La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/09/2020 | FRANCE | N°20MA00353-20MA00525

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 17 septembre 2020, 20MA00353-20MA00525


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1905577 en date du 27 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.
<

br>Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2020 sous le n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1905577 en date du 27 décembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2020 sous le n° 20MA00353, M. B... représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) de l'admettre, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du 27 décembre 2019 ;

3°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 21 novembre 2019 ;

4°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa situation dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a eu pour effet de le priver du droit d'être entendu ;

- compte tenu de l'état de santé de son épouse, l'arrêté porte une atteinte excessive à la vie privée et familiale telle que protégée par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II. Par une requête, enregistrée le 5 février 2020 sous le n° 20MA0525, M. B... représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice du 27 décembre 2019 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens énoncés dans sa requête sont sérieux.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par deux décisions du 29 mai 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille a rejeté les demandes d'aide juridictionnelle de M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me E..., substituant Me A..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Les deux requêtes n° 20MA00353 et n° 20MA00525 qui sont présentées par le même requérant, sont relatives à la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

2. M. B..., ressortissant azerbaïdjanais, né le 3 novembre 1974, relève appel du jugement du 27 décembre 2019 du tribunal administratif de Nice qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 novembre 2019 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Sur la requête n° 20MA00353 :

En ce qui concerne l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

3. M. B... a présenté, pour cette procédure, une demande d'aide juridictionnelle qui a fait l'objet d'une décision de rejet du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Marseille. Par conséquent, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Lorsque le préfet fait obligation à un étranger de quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit interne de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne. Il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, qui incluent le droit à une bonne administration. Parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne à être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief. Ce droit n'implique pas systématiquement obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

5. En l'espèce, si M. B... soutient que le préfet a méconnu son droit d'être entendu avant l'édiction de l'arrêté du 21 novembre 2019, il ressort toutefois du procès-verbal d'audition du même jour établi par les services de police consécutivement à son interpellation que l'intéressé a été expressément questionné sur ses intentions dans l'hypothèse où le préfet serait amené à prendre à son encontre une mesure d'éloignement. Par suite, le requérant ne saurait dès lors soutenir que l'arrêté en litige constitue une violation de son droit d'être entendu.

6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. B... a déclaré être entré en France le 25 octobre 2015, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants nés en Russie les 4 octobre 2004 et 25 juin 2007, et s'y être maintenu depuis cette date. Toutefois son épouse est également en situation irrégulière sur le territoire national. Si cette dernière a présenté le 13 janvier 2020, postérieurement à l'arrêté en litige, une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier et notamment des nombreux documents médicaux produits, qu'elle a bénéficié, avant même l'intervention de l'arrêté en litige, d'une prise en charge chirurgicale et médicale pour le traitement de l'affection dont elle souffre. Par ailleurs, l'intéressé qui s'est maintenu en situation irrégulière malgré la mesure d'éloignement notifiée le 13 novembre 2018 et confirmée par le tribunal administratif de Nice le 5 avril 2019, ne justifie ni de l'existence ni de l'intensité de ses liens privés, familiaux, sociaux, amicaux, professionnels qu'il aurait noués depuis son arrivée en France. En outre, il ne fait état d'aucun obstacle à la reconstitution de la cellule familiale composée du couple et de leurs enfants âgés de quinze et douze ans dans le pays dont ils ont tous la nationalité et où M. B... n'établit pas, ni même n'allègue, être dépourvu d'attaches personnelles et familiales. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté, au regard des buts poursuivis par l'administration, aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Par suite, cet arrêté ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les décisions le concernant.

9. La vie familiale de M. B..., de son épouse et de leurs enfants ainsi que leur scolarisation pouvant, ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, se poursuivre en Azerbaidjan, l'arrêté contesté ne peut être regardé comme ayant pour effet de séparer ces derniers de l'un de leurs parents. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 21 novembre 2019.

Sur la requête n° 20MA00525 tendant au sursis à exécution du jugement contesté :

11. La Cour statuant au fond dans la présente affaire, il n'y a plus lieu pour elle de se prononcer sur la demande de sursis à exécution du jugement attaqué, enregistrée sous le n° 20MA00525.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

12. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte de M. B....

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions formées par M. B... tendant à ce qu'il soit admis à l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20MA00525.

Article 3 : La requête n° 20MA00353 de M. B... est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme D..., présidente assesseure,

- Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 septembre 2020.

6

N° 20MA00353, 20MA00525

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00353-20MA00525
Date de la décision : 17/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : AARPI OLOUMI et HMAD AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-17;20ma00353.20ma00525 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award