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22/07/2020 | FRANCE | N°18MA03443

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 22 juillet 2020, 18MA03443


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions des 3 avril 2014, 4 juillet 2014, 10 juillet 2015 et du 7 mars 2016 par lesquelles le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a rejeté sa demande d'autorisation d'exercice en France de la profession d'infirmière en soins généraux, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 94 500,84 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité de ces décisions, et d'enjoindre au préfe

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les décisions des 3 avril 2014, 4 juillet 2014, 10 juillet 2015 et du 7 mars 2016 par lesquelles le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a rejeté sa demande d'autorisation d'exercice en France de la profession d'infirmière en soins généraux, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 94 500,84 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'illégalité de ces décisions, et d'enjoindre au préfet de lui accorder le droit d'exercer en France la profession d'infirmière en soins généraux.

Par un jugement n°s 1507223 et 1610265 du 30 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les requêtes de Mme E....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 juillet 2018 et le 11 mars 2019,

Mme C... E..., représentée par Me G..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 30 mai 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 7 mars 2016 lui refusant l'exercice de la profession d'infirmière en soins généraux en France ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 94 500,84 euros ;

4°) d'enjoindre à l'Etat de lui accorder l'autorisation d'exercer en France la profession d'infirmière en soins généraux ;

5°) d'enjoindre au préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur de lui communiquer sans délai l'avis de la commission compétente du 13 juin 2014, ainsi que l'avis rendu sur sa demande du 3 mars 2014 et sur sa demande du 12 janvier 2016 ;

6°) d'enjoindre au préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur de lui communiquer la preuve de la communication aux 6 000 lieux de stage les désignant comme terrains de stage agrées par arrêté du 28 février 2012 de l'Agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur, outre la preuve de la communication aux 120 lieux de stage les désignant comme terrains de stage agrées par arrêté du 28 février 2012 de l'Agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur ;

7°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé qu'elle n'était pas recevable à contester devant la juridiction la légalité des décisions du 3 avril 2014, du 4 juillet 2014, du 10 juillet 2015 et

du 7 mars 2016 ;

- le préfet de région concerné n'a pas respecté les prescriptions de la circulaire DGS/PS3 n° 2000-370 du 4 juillet 2000 ainsi que la circulaire du 11 mai 2011

n° DGOS/RH2/2011/169 ;

- Mme D... F..., signataire du mail du 16 mai 2014 qui l'informe du retrait de la décision du 3 avril 2014, est incompétente pour se faire, ainsi que celui de la décision du

4 juillet 2014 ;

- c'est à tort que, par décision du 10 juillet 2015, le préfet de région considère qu'elle a interrompu son stage d'adaptation alors qu'en raison de sa grossesse il s'agissait d'une simple suspension de son obligation de satisfaire à ce stage, et qu'au surplus, le principe général selon lequel aucun employeur ne peut licencier une femme enceinte a été méconnu ;

- l'arrêté préfectoral fixant la liste des terrains de stage d'adaptation pour les infirmiers à diplôme européen n'ayant jamais été publié au Recueil des actes de la Préfecture de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, elle n'a pas eu connaissance d'un lieu où effectuer un stage d'adaptation ;

- la directive n° 2013/55/UE, qui s'applique de plein droit en France depuis le

18 janvier 2016, a introduit le principe d'accès partiel à un exercice professionnel, qui n'a pas été pris en compte dans le traitement de sa demande ;

- la commission ad hoc ne s'est pas prononcée sur sa demande suite au changement de la législation intervenue par la directive n° 2013/55/UE du 20 novembre 2013 qui modifie la directive n° 2005/36/CE du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ;

- la décision du 4 juillet 2014 est entachée d'insuffisance de motivation ;

- l'arrêté préfectoral fixant la liste des terrains de stage d'adaptation pour les infirmiers à diplôme européen n'ayant jamais été publié au Recueil des actes de la Préfecture de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, elle n'a pas eu connaissance d'un lieu où effectuer un stage d'adaptation ;

- en application de l'article L. 4311-4 du code de la santé publique elle bénéficie d'une admission directe au droit d'exercer la profession d'infirmière en soins généraux en France, dès lors que son titre belge est équivalent au diplôme exigé en France pour se faire. Son diplôme de " Baccalauréat en soins infirmiers " est l'équivalent de l'ancienne dénomination de " Diplôme d'Infirmier Gradué " qui a été modifié par la législation belge le 12 octobre 2005 que ne pouvait pas connaitre l'arrêté antérieur du 10 juin 2004 ;

- elle justifie de divers préjudices pour une somme totale de 94 500,84 euros.

Par lettre du 17 janvier 2019, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les parties ont été informées de la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du même code.

Par ordonnance du 15 mars 2019 la clôture d'instruction a été fixée à cette date en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire enregistré le 4 avril 2019 pour Mme E... n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles modifiée par la directive

n° 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 ;

- le code de la santé publique;

- le décret n° 2010-1123 du 23 septembre 2010 relatif à la délivrance du grade de licence aux titulaires de certains titres ou diplômes relevant du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique ;

- l'arrêté du 10 juin 2004 fixant la liste des diplômes, certificats et autres titres d'infirmier responsable des soins généraux délivrés par les Etats membres de l'Union européenne ou autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen, mentionnée à l'article

L. 4311-3 du code de la santé publique ;

- l'arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d'Etat d'infirmier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Le 27 février 2014, le Gouvernement de la Communauté française de l'Etat Belge reconnaissait le diplôme national de licence appliquée en sciences infirmières délivré le

20 juillet 2013 en Tunisie à Mme E..., de nationalité tunisienne, comme équivalent au grade de " Bachelier en soins infirmiers " conféré en Communauté française de Belgique.

Mme C... E... demande à la Cour d'annuler le jugement n°s 1507223 et 1610285 du tribunal administratif de Marseille qui rejette sa demande d'annuler les décisions du 3 avril 2014, du

4 juillet 2014, du 10 juillet 2015 et du 7 mars 2016, ainsi que ses conclusions indemnitaires tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 94 500,84 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi en raison du refus illégal du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur de lui accorder directement l'autorisation d'exercer en France la profession d'infirmière en soins généraux.

Sur la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal :

2. D'une part, le tribunal administratif a rejeté les conclusions de Mme E... dirigées contre les décisions du 3 avril 2014, du 4 juillet 2014 et du 10 juillet 2015, en les considérant irrecevables, ce qu'en appel, elle conteste. Or, en premier lieu, la décision du 3 avril 2014 doit être regardée comme ayant été retirée par le mail du 16 mai 2014, l'administration reconnaissant son erreur - et a fortiori - par la nouvelle décision du 4 juillet 2014, prise à la suite de la lettre de Mme E... en date du 22 avril 2014 qui s'apparente d'ailleurs plus à un recours gracieux qu'à une nouvelle demande. Par suite, comme l'ont dit les premiers juges, la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et tirée de ce que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 3 avril 2014 sont irrecevables car dépourvues d'objet dès avant l'introduction de la requête, doit être accueillie. En deuxième lieu, le tribunal a pu considérer à bon droit que la décision du 4 juillet 2014 ayant été notifiée le 17 juillet 2014 avec l'indication des voies et délais de recours, le recours gracieux formé contre cette décision le

5 août 2015 était tardif, ce qui entraîne l'irrecevabilité de la demande dont il a été lui-même saisi. Enfin, l'acte attaqué en date du 10 juillet 2015, constitue, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, une simple note d'information, insusceptible de recours. Dès lors, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que les fins de non-recevoir concernant ces trois premières décisions, accueillies par le tribunal administratif auraient dû être écartées.

3. D'autre part, une deuxième décision dont l'objet est le même que la première revêt un caractère confirmatif, dès lors que ne s'est produit entre temps aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait de nature à emporter des conséquences sur l'appréciation des droits ou prétentions en litige. Or, la décision du 7 mars 2016 qui, comme précédemment, refuse à Mme E... de lui accorder directement l'autorisation d'exercer en France la profession d'infirmière en soins généraux est intervenue alors qu'a été publiée la directive n° 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 modifiant la directive n° 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et le règlement (UE)

n° 1024/2012 concernant la coopération administrative par l'intermédiaire du système d'information du marché intérieur et qui aurait dû être transposée au plus tard le

18 janvier 2016. Par suite, ce changement dans les circonstances de droit était de nature à ôter à la décision du 7 mars 2016 tout caractère confirmatif. Mme E... est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que ses conclusions dirigées contre cette décision étaient irrecevables.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 7 mars 2016 :

4. L'article 1er de la directive du 20 novembre 2013 modifie l'article 14 de la directive du 7 septembre 2005, en ces termes : " e) Les paragraphes suivants sont ajoutés : " 6. La décision imposant un stage d'adaptation ou une épreuve d'aptitude est dûment justifiée. En particulier, le demandeur reçoit les informations suivantes : a) le niveau de qualification professionnelle requis dans l'État membre d'accueil et le niveau de la qualification professionnelle que possède le demandeur conformément à la classification figurant à l'article 11 ; et b) les différences substantielles visées au paragraphe 4, et les raisons pour lesquelles ces différences ne peuvent être comblées par les connaissances, aptitudes et compétences acquises au cours de l'expérience professionnelle ou de l'apprentissage tout au long de la vie ayant fait l'objet, à cette fin, d'une validation en bonne et due forme par un organisme compétent. 7. Les États membres veillent à ce qu'un demandeur ait la possibilité de présenter l'épreuve d'aptitude visée au paragraphe 1 dans un délai maximal de six mois à compter de la décision initiale imposant une épreuve d'aptitude au demandeur. ".

5. A la date de la décision contestée, aucune disposition législative ou réglementaire n'avaient transposé l'exigence d'information définie par l'article 1er de la directive du

20 novembre 2013 alors que cette transposition devait intervenir au plus tard le 18 janvier 2016. Dès lors, malgré l'absence de règles nationales sur ce point, l'autorité administrative devait prévoir une procédure d'information du public compatible avec les objectifs de la directive pour refuser l'autorisation litigieuse.

6. Il ressort des pièces du dossier que pour rejeter la demande d'autorisation d'exercer la profession d'infirmière en soins généraux en France formulée le 12 janvier 2016 par

Mme E..., dans la décision attaquée du 7 mars 2016, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur se borne à opposer à nouveau à l'intéressée son titre de formation " Bachelier en soins infirmiers " qui ne correspondrait pas au niveau de qualification exigé en France. Le préfet ne pouvait écarter ainsi le fait que l'intéressée produisait ledit diplôme et refuser de l'assimiler au titre français en imposant un stage d'adaptation sans expliciter et démontrer les raisons précises de cette déqualification ainsi que la nécessité d'un stage et sans respecter la procédure prévue en matière de reconnaissance des qualifications fixée par la directive n° 2013/55/UE qui impose à l'autorité publique d'examiner si l'expérience professionnelle ou l'apprentissage au long de la vie pouvait compenser une éventuelle différence de qualification. Il résulte de ce qui précède que la décision du 7 mars 2016 doit être annulée car elle a été prise dans des formes incompatibles avec les objectifs de la directive du 7 septembre 2005 telle que modifiée par la directive du 20 novembre 2013.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

S'agissant de l'illégalité fautive dont seraient atteintes les décisions du 3 avril 2014, du 4 juillet 2014, du 10 juillet 2015 :

En ce qui concerne l'autorisation d'exercer directement :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 4311-2 du code de la santé publique : " Sous réserve des dispositions des articles L. 4311-4 et L. 4311-5, peuvent exercer la profession d'infirmier ou d'infirmière les personnes titulaires d'un diplôme, certificat ou titre mentionné aux articles L. 4311-3 et L. 4311-4, ou titulaires des autorisations prévues aux articles L. 4311-9 et L. 4311-10 ". En vertu de l'article L. 4311-3 du même code : " Les titres de formation exigés en application de l'article L. 4311-2 sont pour l'exercice de la profession d'infirmier responsable des soins généraux : 1° Soit le diplôme français d'Etat d'infirmier ou d'infirmière ; 2° Soit, si l'intéressé est ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen : a) Un titre de formation d'infirmier responsable des soins généraux délivré par l'un de ces Etats conformément aux obligations communautaires et figurant sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de la santé ; b) Un titre de formation d'infirmier responsable des soins généraux délivré par un Etat, membre ou partie, conformément aux obligations communautaires, ne figurant pas sur la liste mentionnée au a, s'il est accompagné d'une attestation de cet Etat certifiant qu'il sanctionne une formation conforme à ces obligations et qu'il est assimilé, par lui, aux titres de formation figurant sur cette liste ".

8. D'autre part, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 10 juin 2004 fixant la liste des diplômes, certificats et autres titres d'infirmier responsable des soins généraux délivrés par les Etats membres de l'Union européenne ou autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen, mentionnée à l'article L. 4311-3 du code de la santé publique : " La liste des diplômes, certificats et autres titres d'infirmier responsable des soins généraux mentionnée à l'article

L. 4311-3 du code de la santé publique, délivrés conformément aux obligations communautaires par les Etats membres de l'Union européenne ou autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen et ouvrant droit à l'exercice de la profession d'infirmier en France aux ressortissants desdits Etats membres, est fixée par l'annexe 1 ". En vertu de l'Annexe 1 de ce même arrêté : " Belgique 1° Diploma gegradueerde verpleger-verpleegster/Diplôme d'infirmier(ère) gradué(e)/Diplom eines (einer) graduierten Krankenpflegers (-pflegerin), délivré par De erkende opleidingsinstituten/les établissements d'enseignement reconnus/die anerkannten Ausbildungsanstalten postérieurement au 1er juin 1961. 2° Diploma in de ziekenhuisverpleegkunde/Brevet d'infirmier(ère) hospitalier(ère)/Brevet eines (einer) Krankenpflegers (pflegerin), délivré par De bevoegde Examencommissie van de Vlaamse Gemeenschap/le jury compétent d'enseignement de la Communauté française/der zuständige "Prüfungsausschuss der Deutschsprachigen Gemeinschaft" postérieurement au 1er juin 1961 ".

9. En vertu de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, il découle des stipulations du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qu'un Etat membre, saisi d'une demande d'autorisation d'exercer une profession dont l'accès est, selon la législation nationale, subordonné à la possession d'un diplôme ou d'une qualification professionnelle, doit prendre en considération les diplômes, certificats et autres titres que l'intéressé a acquis dans le but d'exercer cette même profession dans un autre Etat membre en procédant à une comparaison entre les compétences attestées par ces diplômes et les connaissances et qualifications exigées par les règles nationales. Il n'en résulte pas que seul un système de reconnaissance automatique serait de nature à satisfaire aux exigences découlant du traité.

10. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... justifie détenir le titre belge de " Bachelier en soins infirmiers ". En l'espèce, ce diplôme n'est pas inclus dans la liste de l'arrêté du 10 juin 2004 qui précise notamment les diplômes, certificats et autres titres d'infirmier responsable des soins généraux délivrés en Belgique et reconnus en France pour l'exercice de la profession. Si Mme E... soutient que son titre de " Bachelier en soins infirmiers " est équivalent au " Diplôme d'infirmier(ère) gradué(ée) " qui est mentionné par l'arrêté du

10 juin 2004, elle ne l'établit pas par la seule production d'un " Arrêté Royal déterminant les conditions et la procédure d'octroi de l'équivalence des diplômes et certificats d'études étrangers " référencé " A.R. 20-07-1971 M.A... . 05-08-1971 " qui dispose dans son article 1er que " En aucun cas, l'octroi des équivalences prévues à l'article 1er de la loi du 19 mars 1971, ne peut avoir comme résultat : a) de reconnaître des études dont le niveau de formation et/ou le programme ne sont pas au moins égaux à ceux des études belges équivalentes ; b) de donner à l'impétrant accès à des études qui ne lui sont pas accessibles dans le pays où le diplôme a été délivré. Toutefois, le littera b n'est pas d'application pour les titres délivrés dans un Etat membre de l'Union Européenne ".

11. A défaut pour Mme E... de justifier d'un diplôme d'infirmier en soins généraux répondant aux conditions posées par les dispositions précitées du code de la santé publique, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur était tenu de lui refuser la délivrance de l'autorisation d'exercer directement la profession d'infirmière en soins généraux en France. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées, de l'insuffisante motivation ou des vices de procédure de la procédure d'examen de son dossier sont inopérants. En conséquence, Mme E... n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de l'exception d'illégalité, que les décisions du 3 avril 2014, du 4 juillet 2014, du 10 juillet 2015 par lesquelles ont été rejetées ses diverses demandes d'autorisation directe d'exercice de la profession d'infirmière responsable des soins généraux sont illégales. Par suite, les conclusions indemnitaires de Mme E... à raison de l'illégalité de ces décisions en tant qu'elles refusent l'autorisation d'exercer directement doivent être rejetées.

En ce qui concerne l'exigence d'une mesure de compensation :

12. Aux termes de l'article L. 4311-4 : " L'autorité compétente peut, après avis d'une commission composée notamment de professionnels, autoriser individuellement à exercer la profession d'infirmier ou d'infirmière les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, qui sont titulaires :

/ 1° D'un titre de formation d'infirmier responsable des soins généraux délivré par l'un de ces Etats ne répondant pas aux conditions prévues par l'article L. 4311-3 mais permettant d'exercer légalement la profession d'infirmier responsable des soins généraux dans cet Etat ; / (...) / Dans ces cas, lorsque l'examen des qualifications professionnelles attestées par l'ensemble des titres de formation et de l'expérience professionnelle pertinente fait apparaître des différences substantielles au regard des qualifications requises pour l'accès à la profession et son exercice en France, l'autorité compétente exige que l'intéressé se soumette à une mesure de compensation qui consiste, au choix du demandeur, en une épreuve d'aptitude ou en un stage d'adaptation. ". En vertu de l'article 3 de l'arrêté du 24 mars 2010 susvisé : " Le stage d'adaptation s'effectue dans un établissement de santé public ou privé agréé par l'agence régionale de santé.

Le stagiaire est placé sous la responsabilité pédagogique d'un professionnel qualifié exerçant la profession depuis au moins trois ans. Ce dernier établit un rapport d'évaluation conformément au modèle figurant en annexe. / Le stage, qui comprend éventuellement une formation théorique complémentaire, est validé par le responsable de la structure d'accueil, sur proposition du professionnel qualifié évaluant le stagiaire. / Le préfet de région notifie à l'intéressé les résultats du stage. ".

13. En vertu d'un principe dont s'inspire la règle énoncée, s'agissant des irrégularités commises lors de la consultation d'un organisme, par l'article 70 de la loi n° 2011-525 du

17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

14. Après avoir légitimement refusé à Mme E... l'autorisation d'exercer directement en France la profession d'infirmière en soins généraux, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, par sa décision du 4 juillet 2014, a néanmoins conditionné ce droit à l'obligation pour Mme E... de se soumette à une mesure de compensation consistant, soit en une épreuve d'aptitude orale ou écrite de trois ou quatre heures, soit en un stage d'adaptation de dix semaines. Mme E... a opté, le 19 juillet 2014, pour la réalisation d'un stage d'adaptation. Elle a débuté ce stage au service réanimation de l'hôpital de la Timone à Marseille le 1er août 2014, pour ensuite être placée en congé de maladie à compter du 10 août suivant, prolongé jusqu'au 10 mars 2015 en raison d'une grossesse à risque, sans reprendre ce stage à l'issue de ce congé.

Un courrier du 29 septembre 2014 l'a informée qu'elle devrait déposer une nouvelle demande d'autorisation dans le cas où le stage de réadaptation ne serait pas réalisé dans un délai qui ne pouvait être supérieur à un an à compter du 22 juillet 2014. Le 22 juin 2015, Mme E... a réitéré, par courriel, son voeu de réaliser un stage d'adaptation, auquel il a été répondu par une lettre du 10 juillet 2015, qu'il lui revenait de trouver un établissement d'accueil pour effectuer son stage d'adaptation.

15. En premier lieu, Mme E... soutient que les règles de quorum exigées par l'article R. 4311-36-1 du code de la santé publique relatif à la composition de la commission de la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ayant examiné son dossier le 13 juin 2014 n'auraient pas été satisfaites. D'une part, cette circonstance est sans incidence sur la régularité de la procédure, dès lors que l'avis rendu par cette commission lui accorde la possibilité de bénéficier de l'autorisation sollicitée, sous la réserve d'effectuer une mesure compensatoire. D'autre part, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges au point 11. du jugement attaqué, la procédure suivie pour l'examen de sa demande d'autorisation d'exercer en France la profession d'infirmière responsable en soins généraux n'est entachée d'aucune irrégularité.

16. En deuxième lieu, si Mme E... soutient que l'arrêté du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur fixant la liste des terrains de stage d'adaptation pour les infirmiers à diplôme européen n'a pas été publiée au recueil des actes de la préfecture de Provence-Alpes-Côte d'Azur, pour regrettable qu'elle soit, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé du refus qu'elle conteste, dès lors que, comme il l'a été dit, elle a accédé à un stage d'adaptation de dix semaines au service réanimation de l'hôpital de la Timone, et qu'elle ne soutient ni même allègue que l'administration ne lui a pas communiqué, sur ses demandes, cette liste.

17. En troisième lieu, il est constant que Mme E... n'a pas satisfait à la nécessité de suivre le stage d'adaptation requis de dix semaines dans le délai d'une année, sans que sa grossesse intervenue en cours de stage puisse constituer une condition exonératoire de cette obligation, circonstance qui ne traduit pas une violation par l'administration du principe selon lequel aucun employeur ne peut licencier une salariée en état de grossesse.

18. En quatrième lieu, les circulaires DGS/PS3 n° 2000-370 du 4 juillet 2000 et DGOS/RH2 n° 2011-169 du 11 mai 2011 n'ont pas d'autre objet que de commenter la portée des dispositions précitées du code de la santé publique. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à s'en prévaloir au soutien de ses conclusions indemnitaires.

19. Si la requérante soutient que les refus du préfet de lui reconnaître le bénéfice d'exercer directement en France la profession d'infirmière en soins généraux lui cause un préjudice matériel en raison de l'impossibilité pour elle de tirer des revenus de cette activité, il résulte de tout ce qui vient d'être dit, que le préfet n'a pas commis d'illégalité fautive en lui refusant l'équivalence du titre sollicitée ou en lui imposant une mesure de compensation. Dès lors, les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat en réparation du préjudice matériel subi, du fait de ces décisions, doivent être rejetées.

En ce qui concerne les conséquences de l'annulation de la décision du 7 mars 2016 :

20. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité de l'Etat n'est engagée à l'égard de Mme E... qu'en raison de l'illégalité fautive tirée de l'insuffisante justification au sens de la directive du 7 septembre 2005 entachant la décision du 7 mars 2016.

21. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral que Mme E... a subi en raison des troubles de toute nature que lui cause l'illégalité de cette décision en condamnant l'Etat à lui verser à la somme de 1 000 euros.

22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en ce qui concerne l'illégalité de la décision du 7 mars 2016 et ses conséquences indemnitaires.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

23. Le présent arrêt qui fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par

Mme E... contre la décision du 7 mars 2016 implique seulement, eu égard aux motifs d'annulation ci-dessus énoncés, que le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur statue à nouveau sur la situation de l'intéressée et prenne une nouvelle décision.

Sur les frais liés au litige :

24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme E... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La décision du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur du 7 mars 2016 est annulée.

Article 2 : L'Etat est condamné à payer à Mme E... la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Article 3 : Le jugement n°s 1507223 et 1610265 du 30 mai 2018 du tribunal administratif de Marseille est réformé, en tant qu'il est contraire à l'article 1er et à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : Il est enjoint à l'Etat (préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur) de procéder au réexamen de la demande présentée par Mme E....

Article 5 : L'Etat versera à Mme E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de Mme E... et de sa demande devant le tribunal est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E..., au préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et au ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juillet 2020.

N° 18MA034432


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Professions - charges et offices - Accès aux professions.

Professions - charges et offices - Conditions d'exercice des professions.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : DE LAUBIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Date de la décision : 22/07/2020
Date de l'import : 08/08/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18MA03443
Numéro NOR : CETATEXT000042175515 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-22;18ma03443 ?
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