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17/09/2020 | FRANCE | N°19MA03736

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 17 septembre 2020, 19MA03736


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 mars 2019 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois.

Par un jugement n° 1901630 du 9 mai 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellie

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 12 mars 2019 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois.

Par un jugement n° 1901630 du 9 mai 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté en tant qu'il portait interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 août 2019, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté, par son article 5, le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 12 mars 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché de plusieurs erreurs de droit ;

- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;

- elle n'a pas pu demander la régularisation de sa situation et être entendue, le dépôt en préfecture étant impossible, ce qui a exercé une influence sur la décision en litige ;

- elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté en litige méconnait les dispositions de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnait les stipulations de l'article 3 § 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- enfin, la décision fixant le pays de destination est entachée d'erreur de fait et d'erreur de droit au regard des risques qu'elle encourt.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2020, le préfet de de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Par lettre du 27 août 2020, la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible de comporter une injonction prononcée d'office.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante congolaise née en 1981, fait appel du jugement du 9 mai 2019 rendu par le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 mars 2019 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. L'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme E... par une décision du 21 juin 2019. Par suite, ses conclusions tendant à ce que lui soit accordée l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. A la date de l'arrêté attaqué, Mme E... justifiait d'un séjour en France d'une durée de treize mois seulement, lié à l'examen de sa demande d'asile. Toutefois, elle fait valoir qu'elle a fui son pays d'origine, à la suite de l'enlèvement de son époux, et a transité par l'Angola avec ses trois enfants où ils ont été victimes d'un grave accident de voiture. Elle fait également valoir qu'elle a ensuite rejoint le Portugal, toujours accompagnée de ses enfants, où elle aurait été contrainte de se livrer à la prostitution afin de rembourser sa dette auprès d'un passeur. Elle justifie avoir déposé plainte le 28 mars 2019 pour ces faits d'exploitation sexuelle dont la Cour nationale du droit d'asile, à l'occasion de l'examen de la demande d'asile présentée par Mme E..., a estimé, dans sa décision du 24 janvier 2019, qu'ils étaient corroborés par les propos personnalisés et précis tenus par l'intéressée. Il résulte également de l'instruction que Mme E... a séjourné sur le territoire français avec ses trois enfants, désormais âgés de treize ans, dix ans et huit ans, et elle établit que ses fils B... et Jowje se sont vus diagnostiquer, en octobre 2018, un trouble de stress post traumatique avec énurésie secondaire. Enfin, il résulte du certificat médical produit, daté du 2 mai 2019, que B... devait impérativement subir une opération chirurgicale sur la jambe pour laquelle il a subi une amputation à la suite de l'accident de voiture survenu en Angola, afin d'améliorer la marche, faire potentiellement disparaitre toute douleur au niveau du moignon et permettre le port d'une prothèse. Dans ces circonstances particulières, eu égard à l'extrême vulnérabilité de Mme E... et de ses enfants à la date de l'arrêté en litige, le préfet de l'Hérault a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 12 mars 2019. Il y a lieu, par suite, d'annuler l'article 5 de ce jugement ainsi que l'arrêté attaqué en tant qu'il fait obligation à Mme E... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique que soit délivré à Mme E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous réserve d'un changement de circonstances de droit et de fait à la date de la nouvelle décision du préfet de l'Hérault. Il y a lieu, par suite, en application des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer ce titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

6. Mme E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., avocat de Mme E..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 000 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de Mme E....

Article 2 : L'article 5 du jugement n° 1901630 du 9 mai 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier et l'arrêté du 12 mars 2019 en tant qu'il fait obligation à Mme E... de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme E... un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me C... une somme de 1 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lascar, président,

- Mme F..., présidente assesseure,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 septembre 2020.

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N° 19MA03736

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03736
Date de la décision : 17/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LASCAR
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : MOULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-09-17;19ma03736 ?
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