La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2020 | FRANCE | N°18MA00500

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 29 septembre 2020, 18MA00500


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2015 par lequel le président de l'office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure a prononcé son licenciement et, d'autre part, de condamner cet établissement public à caractère industriel et commercial à lui verser la somme totale de 110 796,34 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de cette mesure de licenciement.

Par un jugement n° 160081

8 du 1er décembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a fait partielleme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2015 par lequel le président de l'office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure a prononcé son licenciement et, d'autre part, de condamner cet établissement public à caractère industriel et commercial à lui verser la somme totale de 110 796,34 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de cette mesure de licenciement.

Par un jugement n° 1600818 du 1er décembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a fait partiellement droit à cette demande en condamnant l'office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure à verser à Mme F... la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 février 2018 et 20 août 2019, Mme G... F..., représentée par le cabinet Asea, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er décembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2015 par lequel le président de l'office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure a prononcé son licenciement ;

3°) de condamner l'office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure à lui verser la somme totale de 110 795,73 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité de son licenciement ;

4°) de mettre à la charge de l'office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur ses conclusions à fin d'annulation et est par ailleurs entaché d'erreur de fait ;

- le tribunal a " commis une erreur de qualification des faits " en ne recherchant pas si sa réintégration était possible ;

- la procédure préalable à son licenciement n'a pas respecté les droits de la défense et, en particulier, le principe du contradictoire ;

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;

- il ne comporte pas la signature de son auteur, en méconnaissance de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 alors en vigueur ;

- il est insuffisamment motivé au regard des exigences de l'article 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 alors en vigueur ;

- le renouvellement de sa période d'essai étant contraire à l'article R. 133-11 du code du tourisme, la mesure de licenciement, qui doit être regardée comme ayant été prononcée alors que son contrat à durée déterminée était devenu définitif, est entachée d'une erreur de droit ;

- l'arrêté contesté est entaché d'inexactitude matérielle et d'erreur d'appréciation ;

- elle a subi un préjudice financier correspondant aux rémunérations qu'elle aurait dû percevoir ;

- elle a subi un préjudice moral ;

- la gratification de fin d'année qui lui avait été accordée au mois de décembre 2015 ne lui a pas été versée.

Par des mémoires en défense enregistrés les 25 juillet et 4 octobre 2019, l'office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure, représenté par Me B..., conclut, à titre principal et par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er décembre 2017 en ce qu'il l'a condamné à verser à Mme F... une somme de 20 000 euros, à titre subsidiaire, au rejet de la requête et, en toute hypothèse, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens invoqués par l'appelante ne sont pas fondés ;

- la mesure de licenciement litigieuse n'étant pas illégale, sa responsabilité n'est pas engagée ;

- à titre subsidiaire, la réparation des préjudices devrait être ramenée à de plus justes proportions.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du tourisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- les observations de Me E..., représentant Mme F..., et celles de Me C..., substituant Me B..., représentant l'office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure.

Une note en délibéré présentée pour Mme F... a été enregistrée le 16 septembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... a été recrutée par la commune de Collioure, par un contrat à durée déterminée conclu pour la période du 23 février au 22 mai 2015 et ultérieurement prolongé, en qualité de chargée de mission pour la mise en place d'un nouvel office de tourisme constitué sous la forme d'un établissement public industriel et commercial. L'intéressée a ensuite été engagée à compter du 1er juillet 2015, en vertu d'un contrat de droit public conclu pour une période de trois ans, en qualité de directrice générale de cet établissement public dénommé " office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure ". Par un arrêté du 23 décembre 2015, le président de cet office a prononcé le licenciement de l'intéressée, sans préavis ni indemnité, " au terme de la période d'essai, le 31 décembre 2015 ". Mme F... relève appel du jugement du 1er décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier n'a fait que partiellement droit à sa demande en condamnant l'office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de cette mesure de licenciement. Par la voie de l'appel incident, l'intimé demande la réformation de ce jugement en ce qu'il l'a condamné à verser à Mme F... cette somme de 20 000 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. Mme F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2015 par lequel le président de l'office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure a prononcé son licenciement. Le tribunal administratif a omis de se prononcer sur ces conclusions. Il suit de là que le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er décembre 2017 doit être annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme F....

3. Il y a lieu de statuer immédiatement sur ces conclusions à fin d'annulation par la voie de l'évocation et de statuer sur les conclusions indemnitaires par la voie de l'effet dévolutif.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. D'une part, l'article R. 133-11 du code du tourisme, applicable aux offices de tourisme constitués sous la forme d'un établissement public industriel et commercial, prévoit notamment que le " directeur de l'office de tourisme est recruté par contrat ", que ce " contrat est conclu pour une durée maximale de trois ans " et qu'il " peut être résilié sans préavis ni indemnité pendant les trois premiers mois d'exercice de la fonction ".

5. Il résulte de ces dispositions que le contrat de recrutement du directeur d'un office de tourisme constitué sous la forme d'un établissement public industriel et commercial ne peut comporter une clause permettant la résiliation de ce contrat sans préavis ni indemnité après l'expiration d'une période d'essai dont la durée ne peut dépasser trois mois.

6. Il ressort des pièces du dossier que le contrat de recrutement de Mme F..., à compter du 1er juillet 2015, en qualité de directrice générale de l'office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure comporte, à son article 2, une clause permettant de renouveler une fois la période d'essai de trois mois. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que cette clause, contraire aux dispositions de l'article R. 133-11 du code du tourisme, est irrégulière et doit, dès lors, être écartée. La période d'essai de Mme F... étant expirée depuis plus de trois mois à la date de l'arrêté contesté du 23 décembre 2015, l'intéressée ne pouvait plus légalement être licenciée sans préavis ni indemnité à cette dernière date. Il suit de là que l'arrêté en litige doit être regardé comme prononçant le licenciement de Mme F... en cours de contrat et pour un motif d'insuffisance professionnelle.

7. D'autre part, le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un agent public contractuel ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé.

8. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du courrier du 16 décembre 2015 portant convocation de Mme F... à l'entretien préalable à son licenciement, que l'office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure reproche à l'intéressée une " organisation insatisfaisante " de son travail, une " réalisation insatisfaisante des tâches confiées ", ainsi qu'une incapacité à mettre en oeuvre son projet touristique. L'office intimé fait en outre état d'insuffisances de Mme F... dans la " gestion du personnel " et dans la maîtrise des " règles du droit du travail ". Il n'apporte toutefois, pas plus en appel qu'en première instance, d'éléments probants de nature à établir la matérialité des faits ainsi reprochés à Mme F.... Il ne ressort pas des pièces du dossier que la qualité du travail de cette dernière en qualité de directrice générale de l'office aurait été remise en cause par son employeur antérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement. D'ailleurs, par une délibération du 14 décembre 2015, adoptée moins de dix jours avant l'édiction de l'arrêté contesté, le comité de direction de l'office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure a décidé, à l'unanimité, d'attribuer à Mme F... une prime de treizième mois alors même que l'intéressée ne remplissait pas les conditions d'ancienneté pour en bénéficier. Enfin, la circonstance que la requérante aurait fait l'objet d'une plainte pour harcèlement moral, à la supposer établie, n'est pas de nature, en l'absence de toute précision sur ce point, à démontrer son insuffisance professionnelle. Dans ces conditions, Mme F... est fondée à soutenir que l'arrêté du 23 décembre 2015 prononçant son licenciement repose sur des faits dont l'exactitude matérielle n'est pas établie.

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés à son encontre, l'arrêté du 23 décembre 2015 doit être annulé.

Sur les conclusions indemnitaires :

10. L'illégalité interne relevée au point 8 entachant la mesure d'éviction de Mme F... constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure. La circonstance que Mme F... se soit montrée favorable au renouvellement de sa période d'essai, alors que les dispositions de l'article R. 133-11 du code du tourisme font obstacle à un tel renouvellement ainsi qu'il a été dit précédemment, ne constitue pas, contrairement à ce que soutient l'office intimé, une faute de nature à exonérer ce dernier de sa responsabilité ou à justifier un partage de responsabilité. Par suite, et alors qu'il résulte de l'instruction que les autres illégalités fautives invoquées par Mme F... ne sont pas, en tout état de cause, à l'origine de préjudices distincts de ceux résultant de l'illégalité interne évoquée ci-dessus, l'intéressée est en droit de prétendre à la réparation de ses préjudices présentant un lien direct et certain avec cette dernière illégalité.

11. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues au cours de la période d'éviction.

12. Mme F... est en droit de prétendre au versement d'une indemnité égale à la différence entre le montant des rémunérations qu'elle aurait dû percevoir si elle était restée en fonction jusqu'au terme de son contrat, soit pour la période du 1er janvier 2016 au 30 juin 2018, et les rémunérations de toute nature ainsi que des allocations pour perte d'emploi qu'elle a perçues au cours de cette période. Toutefois, la cour ne peut, en l'état de l'instruction, fixer le montant de l'indemnité due, à ce titre, à l'intéressée. Dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner, avant dire droit, un supplément d'instruction et d'inviter, d'une part, Mme F... à produire l'avis d'imposition relatif à ses revenus de l'année 2018, d'autre part, l'office intimé à communiquer à la cour un document détaillant le montant des rémunérations nettes, y compris les gratifications de fin d'année, qui auraient dû être perçues par Mme F... au cours de sa période d'éviction, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

13. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de Mme F..., d'ordonner une mesure d'instruction pour fixer les droits à réparation de l'intéressée au titre du préjudice financier qu'elle a subi du fait de son éviction illégale et de réserver jusqu'en fin d'instance tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er décembre 2017 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de Mme F....

Article 2 : L'arrêté du président de l'office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure du 23 décembre 2015 est annulé.

Article 3 : Avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de Mme F..., il est procédé à un supplément d'instruction tendant à la production, respectivement par Mme F... et par l'office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure, des documents mentionnés au point 12 du présent arrêt, dans le délai d'un mois à compter de sa notification[0].

Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... F... et à l'office de tourisme, de la culture et de l'animation de Collioure.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Chazan, président,

- Mme D..., première conseillère,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

6

N° 18MA00500


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA00500
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Licenciement.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL ASEA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-29;18ma00500 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award