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17/09/2020 | FRANCE | N°19MA05370

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 17 septembre 2020, 19MA05370


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 février 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1902410 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête,

enregistrée le 6 décembre 2019, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 février 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1902410 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2019, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 14 février 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, dès notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la compétence du signataire de l'arrêté en litige n'est pas établie ;

- il est insuffisamment motivé ;

- il n'a pas été procédé à un examen particulier de sa situation ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- enfin, la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours a été prise en méconnaissance des stipulations de la directive 2008/115/CE.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me C..., représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante arménienne née en 1976, fait appel du jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Sur l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 14 février 2019 en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens invoqués en première instance tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté, de son insuffisante motivation et de l'absence d'examen particulier de la situation personnelle de Mme D..., moyens que l'intéressée reprend en appel sans apporter d'élément de droit ou de fait nouveau.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / [...] 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. [...]. ". D'autre part, l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...). ".

4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

5. Mme D... fait valoir qu'elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié en Arménie en produisant un certificat établi le 21 février 2019 par la psychiatre qui la suit habituellement indiquant qu'elle " reçoit un traitement lourd incluant des antipsychotiques thymorégulateurs de dernière génération qui sont peu accessibles au long cours dans son pays d'origine " et qu'" elle doit continuer à bénéficier des soins lourds en cours, incluant traitement médical, mesures d'accompagnement social, étayage familial, ces soins ne pouvant être délivrés ailleurs que dans le pays où ils sont mis en oeuvre depuis 4 ans et demi ". Elle produit également un extrait d'un rapport spécial sur le droit de la santé auprès de l'ONU établi par le professeur Puras en 2018 indiquant notamment que " le système de santé arménien repose encore sur des modèles et des pratiques hors d'âge incluant le recours facile et fréquent à des hospitalisations de longue durée avec des sur-médications ". Toutefois, le préfet a produit en première instance le rapport MedCOI, soit " Médical Country of Origin Information ", établi en février 2018 et qui précise que la prise en charge des maladies psychiatriques est désormais un enjeu prioritaire en matière de politique de santé et que les services psychiatriques d'urgence, d'hospitalisation et de consultations ambulatoires sont garantis ainsi que les services de réinsertion sociale. Le préfet a également fait valoir en première instance sans être utilement contredit y compris en appel, en se fondant sur les éléments figurant dans ce rapport, que sont disponibles en Arménie les molécules nécessaires au traitement psychiatrique de Mme D.... Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Mme D... fait valoir qu'elle réside en France depuis 2014, qu'elle est intégrée socialement et qu'elle bénéficie de l'assistance et du soutien de ses deux fils. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a vu sa demande d'asile rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en 2014, qu'elle a présenté la même année une première demande de titre de séjour fondée sur son état de santé rejetée en 2015 et confirmée en dernier lieu par la Cour en 2016. Elle a, à nouveau, en se prévalant de son état de santé, présenté une demande de titre de séjour en 2016 qui a donné lieu à la délivrance du titre sollicité pour une période courant du 12 décembre 2016 au 11 juin 2017, renouvelée jusqu'au 8 septembre 2018. Mme D... n'établit ni même ne soutient que ses fils bénéficieraient de titres de séjour et auraient vocation à rester en France. Dans ces conditions, au regard du temps qu'elle déclare avoir passé sur le territoire français, à la circonstance qu'elle n'établit pas que sa cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer dans son pays d'origine, dont ses deux fils ont la nationalité et alors qu'elle ne justifie pas être dépourvue de toute attache personnelle et familiale en Arménie où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans, l'arrêté en litige n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante doit être écarté.

8. En dernier lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 313-14 et L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés comme inopérants dès lors que Mme D... ne s'était pas prévalue de ces dispositions devant les services de la préfecture qui ne sont pas tenus, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressée peut prétendre à une autorisation de séjour sur un autre fondement que celui invoqué devant eux.

Sur l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 14 février 2019 en tant qu'il comporte un délai de départ volontaire de trente jours :

9. Aux termes de l'article 7 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative au " départ volontaire " : " (...) 2° Si nécessaire, les Etats membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. (...) " et aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à compter du 1er janvier 2019 : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions, issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, que pour exécuter spontanément l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite, l'étranger dispose en principe d'un délai de trente jours à compter de la notification de la mesure d'éloignement. Ces mêmes dispositions donnent, en particulier, à l'autorité administrative la faculté de décider à titre exceptionnel d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours en raison de sa situation personnelle. Néanmoins, Mme D..., compte tenu de ce qui a été dit précédemment, n'établit pas que le délai de trente jours accordé par le préfet des Bouches-du-Rhône aurait été insuffisant pour lui permettre de quitter volontairement le territoire national et ne fait état d'aucune circonstance exceptionnelle de nature à influer sur le délai ainsi accordé.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme B..., présidente assesseure,

- Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 septembre 2020.

6

N° 19MA05370

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05370
Date de la décision : 17/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-17;19ma05370 ?
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