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22/07/2020 | FRANCE | N°19MA00991

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 22 juillet 2020, 19MA00991


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser la somme totale de 28 994,50 euros, déduction faite de la provision de 11 000 euros versée, assortie des intérêts légaux à compter de la date d'enregistrement de cette demande, en réparation des préjudices qu'il impute aux fautes commises lors de sa prise en charge par cet établissement et d'enjoindre

à celui-ci de lui communiquer l'ensemble des éléments de son dossier médica...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser la somme totale de 28 994,50 euros, déduction faite de la provision de 11 000 euros versée, assortie des intérêts légaux à compter de la date d'enregistrement de cette demande, en réparation des préjudices qu'il impute aux fautes commises lors de sa prise en charge par cet établissement et d'enjoindre à celui-ci de lui communiquer l'ensemble des éléments de son dossier médical sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Alpes-Maritimes, aux droits de laquelle est venue la CPAM du Var, a demandé la condamnation solidaire du CHU de Nice et de la SHAM à lui verser la somme de 2 594,61 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre des débours et la somme de 864,87 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1602494 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Nice a condamné solidairement le CHU de Nice et la SHAM à payer à M. D... la somme de 14 000 euros sous déduction de la provision versée et avec intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2016 et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var, d'une part, la somme de 2 594,61 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2016 au titre des débours et, d'autre part, la somme de 864,87 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, a mis à la charge solidaire du CHU de Nice et de la SHAM des frais de procédure au profit de M. D... et de la CPAM du Var et a rejeté le surplus de la demande de M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 février 2019 et le 4 mai 2020, M. D..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nice du 8 janvier 2019 en tant qu'il a limité l'indemnité au versement de laquelle le CHU de Nice et la SHAM ont été solidairement condamnés à la somme de 14 000 euros, sous déduction de la provision versée, et a rejeté sa demande tendant à la communication de son entier dossier médical ;

2°) de porter le montant de cette indemnité à la somme de 39 994,50 euros, sous déduction de la provision versée, assortie des intérêts légaux à compter de la date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Nice ;

3°) d'enjoindre au CHU de Nice de lui communiquer l'ensemble des éléments de son dossier médical sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge solidaire du CHU de Nice et de la SHAM la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de déclarer l'arrêt à intervenir commun à la CPAM des Alpes-Maritimes.

Il soutient que :

- les premiers juges ont procédé à une évaluation insuffisante de son déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées, des dépenses de santé et des frais divers ;

- c'est à tort qu'ils ont rejeté sa demande relative au préjudice d'agrément ;

- il a droit à la communication de son entier dossier médical.

Par des mémoires enregistrés les 3 mai 2019 et 10 juin 2020, la CPAM du Var a déclaré qu'elle n'entendait pas intervenir dans l'instance en précisant que le montant des débours s'élève à 2 594,61 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2019, le CHU de Nice et la SHAM, représentés par Me C..., conclut au rejet de la requête.

Ils soutiennent que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté pour M. D... a été enregistré le 16 juin 2020 et n'a pas fait l'objet d'une communication contradictoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de Me A... représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice du 8 janvier 2019 en tant que ce jugement a limité l'indemnité au versement de laquelle le CHU de Nice et la SHAM ont été solidairement condamnés à la somme de 14 000 euros, sous déduction de la provision versée, et a rejeté sa demande tendant à la communication de son entier dossier médical. Il demande à la Cour de porter à la somme de 39 994,50 euros, assortie des intérêts légaux à compter de la date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Nice, sous déduction de la provision versée, le montant de cette indemnité et d'enjoindre au CHU de Nice de lui communiquer l'ensemble des éléments de son dossier médical sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Sur la responsabilité :

2. Il résulte de l'instruction, et notamment des éléments de l'expertise amiable diligentée par le CHU de Nice et la SHAM, qu'alors que l'état initial de M. D... nécessitait des soins dentaires pour une durée de six à neuf mois à compter du premier devis établi le 27 octobre 2010, de nombreuses négligences ont été commises lors de sa prise en charge entre 2010 et 2013 au sein de ce centre hospitalier, en particulier en ce qui concerne le plan de traitement et la pose des implants sur les positions 16, 35, 36, 45 et 46, lesquels ont tous dû être déposés dans un délai inférieur à deux ans, et les dents 21, 22, 23, 27 et 47, cette dernière ayant dû être extraite en raison d'une pose défectueuse du deuxième implant en position 46 voisine. Comme les premiers juges l'ont retenu à bon droit, ces négligences constituent une faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement de soins.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les dépenses de santé :

3. Il résulte de l'instruction, et notamment des trois quittances de 4 600 euros, 240 euros et 660 euros établies par le CHU de Nice, que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que M. D..., qui ne produit au demeurant aucun élément nouveau en appel de nature à établir qu'il aurait exposé de sommes supplémentaires en raison des fautes commises, était seulement fondé à demander au titre des dépenses de santé restées à sa charge le versement d'une somme de 5 500 euros.

En ce qui concerne les frais divers :

4. M. D... demande une somme forfaitaire de 8 000 euros au titre de " frais divers " incluant les frais de déplacement engagés pour se rendre à l'hôpital depuis son domicile situé à Mandelieu-la-Napoule, les répercussions financières de ces déplacements sur son activité professionnelle libérale et les frais d'avocat relatifs à ses démarches amiables. La demande relative à ces derniers a été prise en compte par les premiers juges à bon droit au titre des frais d'instance. Par ailleurs, en l'absence de tout justificatif de nature à établir l'exposition d'un montant supérieur, les premiers juges n'ont pas procédé à une évaluation insuffisante de ses frais de déplacement en lien avec les fautes commises en lui allouant à ce titre une somme de 1 500 euros. S'agissant de la demande relative aux demi-journées non travaillées, si M. D... n'établit pas, par les pièces produites à la suite d'une mesure d'instruction et notamment ses avis d'imposition, l'existence de pertes de gains professionnels actuels, dès lors en particulier qu'il venait de débuter son activité professionnelle d'infirmier libéral lorsqu'il a entrepris les soins dentaires en cause, il résulte de l'instruction qu'il a toutefois subi des troubles dans les conditions d'existence du fait de l'obligation de consacrer à de nombreuses reprises du temps aux soins rendus nécessaires par les fautes commises entre la fin de la période de soin initiale impliquée par son état antérieur et la date de consolidation de son état de santé le 25 avril 2014, troubles dont il sera fait une juste appréciation en lui allouant la somme de 3 000 euros.

En ce qui concerne les souffrances endurées :

5. Il résulte de l'instruction, et notamment des éléments de l'expertise amiable, que les souffrances endurées par M. D..., incluant les souffrances physiques et morales, peuvent être évaluées à 3 sur une échelle allant de 1 à 7. Les premiers juges n'ont pas procédé à une insuffisante évaluation de ce préjudice en en fixant la réparation à la somme de 5 000 euros.

En ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent :

6. Il résulte de l'instruction, et notamment des éléments de l'expertise amiable, qu'ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, M. D..., âgé de presque 50 ans à la date de la consolidation de son état de santé le 25 avril 2014, reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent pouvant être évalué à 2,5%, compte-tenu des 1,5% retenus par l'expert et du remplacement de la dent n° 21. Les premiers juges n'ont pas procédé à une réparation insuffisante de ce préjudice en en fixant le montant à 2 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice d'agrément :

7. Le préjudice d'agrément est exclusivement lié à l'impossibilité, pour la victime, de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs qu'elle exerçait auparavant. Il ne résulte pas de l'instruction que M. D... subisse un tel préjudice. Dans ces conditions, et alors que le préjudice financier lié aux déplacements nécessités par les soins et les souffrances morales sont réparés par ailleurs, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande du requérant présentée au titre du préjudice d'agrément.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est seulement fondé à demander que le montant de l'indemnité due par le CHU de Nice et la SHAM soit porté à la somme de 17 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2016, sous déduction de la provision de 11 000 euros versée en application de l'ordonnance en date du 16 octobre 2015 du juge des référés du Tribunal administratif de Nice.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, en l'absence de saisine de la commission d'accès aux documents administratifs dans les conditions prévues par l'article L. 342-1 du code des relations entre le public et l'administration, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint au CHU de Nice de communiquer au requérant l'intégralité de son dossier médical sont irrecevables et doivent, pour ce motif, être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

10. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire du CHU de Nice et de la SHAM une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 14 000 euros que le CHU de Nice et la SHAM ont été solidairement condamnés à verser à M. D... par le jugement du tribunal administratif de Nice du 8 janvier 2019 est portée à 17 000 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 8 janvier 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est mis à la charge solidaire du CHU de Nice et de la SHAM la somme de 2 000 euros au profit de M. D... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., au centre hospitalier universitaire de Nice, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.

Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2020, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme E..., présidente assesseure,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 22 juillet 2020.

La rapporteure,

signé

K. E...Le président,

signé

J.-F. ALFONSI

La greffière,

signé

C. MONTENERO

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

6

N° 19MA00991


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00991
Date de la décision : 22/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : DERSY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-22;19ma00991 ?
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