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17/09/2020 | FRANCE | N°19MA05775

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 17 septembre 2020, 19MA05775


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... et Mme A... C... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite de rejet née le 16 août 2018 du silence gardé par le préfet des Pyrénées-Orientales sur la demande d'admission au séjour présentée par M. B....

Par un jugement n° 1805930 du 28 novembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2019, et des pièces complé

mentaires, enregistrées le 6 février 2020, M. et Mme B..., représentés par Me Mavoungou, demandent à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... et Mme A... C... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite de rejet née le 16 août 2018 du silence gardé par le préfet des Pyrénées-Orientales sur la demande d'admission au séjour présentée par M. B....

Par un jugement n° 1805930 du 28 novembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 décembre 2019, et des pièces complémentaires, enregistrées le 6 février 2020, M. et Mme B..., représentés par Me Mavoungou, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 novembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la décision implicite du préfet des Pyrénées-Orientales ;

3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de délivrer un titre de séjour à M. B..., sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de lui enjoindre de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à Me Mavoungou, sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la décision de refus de titre de séjour en litige n'est pas motivée ;

- aucun récépissé n'a été délivré à M. B... en violation des dispositions de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 6 alinéa 2-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle viole aussi les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en violation des stipulations de l'article 3-1 et de l'article 9 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales demande à la Cour de rejeter la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. B... et Mme B... ont été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bernabeu a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité algérienne, né en 1992, et marié à Mme A... C..., ressortissante algérienne, titulaire d'un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans, a adressé au préfet des Pyrénées-Orientales une demande de certificat de résidence algérien au titre de la vie privée et familiale. L'intéressé relève appel du jugement du 28 novembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet des Pyrénées-Orientales lui refusant un titre de séjour.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. En premier lieu, s'il ressort de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise, la circonstance, à la supposer même établie, que le préfet des Pyrénées-Orientales n'aurait pas délivré de récépissé de demande de titre de séjour à M. B... est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. (...) ".

4. Il n'est pas établi, ni même allégué, que M. B... aurait demandé la communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande de certificat de résidence algérien. Les requérants ne se sont donc pas fondés à soutenir que la décision implicite intervenue en réponse à cette demande serait illégale car intervenue en méconnaissance des obligations faites à l'administration en matière de motivation de cette décision.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. B... fait valoir qu'il a épousé le 2 août 2011 Mme C..., ressortissante algérienne. En sa qualité de conjoint d'une ressortissante étrangère séjournant régulièrement en France depuis plusieurs années sous couvert d'un titre de séjour, l'intéressé entre ainsi dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial. Il ne peut dès lors utilement se prévaloir des stipulations précitées du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

7. Toutefois, la circonstance que l'appelant relèverait à la date de la décision attaquée de ces catégories ne saurait pas elle-même interférer sur l'appréciation que doit porter l'administration sur la situation familiale de l'intéressé au regard des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En l'espèce, M. B... déclare lui-même avoir épousé Mme C... en 2011, en situation régulière sur le territoire national, mais ne pas avoir résidé en France à ses côtés pendant plusieurs années, l'intéressé indiquant avoir fait des allers-retours entre ce pays et l'Algérie jusqu'à ce qu'il s'établisse sur le territoire national à une date qu'il ne précise ni en première instance ni en appel. Les seules attestations de connaissances du couple et la déclaration fiscale relative à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2019 effectuée par les époux ne sauraient établir ni la date d'entrée de M. B... en France ni la date à laquelle ces derniers auraient pu y débuter une vie commune. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il n'est pas contesté que Mme C..., domiciliée à Prades dans les Pyrénées-Orientales, s'est déclarée divorcée dans sa déclaration d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2017, tandis que M. B... a présenté une demande de visa le 25 janvier 2017 en faisant état de sa qualité de commerçant pour résider à Bordeaux. M. B... ne produit par ailleurs aucune pièce permettant de justifier d'une quelconque insertion socioprofessionnelle en France. Il ne démontre pas davantage être dépourvu de toute attache familiale et privée dans son pays d'origine. Dans les conditions particulières de l'espèce, en l'absence d'éléments établissant que le requérant entretient bien une communauté de vie avec son épouse et des relations avec ses trois enfants nés en France, il n'est pas établi que ce dernier a fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux sur le territoire français. Ainsi, le préfet des Pyrénées-Orientales, qui s'est livré à un examen particulier de la situation de M. B..., n'a donc pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait prospérer.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1 de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ".

9. Eu égard à sa situation personnelle et familiale telle que décrite au point 7 ci-dessus, M. B... ne justifie d'aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel de nature à lui permettre d'être admis au séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.

10. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 9 de la même convention : " 1. Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré (...) ".

11. D'une part, l'arrêté en litige n'a ni pour effet, ni pour objet de séparer définitivement M. B... de ses trois enfants mineurs ni de les empêcher de vivre sur le territoire français auprès de leur mère, l'appelant disposant en outre de la faculté de déposer, s'il s'y croit fondé, une demande de regroupement familial. En outre, il n'est pas établi que M. B... contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants résidant en France. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en prenant l'arrêté attaqué, le préfet des Pyrénées-Orientales a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

12. D'autre part, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des stipulations, précitées au point 10, de l'article 9-1 de cette convention, qui ne crée d'obligations qu'entre les Etats.

13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'intérêt pour agir de Mme C... contre la décision implicite litigieuse, que les époux B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées leurs conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au versement à leur conseil des frais liés au litige.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B... et Mme A... C... épouse B..., à Me Mavoungou et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020 où siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Féménia, première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 septembre 2020.

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N° 19MA05775

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05775
Date de la décision : 17/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : MAVOUNGOU

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-17;19ma05775 ?
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