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29/09/2020 | FRANCE | N°18MA04447

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 29 septembre 2020, 18MA04447


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français à destination de son pays d'origine et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par le jugement n° 1803820 du 8 septembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure deva

nt la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 octobre 2018 et par un mémoire enregistré ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français à destination de son pays d'origine et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par le jugement n° 1803820 du 8 septembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 octobre 2018 et par un mémoire enregistré le 22 avril 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 septembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2018 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes à titre principal, de lui délivrer une carte de réfugié sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, qui sera versée à Me B... en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la motivation retenue est erronée ;

- il n'a pas bénéficié du droit à être entendu garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il a été victime d'une voie de fait pendant et à la sortie du centre de rétention ;

- l'illégalité de la procédure de rétention méconnaît son droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- il ne peut pas faire en application de l'article L. 511-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, dès lors que la Cour nationale du droit d'asile dans son arrêt du 2 avril 2019 a annulé la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides lui retirant son statut de réfugié ;

- cette mesure d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- sur le refus d'accorder un délai de départ volontaire :

- il doit en bénéficier en application de la directive 2008/115 ;

- il ne constitue pas actuellement une menace à l'ordre public ;

- sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle méconnaît son droit à être entendu, à un recours effectif et au respect de sa vie privée et familiale ;

- sur le pays de destination :

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 6 septembre 2019.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur deux moyens relevés d'office, le premier tiré de ce que le requérant ayant perdu le statut de réfugié sans perdre la qualité de réfugié, il n'est pas au nombre des étrangers susceptibles d'être éloignés sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le second tiré de ce que le requérant ayant perdu le statut de réfugié sans perdre la qualité de réfugié, il n'est pas au nombre des étrangers susceptibles d'être éloignés sur le fondement de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à destination du pays dont il a la nationalité.

Par un mémoire enregistré le 13 septembre 2020, M. C... a produit ses observations en réponse sur ces moyens d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité russe, relève appel du jugement du 8 septembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 septembre 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français à destination de son pays d'origine et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 511-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En cas de reconnaissance de la qualité de réfugié ou d'octroi de la protection subsidiaire, l'autorité administrative abroge l'obligation de quitter le territoire français qui, le cas échéant, a été prise. Elle délivre sans délai au réfugié la carte de résident prévue au 8° de l'article L. 314-11 et au bénéficiaire de la protection subsidiaire la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-13. Une mesure d'éloignement ne peut être prise à l'encontre de l'étranger bénéficiant d'un droit au séjour. ". Il résulte de ces dispositions que la reconnaissance de la qualité de réfugié fait en tout état de cause obstacle à l'éloignement d'un étranger.

3. Postérieurement à l'introduction de sa requête devant la Cour, la Cour nationale du droit d'asile a, par décision n° 18042277 du 5 avril 2019, annulé la décision du 20 février 2017 par laquelle le directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides a mis fin sur le fondement de l'article L. 711-6 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au statut de réfugié de M. C... et l'a maintenu dans son statut de réfugié. La décision d'accorder le bénéfice du statut de réfugié revêtant un caractère recognitif, elle a eu pour effet de rétroagir à la date de la décision litigieuse. Ainsi, M. C... est fondé à s'en prévaloir pour contester la légalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français prise antérieurement à son intervention. Dès lors, le préfet des Alpes-Maritimes ne pouvait pas légalement prendre l'obligation de quitter le territoire en litige.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Il est, dès lors, fondé à demander tant l'annulation de ce jugement que de l'arrêté en litige du 5 septembre 2018 du préfet des Alpes-Maritimes portant l'obligation de quitter le territoire français. Par voie de conséquence, la décision de refus de lui accorder un délai de départ volontaire, la décision fixant le pays de destination et l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans sont dépourvues de base légale et doivent, dès lors, être annulées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code: " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

6. L'annulation de l'obligation de quitter le territoire en litige n'implique pas nécessairement au sens de l'article L. 911-1 du code de justice administrative la délivrance de la carte de résident prévue par le 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En revanche, le présent arrêt implique nécessairement le réexamen de la situation de M. C... par le préfet des Alpes-Maritimes en tenant compte de la qualité de réfugié du requérant. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de la situation de M. C... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable pendant la durée de ce réexamen. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais engagés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 8 septembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 5 septembre 2018 du préfet des Alpes-Maritimes est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la situation de M. C... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen.

Article 4 : L'Etat versera à Me B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre de l'intérieur et à Me B....

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près du tribunal judiciaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- Mme A..., première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

3

N°18MA04447


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04447
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : LESTRADE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-29;18ma04447 ?
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