Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010.
Par un jugement n° 1602464 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure suivie devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 septembre 2018, M. B..., représenté par la SELAS Adamas Affaires International agissant par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 juillet 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les entiers dépens, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il ne résulte pas du 3. de l'article 6, du 3. de l'article 13 et du 11. de l'article 150-0 D du code général des impôts que la moins-value constatée au niveau d'un foyer fiscal, liée à des titres appartenant à l'un de ses membres, ne pourrait plus être reportée par ce foyer au titre des exercices suivants si le titulaire des titres concernés a cessé d'être rattaché audit foyer ; aucun texte ne prévoit une telle règle, qui serait contraire à l'esprit du rattachement fiscal qui correspond à une situation de dépendance économique ;
- la doctrine administrative (BOI-IR-LIQ-10-10-10-20 du 2 mai 2014), citée par le tribunal administratif, demeure muette sur une éventuelle ventilation des moins-values reportables entre les enfants majeurs et les autres membres du foyer fiscal, dont les parents ; en raison de ce silence, les enfants ne peuvent être considérés ultérieurement comme titulaires de la moins-value déclarée par leurs parents lorsqu'ils étaient rattachés à leur foyer ;
- la rectification ne peut trouver de fondement légal dans la doctrine administrative, qui au demeurant ne correspond pas aux faits de l'espèce, tant s'agissant de l'instruction 5 B 22 que des réponses ministérielles Mouly et Dubernard ; il est de jurisprudence constante que l'administration fiscale ne peut soumettre le contribuable à l'impôt sur le fondement d'une doctrine administrative même lorsque ce dernier en a improprement demandé le bénéfice lui permettant d'obtenir une exonération non prévue par la loi ;
- la rectification méconnaît le principe de sécurité juridique dès lors que le caractère reportable des moins-values existantes au 31 décembre 2007 a été validé par le service vérificateur à l'occasion de l'examen de sa situation fiscale personnelle dont il a été l'objet au titre des années 2005 à 2007 ; en 2010, il n'aurait pas cédé ses actions de la société par actions simplifiée (SAS) Sorobot s'il n'avait pas disposé de cette moins-value reportable, faute de disposer des finances nécessaires pour faire face à la charge fiscale correspondante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de M. B....
Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Pour établir sa déclaration de revenus au titre de l'année 2010, M. B... a imputé sur les plus-values de cessions de valeurs mobilières qu'il avait effectuées au cours de l'année, le solde de moins-values antérieures réalisées par les membres de son foyer fiscal au cours de l'année 2002, pour un montant de 5 328 332 euros. A la suite de l'examen de sa situation fiscale personnelle, l'administration a remis en cause, par une proposition de rectification du 16 décembre 2013 notifiée selon la procédure contradictoire, l'imputation de celles de ces moins-values enregistrées par ses deux enfants, E... et Benjamin B..., qui n'étaient plus, au titre de l'année 2010, rattachés au foyer fiscal de leur père. Par un jugement n° 1602464 du 5 juillet 2018, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010.
2. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " 1. Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérés comme étant à sa charge au sens des articles 196 et 196 A bis. (...) / (...) / 3. Toute personne majeure âgée de moins de vingt et un ans, ou de moins de vingt-cinq ans lorsqu'elle poursuit ses études, ou, quel que soit son âge, lorsqu'elle effectue son service militaire ou est atteinte d'une infirmité, peut opter, dans le délai de déclaration et sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du 2° du II de l'article 156, entre : / 1° L'imposition de ses revenus dans les conditions de droit commun ; / 2° Le rattachement au foyer fiscal dont elle faisait partie avant sa majorité, si le contribuable auquel elle se rattache accepte ce rattachement et inclut dans son revenu imposable les revenus perçus pendant l'année entière par cette personne ; le rattachement peut être demandé, au titre des années qui suivent celle au cours de laquelle elle atteint sa majorité, à l'un ou à l'autre des parents lorsque ceux-ci sont imposés séparément. / (...) ". Aux termes de l'article 12 de ce code : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. " et aux termes de l'article 156 du même code : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées des articles 6, 12 et 156 du code général des impôts que, de première part, la règle de l'imposition par foyer consiste à cumuler, pour les soumettre à une imposition unique, l'ensemble des bénéfices et revenus de toutes catégories réalisés par le contribuable lui-même ou, lorsqu'il s'agit de personnes mariées ou pacsées, par les deux époux ou partenaires, ainsi que par les enfants mineurs et autres personnes fiscalement considérés comme étant à leur charge - notamment les enfants majeurs rattachés audit foyer - et, de seconde part, le rattachement d'un enfant majeur entraîne, pour les parents, l'obligation d'inclure dans leur revenu imposable non seulement les revenus perçus par l'enfant pendant l'année entière du rattachement mais aussi, le cas échéant, les déficits catégoriels.
4. D'autre part, aux termes du 11. de l'article 150-0 D du code général des impôts, dans sa version applicable, en cas de cessions de valeurs mobilières : " Les moins-values subies au cours d'une année sont imputables exclusivement sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année ou des dix années suivantes. ".
5. Il résulte de ces dispositions combinées à la règle de l'imposition du foyer fiscal, telle que rappelée ci-dessus au point 3, que les pertes sur cession de titres qu'un contribuable peut imputer ne sont que celles qu'il a personnellement subies ou que l'un des membres du foyer fiscal de l'année d'imputation de la moins-value a subie. Par suite, une moins-value de cession de valeur mobilière non utilisée et reportée, réalisée par un contribuable au titre d'une année au cours de laquelle il était un majeur rattaché au foyer fiscal de ses parents, ne peut être conservée et utilisée par ces derniers, dans les conditions du 11. de l'article 150-0 D du code général des impôts, après le départ de ce majeur de leur foyer.
6. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 2 à 5 que l'option formulée en 2002 de rattachement au foyer fiscal de M. B... de ses deux enfants, E... et Benjamin, n'était valable que pour les seuls revenus de cette année et ne pouvait donc produire des effets reportés à l'année 2010, au titre de laquelle les enfants n'étaient plus rattachés à ce foyer fiscal. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration, qui a fait une exacte application de la loi fiscale, a remis en cause l'imputation, sur les plus-values qu'il a effectuées en 2010, des moins-values enregistrées en 2002 par ses deux enfants qui n'étaient plus, en 2010, rattachés au foyer fiscal de leur père. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'imposition en litige ne repose sur aucune base légale ni qu'elle serait fondée sur une doctrine qui aurait ajouté à la loi.
7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / (...) ". Aux termes de l'article L. 80 B du même code : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; (...) ".
8. En deuxième lieu, le requérant soutient que la doctrine administrative référencée BOI-IR-LIQ-10-10-10-20 du 2 mai 2014, qui commente les dispositions du 3. de l'article 6 du code général des impôts, ne comporte aucune disposition sur une éventuelle ventilation des moins-values reportables entre les enfants majeurs et les autres membres du foyer fiscal dont les parents et en déduit qu'en raison de ce silence, les enfants ne peuvent être considérés ultérieurement comme titulaires de la moins-value déclarée par leurs parents lorsqu'ils étaient rattachés à leur foyer. A supposer que l'appelant ait entendu se prévaloir de cette instruction sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, cette dernière ne comporte, en tout état de cause, aucune interprétation de la loi fiscale qui serait contraire à celle précédemment énoncée.
9. En troisième et dernier lieu, l'absence de rehaussement prononcé à l'issue des examens de la situation fiscale personnelle de M. B... conduits, d'abord, sur les années 2001, 2002 et 2003 puis, ensuite, sur les années 2005 à 2007, ne constitue pas une prise de position formelle dont le contribuable peut se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. A cet égard, l'administration indique au demeurant, sans être contredite, que les deux enfants de l'intéressé ayant enregistré les moins-values en litige étaient, durant ces années, toujours rattachés à son foyer fiscal, tandis qu'il n'est pas allégué que les moins-values enregistrées par eux auraient été, durant ces mêmes années, imputées sur des plus-values réalisées par leur père. Elle se réfère, dans le cadre du premier contrôle portant sur les années 2001 à 2003, à un courrier du 19 septembre 2006 ayant suivi la réponse aux observations du contribuable adressée par le service le 2 août 2006, qui expose clairement à l'intéressé que : " Au cas d'espèce, la moins-value d'un montant de 9.326.359 € devait donc bien être déclarée en totalité par les nus propriétaires, ce qui conduit à prendre en compte la totalité de cette moins-value dans la déclaration de Monsieur et Madame B..., du fait du rattachement des trois nus propriétaires au foyer fiscal de leurs parents. ". Par suite, et alors même que la loi fiscale n'a pas été modifiée rétroactivement et était connue à la date à laquelle M. B... a opéré son choix de différer l'imputabilité de la moins-value réalisée par ses enfants sur la plus-value de même nature réalisée ultérieurement, aucune méconnaissance du principe de sécurité juridique ne saurait être, en l'espèce, retenue.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010. Ses conclusions tendant à l'application de L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence, ainsi qu'en tout état de cause, celles tendant aux entiers dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2020, où siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme D..., présidente assesseure,
- Mme Courbon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 juillet 2020.
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N° 18MA04141