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22/07/2020 | FRANCE | N°18MA04738

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 22 juillet 2020, 18MA04738


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, la décision de la directrice générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes du 2 novembre 2015 mettant fin à son contrat, et d'autre part, la décision implicite de rejet de la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes née du silence gardé plus de deux mois sur sa demande reçue le 25 mars 2016, tendant à ce que l'administration se prononce e

xpressément sur sa titularisation.

Par un jugement n° 1600443, 1603700 du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, la décision de la directrice générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes du 2 novembre 2015 mettant fin à son contrat, et d'autre part, la décision implicite de rejet de la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes née du silence gardé plus de deux mois sur sa demande reçue le 25 mars 2016, tendant à ce que l'administration se prononce expressément sur sa titularisation.

Par un jugement n° 1600443, 1603700 du 1er décembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses requêtes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 11 novembre 2018 et le 1er octobre 2019, M. D..., représenté par Me Il, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er décembre 2017 ;

2°) d'annuler la décision de la directrice générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes du 2 novembre 2015 mettant fin à son contrat, et la décision implicite de rejet de la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes née du silence gardé plus de deux mois sur sa demande reçue le 25 mars 2016 ;

3°) d'enjoindre à l'administration de le réintégrer dans l'attente de la mise en oeuvre de la procédure de titularisation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement a omis de répondre au moyen tiré de ce qu'aucun entretien préalable avec le jury n'a eu lieu ;

- les premiers juges ont méconnu leur office en dénaturant les faits de l'espèce et en inversant la charge de la preuve ;

- en méconnaissance de l'article 8 du décret du 25 août 1995, l'administration n'a pas recouru à une personne habilitée en matière d'handicap pour apprécier sa valeur professionnelle ; il lui appartient d'apporter la preuve contraire en produisant les observations de cette personne ;

- aucun entretien préalable avec le jury n'a eu lieu ;

- l'administration n'a pas communiqué son entier dossier à la commission administrative paritaire avant sa séance du 7 octobre 2015, en méconnaissance de l'article 39 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ;

- au terme de son second contrat, l'administration n'a pas saisi la commission administrative paritaire aux fins d'apprécier à nouveau ses aptitudes ;

- la décision du 2 novembre 2015 a été prise sans qu'il ait été mis à même de demander la communication de son dossier ;

- il n'a bénéficié d'aucune mesure d'aménagement spécifique à son handicap au cours de sa formation, en méconnaissance de l'article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983 ;

- l'administration a omis de chercher à le reclasser dans un corps hiérarchiquement inférieur, en méconnaissance du II de l'article 8 du décret n° 95-979 du 25 août 1995 ;

- les conditions dans lesquelles son stage a été prorogé ne lui ont pas permis de faire la preuve de ses capacités ;

- l'évaluation de ses aptitudes professionnelles repose sur des faits matériellement inexacts et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, alors qu'il n'a pas été mis à même d'exercer sereinement ses fonctions de stagiaire ;

- la décision de ne pas le titulariser repose sur un motif disciplinaire ;

- il a été l'objet d'une discrimination en raison de sa qualité de personne handicapée et de ses origines.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2019, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au

3 octobre 2019 à 12h00.

Par ordonnance du 19 septembre 2018, la présidente de la Cour a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 95-979 du 25 août 1995 modifié ;

- le décret n° 2007-119 du 30 janvier 2007 ;

- l'arrêté du 25 août 2008 fixant les modalités de déroulement du stage de formation des inspecteurs stagiaires de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ury,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat d'une durée d'un an portant sur la période du 24 août 2014 au

24 août 2015, M. D... a été recruté en qualité de travailleur handicapé pour suivre la formation statutaire des inspecteurs stagiaire de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Par une décision du 2 novembre 2015, la directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a mis fin au contrat, lequel avait été prolongé dans l'attente de l'avis de la commission paritaire et d'une décision statuant sur sa situation. Par un courrier du 17 mars 2016, reçu le 25 mars 2016, M. D... a demandé à la DGCCRF de se prononcer expressément sur sa titularisation, sans obtenir de réponse. M. D... fait appel du jugement du 1er décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses requêtes tendant l'annulation de la décision du

2 novembre 2015 et de la décision implicite de rejet née du silence gardé plus de deux mois sur sa demande du 25 mars 2016.

Sur la régularité du jugement :

2. Si le requérant soutient que les premiers juges ont dénaturé les faits de l'espèce et qu'ils ont fait peser l'intégralité de la charge de la preuve sur lui pour démontrer la présence d'une personne habilitée en matière d'handicap dans le jury qui a examiné ses compétences professionnelles, de tels moyens, qui visent en réalité le bien-fondé du jugement, sont sans incidence sur sa régularité.

3. Il ressort des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif a considéré qu'il résultait des dispositions de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 et du décret du

25 août 1995 que si l'appréciation, par l'autorité disposant du pouvoir de nomination, de l'aptitude professionnelle d'une personne recrutée au bénéfice de ces dispositions ne pouvait régulièrement intervenir qu'après un entretien de celle-ci avec un jury organisé par l'administration chargée du recrutement, cette appréciation relevait de la compétence du jury désigné pour apprécier l'aptitude professionnelle des élèves de l'école, lorsque l'agent a suivi la formation initiale prévue par le statut particulier du corps dans lequel il a vocation à être titularisé. Au cas d'espèce, il a constaté que M. D... ayant suivi la formation initiale prévue par le statut particulier du corps des inspecteurs de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dans lequel il avait vocation à être titularisé, l'appréciation de son aptitude professionnelle avait été assurée à la fin de sa scolarité par le jury désigné pour apprécier l'aptitude professionnelle des élèves de l'ENCCRF. Dans ces conditions, en déduisant de la situation juridique de l'intéressé que le moyen tiré de ce qu'aucun entretien préalable avec le jury n'avait eu lieu devait être écarté, le tribunal administratif a écarté ce moyen explicitement et de façon suffisamment motivée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa version applicable à l'espèce : " (...) II.- Les personnes mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail peuvent être recrutées en qualité d'agent contractuel dans les emplois de catégories A, B et C pendant une période correspondant à la durée de stage prévue par le statut particulier du corps dans lequel elles ont vocation à être titularisées. Le contrat est renouvelable, pour une durée qui ne peut excéder la durée initiale du contrat. A l'issue de cette période, les intéressés sont titularisés sous réserve qu'ils remplissent les conditions d'aptitude pour l'exercice de la fonction. / (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 25 août 1995 modifié relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique pris pour l'application de l'article 27 de cette loi, dans sa version en vigueur : " I. - Les bénéficiaires de l'obligation d'emploi instituée par l'article L. 323-2 du code du travail peuvent, en application de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, être recrutés en qualité d'agent contractuel lorsque leur handicap a été jugé compatible avec l'emploi postulé (...) ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " Les candidats qui remplissent les conditions fixées aux articles ci-dessus peuvent être recrutés par contrat pour la période prévue à l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / Le contrat précise expressément qu'il est établi en application de l'article 27 de la loi du

11 janvier 1984 susvisée. ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " Les agents bénéficient d'une formation au cours du contrat, dont les modalités et les conditions sont fixées par chaque administration. / Ils font en outre l'objet d'un suivi personnalisé visant à faciliter leur insertion professionnelle. / Lorsque ces agents suivent la formation initiale prévue par le statut particulier du corps dans lequel ils ont vocation à être titularisés, l'examen de leur aptitude professionnelle intervient, dans les conditions fixées à l'article 8, au moment où est examinée l'aptitude professionnelle des fonctionnaires stagiaires du corps avant leur titularisation. (...) ".

Aux termes de l'article 8 de ce décret : " A l'issue du contrat, l'appréciation de l'aptitude professionnelle de l'agent par l'autorité disposant du pouvoir de nomination est effectuée au vu du dossier de l'intéressé et après un entretien de celui-ci avec un jury organisé par l'administration chargée du recrutement. / I. - Si l'agent est déclaré apte à exercer les fonctions, l'autorité administrative ayant pouvoir de nomination procède à sa titularisation après avis de la commission administrative paritaire du corps concerné. / (...) / II. - Si l'agent, sans s'être révélé inapte à exercer ses fonctions, n'a pas fait la preuve de capacités professionnelles suffisantes, l'autorité administrative ayant pouvoir de nomination prononce le renouvellement du contrat pour la période prévue à l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, après avis de la commission administrative paritaire du corps au sein duquel l'agent a vocation à être titularisé. / Une évaluation des compétences de l'intéressé est effectuée de façon à favoriser son intégration professionnelle. / Si l'appréciation de l'aptitude de l'agent ne permet pas d'envisager qu'il puisse faire preuve de capacités professionnelles suffisantes dans le corps dans lequel il a vocation à être titularisé, le renouvellement du contrat peut être prononcé, après avis de la commission administrative paritaire de ce corps, en vue d'une titularisation éventuelle dans un corps de niveau hiérarchique inférieur. / III. - Si l'appréciation de l'aptitude de l'agent ne permet pas d'envisager qu'il puisse faire preuve de capacités professionnelles suffisantes, le contrat n'est pas renouvelé, après avis de la commission administrative paritaire du corps concerné. (...) IV. - Lorsque l'agent a suivi la formation initiale prévue par le statut particulier du corps dans lequel il a vocation à être titularisé, il subit les épreuves imposées aux fonctionnaires stagiaires du corps avant leur titularisation, dans les mêmes conditions, sous réserve des aménagements éventuels imposés par son handicap. / L'appréciation de son aptitude professionnelle est assurée par le jury désigné pour apprécier l'aptitude professionnelle des élèves de l'école, auquel est adjoint un représentant de l'autorité administrative ayant pouvoir de nomination ainsi qu'une personne compétente en matière d'insertion professionnelle des personnes handicapées. Cette appréciation est faite à la fin de sa scolarité. / Au vu de l'appréciation de l'aptitude professionnelle de l'agent, il lui est fait application soit du I, soit du II, soit du III du présent article. (...) ".

En ce qui concerne la légalité externe :

5. Il résulte des dispositions du II de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 que la nomination dans un corps en qualité d'agent contractuel sur le fondement de celles-ci donne à son bénéficiaire le droit d'effectuer un stage dans la limite de la durée maximale prévue par le statut particulier du corps dans lequel l'intéressé a vocation à être titularisé, sans que ce dernier dispose d'un droit à être titularisé. En application du III et du IV de l'article 8 du décret du

25 août 1995, il peut être mis fin au contrat à l'issue du stage et après avis de la commission administrative paritaire du corps concerné, si l'appréciation, faite par le jury compétent, de l'aptitude de l'agent ne permet pas d'envisager qu'il puisse faire preuve de capacités professionnelles suffisantes.

6. La décision attaquée du 2 novembre 2015, qui a mis fin au contrat de M. D... le recrutant à ce titre, repose sur son inaptitude à exercer les fonctions d'inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et s'analyse également comme une décision refusant de le titulariser dans ce corps.

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'aptitude professionnelle de

M. D... à exercer les fonctions d'inspecteur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a été appréciée par le jury désigné à ce titre, qui a émis un avis défavorable au renouvellement de son contrat le 17 septembre 2015, après que l'intéressé a suivi la formation initiale.

8. D'une part, il ressort des dispositions combinées du troisième alinéa de l'article 6 du décret du 25 août 1995 et de celles du premier alinéa et du IV de l'article 8 que ce n'est que lorsque l'appréciation de l'aptitude professionnelle de l'agent recruté en application de

l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 est effectuée par l'autorité disposant du pouvoir de nomination que cette appréciation intervient après un entretien de l'intéressé avec un jury organisé spécialement par l'administration. Si l'agent a suivi la formation initiale prévue par le statut particulier du corps dans lequel il a vocation à être titularisé, cette appréciation est effectuée par le jury désigné pour apprécier l'aptitude professionnelle des élèves de l'école. Dans ce dernier cas, si le IV de l'article 8 du décret du 25 août 1995 impose d'adjoindre à ce jury un représentant de l'autorité administrative ayant pouvoir de nomination ainsi qu'une personne compétente en matière d'insertion professionnelle des personnes handicapées, la procédure suivie est celle fixée par les textes régissant cette formation que l'intéressé a subi les épreuves imposées aux fonctionnaires stagiaires du corps avant leur titularisation. Par suite, le requérant, qui a suivi la formation initiale prévue par le statut particulier du corps des inspecteurs de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dans lequel il avait vocation à être titularisé, ne peut utilement soutenir que les dispositions du premier alinéa de l'article 8 n'ont pas été respectées dès lors qu'il n'a pas été convoqué devant le jury qui a apprécié son aptitude professionnelle.

9. D'autre part, conformément au IV de l'article 8 du décret du 25 août 1995, ont été adjoints au jury un représentant de l'autorité administrative ayant pouvoir de nomination ainsi que la correspondante de la DGCCRF en matière de handicap, présente en qualité de personne compétente en matière d'insertion professionnelle des personnes handicapées. Si M. D... soutient que celle-ci n'avait pas qualité pour siéger en cette qualité, il résulte des éléments du dossier que l'intéressée exerce effectivement ces fonctions qui permettent de la regarder comme une personne compétente en matière d'insertion professionnelle des personnes handicapées au sens de l'article 8 précité. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, qui n'imposaient pas l'intervention de cette personne au cours des stages pratiques, doit être écarté, sans qu'il soit besoin d'inviter à l'administration de produire copie des observations formulées par l'intéressée au cours de sa participation au jury.

10. En deuxième lieu, un stagiaire se trouvant dans une situation provisoire et probatoire, la décision de ne pas le titulariser en fin de stage, alors même qu'elle est fondée sur l'appréciation de son aptitude à exercer les fonctions de son grade et sur sa manière de servir, et est ainsi prise en considération de la personne, n'est pas au nombre des décisions qui ne peuvent intervenir qu'après que l'intéressé ait été mis en mesure de consulter son dossier. Par suite, le moyen tiré par M. D... de ce qu'il n'a pas été mis en mesure de procéder à une telle consultation est inopérant.

11. En troisième lieu, en vertu de l'article 39 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 visé ci-dessus, s'il doit être fait communication aux commissions administratives paritaires de tous les documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission, ces dispositions n'imposent pas à l'administration de communiquer aux membres de la commission l'intégralité du dossier de l'intéressé. Il ressort du procès-verbal de la CAP n° 2 qui a émis le 7 octobre 2015 un avis neutre sur la situation du requérant qu'alors même que les représentants du personnel ont estimé que les éléments réunis par l'administration ne justifiaient pas un non-renouvellement du contrat, il n'est pas établi que les documents transmis étaient insuffisants pour permettre à la CAP de se prononcer en toute connaissance de cause.

12. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que le contrat de M. D..., souscrit initialement pour la période du 24 août 2014 au 24 août 2015 a été prolongé par décisions du 23 septembre 2015 et du 7 octobre 2015 dans l'attente, respectivement, de l'avis de la commission paritaire, émis le 7 octobre 2015, et de la décision statuant sur sa situation, intervenue le 2 novembre 2015. Ces renouvellements, prononcés pour une durée limitée et pour de tels motifs n'entraient pas dans le champ d'application du II de l'article 8 du décret du

25 août 1995 qui permettent le renouvellement du contrat de l'agent qui, sans s'être révélé inapte à exercer ses fonctions, n'a pas fait la preuve de capacités professionnelles suffisantes. Ainsi, le moyen tiré de ce que la commission administrative paritaire n'a pas été préalablement consultée en vue d'une titularisation éventuelle dans un corps de niveau hiérarchique inférieur, doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

13. Il résulte des dispositions de l'article 27 de la loi du 11 janvier 1984 et du décret du 25 août 1995 qu'un agent contractuel recruté sur ce fondement peut faire l'objet, à l'issue de son contrat, d'un refus de titularisation. Toutefois, ce licenciement ne peut légalement intervenir que dans le cas où, malgré les mesures prises pour favoriser l'intégration professionnelle de l'agent après évaluation de ses compétences, celui-ci apparaît en définitive inapte à exercer ses fonctions.

14. Il ressort des pièces du dossier que M. D..., qui souffre de surdité sévère, a bénéficié le 17 novembre 2014 d'une consultation par le médecin de prévention qui n'a prescrit aucun aménagement du poste de travail. Face à des difficultés d'audition de sa part alors que les salles de cours sont dotées de micros, difficultés liées selon ses dires au directeur des études, au mauvais règlement de ses appareils auditifs, il a été invité à prendre place au premier rang durant les enseignements, sans que, contrairement à ce qu'il soutient, cette situation puisse caractériser la volonté de l'administration de l'isoler de ses camarades de promotion. Le requérant qui a été reçu par le directeur des études les 28 janvier et 21 avril 2015 pour évoquer ses résultats médiocres et envisager les moyens d'y remédier n'a sollicité aucune adaptation de son environnement de formation. Ainsi, il ne résulte pas des faits de l'espèce que son handicap aurait été méconnu ou insuffisamment pris en compte durant sa scolarité.

15. M. D... soutient qu'il n'a pas pu effectuer correctement ses stages pratiques durant la période de sa scolarité d'un an, en raison du dénigrement qu'il a subi et de l'absence de dossiers pertinents confiés à sa responsabilité. A supposer qu'il ait entendu ainsi invoquer un moyen tiré de ce que ses stages en situation ne lui auraient pas permis l'exercice des fonctions afférentes au corps des inspecteurs de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou un moyen tiré de l'existence d'une situation de harcèlement lors de ses stages, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions de déroulement des stages du requérant auraient donné lieu à la situation décrite par lui.

16. M. D..., qui n'a obtenu qu'une moyenne générale de 8,86 sur 20 soutient qu'il n'a pas bénéficié d'une égalité de traitement avec les autres stagiaires, qui, malgré des aptitudes équivalentes pour certains d'entre eux et des notes inférieures aux siennes, ont été titularisés. Cependant, il n'apporte aucun élément de nature à établir, d'une part, la réalité de la titularisation de stagiaires moins bien notés que lui, et, d'autre part, qu'il n'aurait pas été évalué, ainsi que l'ensemble des élèves de sa promotion, en fonction des notes qu'il a obtenues au cours de sa scolarité. En outre, s'il fait valoir que la note de 5,00 attribuée par le directeur de l'ENCCRF est manifestement inappropriée à ses aptitudes professionnelles et qu'elle doit à tout le moins être relevée à la valeur de 8,00, hormis ses allégations, il n'apporte aucun élément de nature à établir que cette évaluation serait fondée sur des faits matériellement inexacts. Par ailleurs, s'il conteste le bien-fondé de la note de 8,00 qui lui a été accordée par son directeur de stage, il ne fait valoir aucun élément probant de nature à remettre utilement en cause le niveau de cette appréciation. Dans ces conditions, la décision portant refus de titularisation n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation, ni fondée sur des faits matériellement inexacts.

17. Par ailleurs, l'affichage nominatif des stagiaires dans le hall de l'école par distinction des agents issus du concours externe, les agents issus du concours internes et les agents recrutés par contrat en raison d'une situation de handicap, ne caractérise pas en soi une situation de discrimination, d'autant que trois autres stagiaires handicapés qui ont suivi la même formation que M. D... ont été titularisés à l'issue de celle-ci. Par ailleurs, la circonstance que durant la période postérieure au 24 août 2015, il lui a été attribué un bureau au 6ème étage de l'immeuble abritant les locaux de sa direction de référence alors que la majorité des personnels de son administration demeurait au 7ème étage, et qu'il n'est pas discuté que ce bureau était le seul disponible, ne saurait caractériser une situation d'ostracisme, et en tout état de cause, est sans incidence sur le bien-fondé des décisions contestées qui portent sur l'appréciation des compétences professionnelles de l'intéressé antérieurement au 25 novembre 2015. Dans ces conditions, M. D... n'apporte aucun élément de nature à faire présumer qu'il aurait fait l'objet d'une discrimination en raison de sa situation de handicap ou de son origine raciale.

18. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D..., au ministre de l'économie et des finances, au ministre de l'action et des comptes publics et à Me Il.

Délibéré après l'audience du 8 juillet 2020, où siégeaient :

- M. d'Izarn de Villefort, président,

- M. Ury, premier conseiller,

- Mme Renault, première conseillère.

Lu en audience publique, le 22 juillet 2020.

2

N° 18MA04738


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04738
Date de la décision : 22/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Entrée en service.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : IL

Origine de la décision
Date de l'import : 08/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-22;18ma04738 ?
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