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22/07/2020 | FRANCE | N°18MA05099

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 22 juillet 2020, 18MA05099


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Fréjus à lui payer les heures supplémentaires qu'il a effectuées entre 2009 et 2015 et la somme de 33 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1503347 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune de Fréjus à payer à M. A... une somme correspondant aux heures supplémentaires réalisées à raison de 25 heures par mois depuis le 1er janvier 2010 sur une péri

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Fréjus à lui payer les heures supplémentaires qu'il a effectuées entre 2009 et 2015 et la somme de 33 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n° 1503347 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune de Fréjus à payer à M. A... une somme correspondant aux heures supplémentaires réalisées à raison de 25 heures par mois depuis le 1er janvier 2010 sur une période de 10 mois pour chaque année jusqu'en 2014 inclus et sur une période de 5 mois pour l'année 2015 ainsi qu'une somme de 30 000 euros au titre du préjudice subi.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 décembre 2018, la commune de Fréjus, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 18 octobre 2018 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal ;

3°) à titre subsidiaire, de ramener l'indemnisation du préjudice à de plus justes proportions ;

4°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- M. A... a effectué des heures de présence dans le cadre de son astreinte en contrepartie de la concession d'un logement gratuit et non pas des heures supplémentaires de travail effectif ;

- elle n'a pas imposé à M. A... la réalisation d'heures supplémentaires ;

- à titre subsidiaire, l'indemnité allouée est excessive.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 mars 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête :

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulon du 18 octobre 2018 en tant que ce jugement a limité la condamnation de la commune de Fréjus au titre des heures supplémentaires au versement d'une somme correspondant à celles réalisées depuis le 1er janvier 2010 à raison de 25 heures par mois sur une période de 10 mois pour chaque année, jusqu'en 2014 inclus et sur une période de 5 mois pour l'année 2015 et de porter cette condamnation au paiement intégral des 4 620 heures supplémentaires réalisées entre 2009 et 2015 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Fréjus une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la commune de Fréjus ne sont pas fondés ;

- il a droit au paiement des heures supplémentaires réalisées même au-delà du contingentement légal et sans déduction des heures supplémentaires réalisées en sa qualité d'agent d'entretien des espaces verts.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 ;

- le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ;

- le décret n° 2005-542 du 19 mai 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., adjoint technique de 1ère classe exerçant les fonctions d'agent technique au sein du service Espace Verts débroussaillage de la commune de Fréjus depuis le 1er juillet 1998, a bénéficié par ailleurs entre le 1er décembre 2009 et le 1er juin 2015 d'une concession de logement par nécessité absolue de service dans le cadre de ses missions de gestion et de surveillance du complexe sportif " Sainte-Croix ", en application d'un arrêté du maire du 10 décembre 2009 modifié par arrêté du 15 juillet 2010. La commune relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon du 18 décembre 2018 qui l'a condamnée à payer à M. A... une somme correspondant aux heures supplémentaires réalisées à raison de 25 heures par mois depuis le 1er janvier 2010 sur une période de 10 mois pour chaque année jusqu'en 2014 inclus et sur une période de 5 mois pour l'année 2015 ainsi qu'une somme de 30 000 euros au titre du préjudice subi en demandant, à titre subsidiaire, la minoration du montant de l'indemnité accordée. Par la voie de l'appel incident, M. A... demande à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il a limité la condamnation de la commune de Fréjus au titre des heures supplémentaires au versement d'une somme correspondant à celles réalisées depuis le 1er janvier 2010 à raison de 25 heures par mois sur une période de 10 mois pour chaque année, jusqu'en 2014 inclus et sur une période de 5 mois pour l'année 2015 et de porter cette condamnation au paiement intégral des 4 620 heures supplémentaires réalisées entre 2009 et 2015.

Sur le paiement des heures supplémentaires :

2. D'une part, aux termes de l'article 2 du décret du 19 mai 2005 relatif aux modalités de la rémunération ou de la compensation des astreintes et des permanences dans la fonction publique territoriale : " Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle l'agent, sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'administration, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif ainsi que, le cas échéant, le déplacement aller et retour sur le lieu de travail. La permanence correspond à l'obligation faite à un agent de se trouver sur son lieu de travail habituel, ou un lieu désigné par son chef de service, pour nécessité de service, un samedi, un dimanche ou lors d'un jour férié ". L'article 3 de ce décret dispose que la rémunération et la compensation des obligations d'astreinte et de permanence " ne peuvent être accordées aux agents qui bénéficient d'une concession de logement par nécessité absolue de service ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 2 du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature, applicable aux agents de la fonction publique territoriale en vertu de l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ". Le dernier alinéa de l'article 4 du même décret dispose quant à lui que : " Pour les agents relevant d'un régime de décompte horaire des heures supplémentaires, celles-ci sont prises en compte dès qu'il y a dépassement des bornes horaires définies par le cycle de travail (...) ". Selon les dispositions de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " L'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale ou le conseil d'administration d'un établissement public local fixe les régimes indemnitaires dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 du décret du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires, qui est applicable aux personnels civils de l'Etat et des établissements publics à caractère administratif : " Le nombre des heures supplémentaires accomplies dans les conditions fixées par le présent décret ne peuvent dépasser un contingent mensuel de 25 heures (...).

4. Selon les dispositions de l'article 4 de l'arrêté municipal du 10 décembre 2009 telles que modifiées par l'arrêté du 15 juillet 2010, M. A... devait, en contrepartie de la concession de logement, assurer à toute époque, y compris les samedis à partir de 13 heures et jusqu'à la fin des activités les dimanches et jours fériés toute la journée, l'entretien et la surveillance du complexe sportif " Sainte-Croix " et supporter l'ensemble des sujétions inhérentes aux fonctions de gardien-concierge, ainsi que la gestion et la surveillance du complexe du lundi au vendredi de 20h00 à 22h30, un week-end sur deux le samedi après-midi et le dimanche toute la journée et un jour férié sur deux. Ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, M. A... a, au regard des missions qui lui ont été confiées depuis 2009, accompli de manière habituelle, à la demande de sa hiérarchie, des heures de travail effectif, et non pas de simples heures de présence le soir et le week-end, en plus de son cycle de travail établi à 35 heures par semaine au sein du service espaces verts débroussaillage, soit en dépassement des bornes horaires définies par ce cycle de travail. Contrairement à ce que soutient la commune appelante, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que ces heures de travail effectif ne pouvaient être réputées avoir été rémunérées par la mise à disposition d'un logement gratuit par nécessité absolue de service.

5. Il résulte de ce qui vient d'être dit, d'une part, que la commune de Fréjus n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er de leur jugement, les premiers juges l'ont condamnée à payer à M. A... une somme, qu'il appartient à la collectivité de calculer sans déduire les heures supplémentaires effectuées par ailleurs par M. A... en qualité d'agent d'entretien des espaces verts et payées à ce titre, correspondant à la rémunération due à celui-ci pour celles des heures supplémentaires pouvant être légalement rémunérées comme telles en application des dispositions précitées de l'article 6 du décret du 14 janvier 2002 qu'il a effectuées entre les années 2010 et 2015, et que, d'autre part, M. A... n'est, eu égard à la limite fixée par ces mêmes dispositions, pas fondé à solliciter le paiement d'un nombre supérieur d'heures à ce titre.

Sur l'indemnisation du préjudice résultant du non-respect des dispositions légales relatives au temps de travail et au temps de repos :

6. Aux termes de l'article 3 du décret n° 2000-815 du 25 aout 2000 rendu applicable aux agents territoriaux par l'article 1er du décret du 12 juillet 2001 : " L'organisation du travail doit respecter les garanties minimales ci-après définies. / La durée hebdomadaire du travail effectif, heures supplémentaires comprises, ne peut excéder ni quarante-huit heures au cours d'une même semaine, ni quarante-quatre heures en moyenne sur une période quelconque de douze semaines consécutives et le repos hebdomadaire, comprenant en principe le dimanche, ne peut être inférieur à trente-cinq heures. / La durée quotidienne du travail ne peut excéder dix heures. / Les agents bénéficient d'un repos minimum quotidien de onze heures. / L'amplitude maximale de la journée de travail est fixée à douze heures. / Le travail de nuit comprend au moins la période comprise entre 22 heures et 5 heures ou une autre période de sept heures consécutives comprise entre 22 heures et 7 heures. / Aucun temps de travail quotidien ne peut atteindre six heures sans que les agents bénéficient d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes ".

7. Ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, le régime de la concession de logement de M. A... a été établi par la commune en méconnaissance des dispositions précitées relatives au temps de travail et au temps de repos, ce qui engage sa responsabilité, et a privé l'intéressé de périodes de repos hebdomadaire et du bénéfice de congés payés. En fixant à 30 000 euros l'indemnité réparant le préjudice subi par M. A..., qui a notamment soutenu, sans être sérieusement contesté, avoir réalisé 82,5 heures supplémentaires par mois sur une période de 10 mois pour chaque année jusqu'en 2014 et sur une période de 5 mois en 2015, les premiers juges n'ont pas procédé à une évaluation excessive de ce préjudice.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Fréjus n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges l'ont condamnée à payer à M. A..., outre une somme correspondant à la rémunération d'heures supplémentaires déterminée comme il a été dit au point 4, une indemnité réparant le préjudice rappelé ci-dessus d'un montant de 30 000 euros. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. En revanche, il y a lieu de mettre à sa charge, dans les circonstances de l'espèce, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Fréjus est rejetée.

Article 2 : Les conclusions incidentes présentées par M. A... sont rejetées.

Article 3 : La commune de Fréjus versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fréjus et à M. C... A....

Délibéré après l'audience du 24 juin 2020, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme E..., présidente assesseure,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 22 juillet 2020.

La rapporteure,

signé

K. E...Le président,

signé

J.-F. ALFONSI

La greffière,

signé

C. MONTENERO

La République mande et ordonne au préfet du Var en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

6

N° 18MA05099


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-02 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Traitement.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : CAPIAUX

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Date de la décision : 22/07/2020
Date de l'import : 04/08/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18MA05099
Numéro NOR : CETATEXT000042156413 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-22;18ma05099 ?
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