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29/09/2020 | FRANCE | N°18MA04975

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 29 septembre 2020, 18MA04975


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... G... a demandé au tribunal administratif de Marseille :

- sous le n° 1608424, d'annuler la décision du 26 septembre 2016 par laquelle La Poste a refusé sa reprise de fonctions, ensemble la décision du 7 octobre 2016 de rejet de son recours gracieux tendant au retrait de cette décision ;

- sous le n° 1610013, d'annuler la décision du 13 octobre 2016 par laquelle La Poste a prononcé à son encontre la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de vingt-quatre mois don

t six mois avec sursis.

Par le jugement n° 1608424,1610013 du 24 septembre 2018, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... G... a demandé au tribunal administratif de Marseille :

- sous le n° 1608424, d'annuler la décision du 26 septembre 2016 par laquelle La Poste a refusé sa reprise de fonctions, ensemble la décision du 7 octobre 2016 de rejet de son recours gracieux tendant au retrait de cette décision ;

- sous le n° 1610013, d'annuler la décision du 13 octobre 2016 par laquelle La Poste a prononcé à son encontre la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de vingt-quatre mois dont six mois avec sursis.

Par le jugement n° 1608424,1610013 du 24 septembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a joint ces deux demandes et a, par son article 1er, annulé la décision du 26 septembre 2016 de La Poste refusant la reprise de fonctions de Mme G..., ensemble la décision du 7 octobre 2016 de rejet de son recours gracieux et, par son article 2, rejeté la demande n° 1610013 de Mme G....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 novembre 2018 et par deux mémoires complémentaires enregistrés les 22 août et 17 septembre 2019, Mme G..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 24 septembre 2018 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision du 13 octobre 2016 par laquelle La Poste a prononcé à son encontre la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de vingt-quatre mois dont six mois avec sursis ;

3°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision en litige a été prise par une autorité incompétente ;

- elle n'a pas pu bénéficier d'un délai suffisant pour obtenir communication du dossier d'enquête ;

- les pièces des dossiers disciplinaires et administratifs mis à sa disposition n'étaient pas numérotées en méconnaissance de l'article 18 alinéa 1 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- la procédure disciplinaire est entachée d'un vice de procédure au regard du principe de respect des droits de la défense, ce qui l'a privée d'une garantie ;

- la sanction en litige est fondée sur le décret n°90-1111du 12 décembre 1990, qui a été abrogé à compter du 1er juin 2010 ;

- la matérialité des faits reprochés n'est pas établie ;

- la sanction infligée est disproportionnée.

Par des mémoires enregistrés les 23 avril, 30 août et 1er octobre 2019, La Poste, représentée par la Selarl d'avocats E... AMG, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme G... la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 2010-191 du 26 février 2010 portant statut de La Poste,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. A...,

- et les observations de Me F... substituant Me B... représentant Mme G... et de Me E... représentant La Poste.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., cadre supérieur fonctionnaire de La Poste, exerçait ses fonctions de directeur de secteur Marseille Saint-Louis (poste groupe A) depuis le 6 août 2007. Elle a été suspendue de ses fonctions par décision du 27 avril 2016 du directeur de La Poste à la suite d'une plainte pour harcèlement moral formée à son encontre par des agents de son service. Elle a été placée en congé de maladie ordinaire du 28 avril 2016 au 26 septembre 2016. Ce jour du 26 septembre 2016, La Poste a refusé sa reprise d'activités et de fonctions. Le conseil de discipline, saisi sur la sanction envisagée par La Poste, s'est réuni le 15 septembre 2016. Par la décision en litige du 13 octobre 2016, La Poste a infligé à la requérante la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de vingt-quatre mois dont six mois avec sursis. Saisi par la requérante de deux demandes formées contre les décisions du 26 septembre 2016 et 13 octobre 2016 de La Poste, le tribunal administratif de Marseille, par le jugement n° 1608424,1610013 du 24 septembre 2018, a joint ces deux demandes et a, par son article 1er, annulé la décision du 26 septembre 2016 de La Poste refusant la reprise de fonctions de Mme G..., ensemble la décision du 7 octobre 2016 de rejet de son recours gracieux et, par son article 2, rejeté la demande n° 1610013 de Mme G... tendant à l'annulation de la décision du 13 octobre 2016 lui infligeant la sanction en litige. La requérante relève appel de l'article 2 de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision en litige :

2. En premier lieu, l'article 6 du décret du 26 février 2010 prévoit que : "I. _ Dans les matières mentionnées au premier alinéa de l'article 5, le président du conseil d'administration de La Poste peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs, à l'exception des décisions de révocation, à des responsables centraux ou de services déconcentrés de La Poste placés sous son autorité. Dans les conditions qu'elles déterminent, les décisions prises en vertu du premier alinéa peuvent prévoir que les pouvoirs délégués sont susceptibles de faire l'objet de subdélégations successives au profit de responsables centraux ou de services déconcentrés placés sous l'autorité des subdélégataires.(...) Le président du conseil d'administration de La Poste peut déléguer sa signature, pour l'exercice des compétences visées au premier alinéa de l'article 5 qui n'ont pas fait l'objet d'une délégation de pouvoir, aux responsables centraux ou de services déconcentrés de La Poste placés sous son autorité. ". Aux termes de l'article 5 de ce décret dans sa rédaction applicable : "Le président du conseil d'administration de La Poste recrute et nomme les fonctionnaires sur les emplois de la société ; il assure la gestion des personnels fonctionnaires."

3. Il ressort des pièces du dossier que par décision n° 189-05 du 8 juillet 2014, le président de La Poste a donné délégation de pouvoirs au directeur général adjoint, directeur général du réseau. Par décision n° 237-007 du 25 août 2014, le directeur général adjoint a donné délégation de pouvoirs au directeur des ressources humaines (DRH) du réseau. Par décision n° 244-01 du 1er septembre 2014, le DRH a donné délégation de pouvoirs du réseau au directeur opérationnel des ressources humaines du réseau. La Poste produit en appel la décision n° 244-01 du 1er septembre 2014, régulièrement publiée, par laquelle la signataire de la décision en litige, directeur opérationnel des ressources humaines du réseau, est compétente pour prononcer les sanctions disciplinaires du 3ème groupe concernant les personnels fonctionnaires des classes I à IV groupe A du réseau La Poste. Les erreurs de visa sur la date de nomination du président du conseil d'administration de La Poste ou sur le décret abrogé n° 90-1111 du 12 décembre 1990, qui constituent de simples erreurs matérielles, sont sans incidence sur sa légalité.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'alinéa 1 de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : "Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité.". Aux termes de l'article 1er du décret n°84-961 du 25 octobre 1984, applicable aux agents de La Poste en vertu de l'article 29 de la loi n°90-568 du 2 juillet 1990 relative, notamment, à l'organisation du service public de La Poste : " L'administration doit dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. / Les pièces du dossier et les documents annexes doivent être numérotés. "

5. D'une part, la requérante invitée par lettre du 22 juillet 2016 de La Poste à consulter son dossier personnel et le dossier d'enquête disciplinaire et qui a procédé au demeurant à cette consultation le 28 juillet 2016, soit environ deux mois avant la réunion du conseil de discipline le 15 septembre 2016, ne peut utilement soutenir qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour préparer sa défense devant le conseil de discipline. Il ressort du procès-verbal de consultation du 28 juillet 2016 qu'elle a consulté notamment son dossier disciplinaire dont la composition est attestée par le bordereau joint permettant d'identifier la liste des pièces 1 à 15 et de s'assurer de la présence de ces pièces au dossier, dans le respect des exigences de l'article 18 alinéa 1 de la loi du 13 juillet 1983.

6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'une plainte pour harcèlement moral formée à son encontre par un agent de son service en décembre 2015 et de plaintes de même nature formées par deux autres agents en avril 2016, les plaintes de ces agents ont été recueillies dans le cadre d'un dispositif de prévention et traitement des situations de harcèlement moral mis en place par La Poste, associant médecin du travail, assistants sociaux et la directrice régionale des ressources humaines. La requérante a pu formuler ses observations de manière contradictoire lors de trois entretiens lors de la première enquête et elle a été convoquée dans le cadre de la seconde enquête, son état de santé ne lui ayant pas permis de se présenter. Si la requérante soutient qu'elle n'a pas obtenu la communication intégrale de son dossier individuel au cours de la procédure disciplinaire, dès lors qu'elle n'a pas eu accès, malgré sa demande en ce sens, aux plaintes et aux témoignages directs des agents placés sous son autorité recueillis dans le cadre de cette enquête interne, il ressort des pièces du dossier que son dossier disciplinaire comprenait deux rapports de synthèse rédigés de manière objective par la direction régionale des ressources humaines de La Poste à la suite des entretiens, qui reprennent clairement et précisément les griefs formulés à son encontre et ses réponses à ces griefs et qui lui ont ainsi permis de préparer utilement, avant la tenue du conseil de discipline, sa défense. Il est constant que l'autorité disciplinaire s'est fondée exclusivement sur ces deux rapports de synthèse, qui comportaient l'intégralité des griefs qui ont justifié l'engagement de la procédure disciplinaire, pour prendre la sanction en litige. En contestant la teneur des plaintes et témoignages repris dans ces rapports de synthèse, Mme G... entend en réalité remettre en cause la matérialité des faits qui lui sont reprochés. La requérante, qui a ainsi bénéficié de l'ensemble des droits afférents à la procédure disciplinaire, notamment celui de se défendre et, en particulier, de contester l'exactitude matérielle des faits qui lui étaient reprochés, n'est pas fondée à soutenir que le défaut de communication des plaintes et témoignages formés à son encontre, justifié par La Poste par le souci de protéger les agents placés sous l'autorité hiérarchique de Mme G..., porterait atteinte à son droit à communication de son dossier et au caractère contradictoire de la procédure disciplinaire et entacherait cette procédure d'irrégularité.

7. En troisième lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

8. L'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée dispose : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes (...). Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans (...). ".

9. Pour prendre la sanction litigieuse de l'exclusion temporaire de fonctions de vingt-quatre mois dont six mois avec sursis, La poste s'est fondée, selon les termes de la décision en litige qui mentionne à la suite d'une simple erreur matérielle le décret n°90-1111du 12 décembre 1990 abrogé à compter du 1er juin 2010, sur son "comportement inapproprié dans ses fonctions managériales envers plusieurs collaborateurs " et sur un manquement au respect d'autrui" dans le cadre de ses fonctions de directeur de secteur Marseille Saint-Louis, et notamment par un manque de respect, des propos discriminants, des comportements violents et menaçants envers certains agents qui ont entraîné un mal être au travail de plusieurs de ses collaborateurs. La requérante, en se bornant à soutenir que La Poste, faute de communiquer les plaintes et les témoignages des agents concernés, n'établirait pas les faits reprochés et à invoquer l'absence d'une réelle enquête de son employeur, ne conteste pas utilement la matérialité des faits qui lui sont reprochés. Il ressort au contraire des deux rapports de synthèse mentionnés au point 6, qui s'appuient sur des faits très circonstanciés et convergents des agents et des témoins, que Mme G... a fait preuve, dans son management, de propos agressifs, violents, discriminants et irrespectueux envers le personnel de son service, qui ont engendré un état de stress au travail élevé, des troubles du sommeil aggravés et des troubles comportementaux chez plusieurs agents. Par suite, et alors même que la manière de servir de la requérante a été estimée satisfaisante par sa hiérarchie jusqu'au prononcé de la sanction en litige, l'autorité disciplinaire ne s'est pas fondée sur des faits matériellement inexacts et a pu à bon droit estimer que les faits reprochés à la requérante constituaient une faute de nature à justifier une sanction.

10. Eu égard à la gravité des faits reprochés, à leur répétition, à la méconnaissance qu'ils traduisent des responsabilités afférentes à sa qualité de supérieur hiérarchique et aux conséquences qu'ils ont eu pour le personnel de l'établissement ainsi qu'à l'absence totale de remise en cause de son mode de direction par la requérante, la Poste n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, infligé une sanction disproportionnée en décidant de prendre à l'encontre de Mme G... la sanction du troisième groupe de l'exclusion temporaire de fonctions de deux ans assortie d'un sursis de 6 mois.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de La Poste, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme G... la somme de 1 000 euros à verser à La Poste au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.

Article 2 : Mme G... versera la somme de 1 000 euros à La Poste sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... G... et à La Poste.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- Mme D..., première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

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N°18MA04975


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04975
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : BOUMAZA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-29;18ma04975 ?
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