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22/07/2020 | FRANCE | N°19MA03717

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 22 juillet 2020, 19MA03717


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) portant suspension de ses conditions matérielles d'accueil et d'hébergement et du versement de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) et d'enjoindre à l'OFII de rétablir le versement de cette allocation et de lui payer l'intégralité des sommes dues à ce titre dans un délai de 8 jours à compter de la notification du jugement et sous ast

reinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1702147 du 26 a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) portant suspension de ses conditions matérielles d'accueil et d'hébergement et du versement de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) et d'enjoindre à l'OFII de rétablir le versement de cette allocation et de lui payer l'intégralité des sommes dues à ce titre dans un délai de 8 jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1702147 du 26 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2019, Mme B... C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 avril 2019 ;

2°) d'annuler la décision implicite de l'OFII portant suspension de ses conditions matérielle d'accueil et d'hébergement et du versement de l'ADA ;

3°) d'enjoindre à l'OFII de rétablir le versement de cette allocation et de lui payer l'intégralité des sommes dues à ce titre dans un délai de 8 jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- elle ne peut être regardée comme ayant eu connaissance de la décision litigieuse dès le mois de mars 2016, dès lors qu'aucune aucune décision n'a été prise par l'OFII et que le défaut de versement de l'ADA a résulté d'une simple erreur technique ainsi que cela ressort de l'attestation de versement établie par l'OFII le 13 janvier 2017 et mentionnant que le dernier versement a été effectué en février 2016 ;

- la jurisprudence " Czabaj " ne saurait s'appliquer à une décision implicite de l'OFII de suspension ou de retrait des conditions matérielles d'accueil alors que la loi prévoit qu'une telle décision doit être écrite et motivée ;

- elle n'a eu connaissance de la décision contestée qu'à compter de la date de son recours gracieux, soit le 22 novembre 2016 ;

- ce recours gracieux a interrompu le délai de recours contentieux ;

- elle fait état de circonstances particulières justifiant que le délai d'un an ne lui soit pas opposé, eu égard en particulier aux démarches amiables qu'elle a effectuées sans obtenir de réponse de l'OFII, alors qu'elle est de nationalité étrangère et dans une situation de vulnérabilité ;

- la décision litigieuse est entachée d'un vice de procédure du fait de la méconnaissance du principe du contradictoire ;

- elle n'est ni écrite ni motivée, contrairement à ce que prévoient les dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entaché d'un autre vice de procédure en l'absence de réalisation d'un entretien de vulnérabilité ;

- elle est entachée d'une erreur de droit.

Un mémoire en défense présenté pour l'OFII a été enregistré le 12 juin 2020 postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue le 28 mai 2020.

Mme B... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., ressortissante nigériane, relève appel du jugement du 26 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation la décision implicite de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) portant suspension de ses conditions matérielles d'accueil et d'hébergement et du versement de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA).

2. D'une part, aux termes de l'article L. 744-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les conditions matérielles d'accueil du demandeur d'asile, au sens de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, sont proposées à chaque demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration après l'enregistrement de la demande d'asile par l'autorité administrative compétente, en application du présent chapitre. Les conditions matérielles d'accueil comprennent les prestations et l'allocation prévues au présent chapitre ". Aux termes de l'article L. 744-8 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7 (...) ". En vertu des articles D. 744-17 et suivants de ce code, l'ADA est versée mensuellement, à terme échu, par alimentation d'une carte de retrait, aux demandeurs d'asile qui ont accepté les conditions matérielles d'accueil proposées par l'OFII après l'enregistrement de leur demande d'asile.

3. D'autre part, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

4. Les règles relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder un an sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, sont également applicables à la contestation d'une décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu'il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision. La preuve d'une telle connaissance ne saurait résulter du seul écoulement du temps depuis la présentation de la demande. Elle peut en revanche résulter de ce qu'il est établi, soit que l'intéressé a été clairement informé des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l'administration, notamment à l'occasion d'un recours gracieux dirigé contre cette décision. Le demandeur, s'il n'a pas été informé des voies et délais de recours, dispose alors, pour saisir le juge, d'un délai raisonnable qui court, dans la première hypothèse, de la date de naissance de la décision implicite et, dans la seconde, de la date de l'événement établissant qu'il a eu connaissance de la décision.

5. Mme B... C..., entrée en France le 1er avril 2015 selon ses déclarations, a bénéficié après l'enregistrement de sa demande d'asile des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile par la mise à disposition d'un hébergement en chambre d'hôtel et le versement de l'ADA. L'OFII, après avoir constaté qu'elle avait quitté, sans avoir justifié d'un motif légitime, la chambre d'hôtel mise à sa disposition au mois d'août 2015, a suspendu le versement de l'ADA au mois de mars 2016. Cette suspension qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne procède pas d'une erreur technique, constitue une décision dont la requérante doit être réputée avoir eu connaissance dès son intervention au mois de mars 2016. Comme les premiers juges l'ont retenu à bon droit, le recours gracieux qu'elle a formé le 22 novembre 2016 n'a pas eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux contre cette décision. Ainsi, et alors que les circonstances dont Mme B... C... se prévaut, relatives aux démarches amiables effectuées sans obtenir de réponse de l'OFII, à sa nationalité étrangère et à sa situation de vulnérabilité, ne peuvent être regardées en l'espèce comme des circonstances particulières de nature à justifier que le délai d'un an ne lui soit pas opposé, c'est à bon droit que le tribunal a retenu que sa demande enregistrée au greffe du tribunal administratif de Montpellier le 5 mai 2017, soit plus d'un an après qu'elle a eu connaissance de cette décision, était tardif.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... C..., à Me A... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2020, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme D..., présidente assesseure,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 22 juillet 2020.

La rapporteure,

signé

K. D...Le président,

signé

J.-F. ALFONSI

La greffière,

signé

C. MONTENERO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

5

N° 19MA03717


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03717
Date de la décision : 22/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Expiration des délais - Existence ou absence d'une forclusion.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-22;19ma03717 ?
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