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la requête de l'ADER. est irrecevable faute de comporter une critique du jugement ;

- l'ADER, ne justifie pas d'un intérêt à agir ;

- le représentant de l'ADER ne justifie pas d'une habilitation à agir ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Portail,

- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,

et les observations de Me Troncin, représentant l'ADER, et de M. B... C... ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association pour la défense de l'environnement rural (ADER) a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2017 par lequel le maire de la commune de Boulbon a retiré son précédent arrêté du 16 décembre 2016 retirant une décision implicite de non opposition à division foncière et ne s'est pas opposé à la déclaration effectuée par M. C... portant sur la division foncière en vue de construire sur les parcelles cadastrées section A n° 1069, 1070, 1071, 1102, 1103 et 1104. Elle relève appel du jugement du 23 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :

2. En premier lieu, la requête d'appel comporte des moyens et critique en particulier le jugement attaqué en ce qu'il a écarté le moyen tiré de ce que le maire de la commune de Boulbon aurait dû prononcer un sursis à statuer sur la déclaration en vue d'une division foncière. La fin de non-recevoir opposée en défense doit dès lors être écartée.

3. En deuxième lieu, en l'absence, dans les statuts d'une association ou d'un syndicat, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ou ce syndicat.

4. Il ressort des statuts de l'ADER qu'ils donnent pouvoir aux coprésidents de l'association pour la représenter en justice et qu'ils ne réservent expressément à aucun autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif. La fin de non-recevoir tirée de ce que les coprésidents de l'association requérante ne seraient pas habilités à relever appel en son nom doit dès lors être écartée.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance :

5. Aux termes de l'article L. 141-1 du code de l'environnement : " Lorsqu'elles exercent leurs activités depuis au moins trois ans, les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de l'amélioration du cadre de vie, de la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, de l'urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d'une manière générale, oeuvrant principalement pour la protection de l'environnement, peuvent faire l'objet d'un agrément motivé de l'autorité administrative (...)". Aux termes de l'article L. 142-1 du même code : " Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 ainsi que les associations mentionnées à l'article L. 433-2 justifient d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément. ".

6. Il ressort des statuts de l'ADER qu'elle a pour objet de " maintenir la qualité de la vie rurale et mettre en oeuvre les actions contre les personnes physiques ou morales ne respectant pas les règles en matière d'urbanisme et d'environnement et qui dégraderaient de manière visuelle, auditive, olfactive l'environnement plus particulièrement dans le département des Bouches-du-Rhône. Ces statuts stipulent également que " l'association est notamment concernée par la protection, la conservation et la restauration: de la faune et de la flore, des ressources, milieux, habitats naturels et des zones agricoles, de la biodiversité, des écosystèmes et des équilibres fondamentaux écologiques, de l'eau, de l'air, des sols, des sites, des paysages et du cadre de vie, plus particulièrement des zones classées et protégées (ZNIEFF, NATURA 2000, zones humides, etc.) ". La requérante a été agréée en application des dispositions précitées du code de l'environnement pour le département des Bouches-du-Rhône par arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 21 juillet 2014. Elle justifie ainsi d'un intérêt pour demander l'annulation d'un arrêté de retrait du retrait d'une décision de non opposition à déclaration de division foncière en vue de construire un lot sur un terrain, dont il est constant qu'il est situé sur le territoire concerné par la zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) de la Montagnette.

Sur la légalité de l'arrêté du 12 janvier 2017 :

7. En premier lieu, l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme prévoit dans son 3ème alinéa que : " L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables. ". La faculté ouverte par ces dispositions législatives à l'autorité compétente pour se prononcer sur la demande de permis de construire, de surseoir à statuer sur cette demande, est subordonnée à la double condition que l'octroi du permis soit susceptible de compromettre l'exécution du projet du plan local d'urbanisme et que ce dernier ait atteint, à la date à laquelle l'autorité doit statuer, un état d'avancement suffisant.

8. D'une part, à la date de la décision attaquée, le conseil municipal de la commune de Boulbon avait débattu du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme en cours d'élaboration, lequel prévoit le reclassement en zone à vocation exclusivement agricole des 40 hectares du secteur des Bouisses et du Grès encore non imperméabilisés. L'article R. 151-23 du code de l'urbanisme dispose : " Peuvent être autorisées, en zone A :1° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ;2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci. ". Le projet de plan local d'urbanisme avait ainsi atteint à la date de la décision attaquée un état d'avancement suffisant, du moins en ce qui concerne le secteur des Bouisses où est situé le terrain d'assiette du projet.

9. D'autre part, la non-opposition à une déclaration de division foncière en vue de la construction d'un bâtiment à usage d'habitation, dont il n'est ni établi, ni du reste allégué, qu'il serait nécessaire à une exploitation agricole, dans un secteur que les auteurs du projet de plan local d'urbanisme entendent protéger du mitage et réserver à l'activité agricole, est de nature à compromettre l'exécution du futur plan. En n'opposant pas à la déclaration de division foncière en vue de construire un sursis à statuer, le maire de la commune de Boulbon a commis une erreur manifeste d'appréciation.

10. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme aucun autre moyen n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de la décision attaquée.

11. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé.".

12. Le vice affectant la décision de non opposition à division foncière résultant de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le maire de la commune de Boulbon en ne prononçant pas un sursis à statuer n'est pas susceptible d'être régularisé par une décision de non opposition à déclaration préalable modificative. En conséquence, les conclusions tendant à l'application des dispositions précitées de l'article L. 6005-1 du doivent être rejetées.

13. Il résulte de ce qui précède que l'ADER, est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué et de l'arrêté du 12 janvier 2017.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ADER, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demandent la commune de Boulbon et M. C... sur le fondement de ces dispositions. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Boulbon la somme de 1 000 euros à verser à l'ADER, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 23 septembre 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 12 janvier 2017 du maire de la commune de Boulbon est annulé.

Article 3 : La commune de Boulbon versera à l'ADER la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association pour la défense de l'environnement rural (ADER), à la commune de Boulbon et à M. F... C....

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Tarascon.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Poujade, président,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme Gougot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.

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N° 19MA05091

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05091
Date de la décision : 01/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : TRONCIN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-01;19ma05091 ?
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