Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... C... a, par une requête enregistrée sous le n° 1901123, demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 15 février 2019 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 1901122, 1901123 du 3 avril 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 août 2019, Mme C..., représentée par Me Bazin, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 avril 2019 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Hérault du 15 février 2019 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros à verser à Me Bazin.
Elle soutient que :
- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision fixant le délai de départ ;
- s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire, elle méconnait le principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- cette décision méconnait l'article 3-1 de la convention internationale des droits de 1'enfant ;
- cette décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- cette décision méconnait 1'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision d'octroi d'un délai de départ de 30 jours n'est pas motivée ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant l'Etat de destination méconnait 1'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 novembre 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet aux écritures de première instance.
Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 juin 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Baizet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante albanaise, relève appel du jugement du 3 avril 2019 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 février 2019 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de destination.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Montpellier s'est prononcé, pour l'écarter, sur le moyen tiré du défaut de motivation de la décision d'octroi d'un délai de départ de trente jours en visant l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en indiquant que " lorsqu'elle accorde ce délai de trente jours, l'autorité administrative n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a présenté aucune demande tendant au bénéfice d'un délai d'une durée supérieure ". Le premier juge n'a, par suite, pas entaché le jugement attaqué d'une omission à statuer et le moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) ".
4. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français en litige comporte les motifs de droit et de fait qui la fondent et est dès lors suffisamment motivée. En particulier, en dépit de l'absence de visa de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, il ressort de l'examen des motifs de la décision que celleci vise les textes applicables et mentionne, au vu des déclarations de l'intéressée, la présence de deux enfants mineurs. Ainsi, le préfet, qui n'était pas tenu de faire mention de l'ensemble des circonstances de l'espèce pour motiver suffisamment en fait sa décision d'éloignement, a suffisamment motivé sa décision.
5. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union ". Aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent (...) aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (...) ".
6. Lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français sur ce fondement, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet d'un refus de titre de séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur à la préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Il en est de même s'agissant d'une demande de réexamen de sa situation au titre de l'asile.
7. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 14 décembre 2018 confirmant la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 octobre 2017 lui refusant le statut de réfugié a été notifiée à l'intéressée le 16 janvier 2019. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée disposait alors d'éléments pertinents tenant à sa situation personnelle, susceptibles d'influer sur le sens de la décision d'éloignement en litige, qu'elle aurait été empêchée de soumettre antérieurement à l'administration. Ainsi, en faisant obligation à Mme C... de quitter le territoire français le 15 février 2019, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu le droit d'être entendu, garanti notamment par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté dès lors que, d'une part, il ne ressort pas du dossier que les deux enfants du couple seront privés de leur parents du fait des mesures d'éloignement prises à l'encontre de ceux-ci par le préfet de l'Hérault et, d'autre part, s'il est soutenu que la fille de la requérante serait directement exposée à des risques de violence physique et morale en Albanie, aucun élément probant à l'appui de cette allégation n'est produit.
10. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français en litige.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
12. Il ressort des pièces du dossier que compte tenu de la faible ancienneté du séjour en France de la requérante, celle-ci n'établit pas avoir établi durablement une vie privée et familiale en France, malgré la naissance de sa fille cadette Jorela le 19 septembre 2017 et les témoignages attestant notamment que la fille aînée Leandra est scolarisée en maternelle, est intégrée au sein de la communauté des élèves et que les parents s'intéressent à la vie scolaire. Ainsi, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. Pour les mêmes motifs, en l'absence d'autre élément suffisamment pertinent, la décision en litige n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne le délai de départ volontaire :
14. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. /Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".
15. Il ressort de la décision en litige que le préfet de l'Hérault a précisé qu'après examen de sa situation, l'intéressée ne faisait pas état de circonstances rendant nécessaire une prolongation du délai accordé pour quitter le territoire. La décision relative au délai est ainsi motivée.
16. Faute de circonstances particulières tendant au bénéfice d'un délai d'une durée supérieure, l'autorité administrative ne peut être regardée comme ayant méconnu les dispositions précitées en n'accordant pas un délai de départ supérieur à trente jours, en dépit de la scolarité en cours de la fille aînée du couple.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
17. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
18. Mme C... ne produit pas d'éléments probants sur la réalité et l'intensité des risques personnels auxquels elle serait exposée à raison de la crainte d'une vendetta familiale en cas de retour en Albanie. Ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination des mesures d'éloignement méconnait les stipulations précitées.
19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
20. Par voie de conséquence du rejet des conclusions en annulation, les conclusions présentées à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de
l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat,
qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à Me Bazin et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2020, où siégeaient :
- M. Poujade, président,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Baizet premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.
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N° 19MA03983
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