La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/07/2020 | FRANCE | N°18MA02586

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 22 juillet 2020, 18MA02586


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mutuelles du Mans Assurances Iard (MMA) a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le syndicat intercommunal de la Siagne et de ses affluents (SISA) et la société Groupama Méditerranée, assureur du SISA, à lui verser la somme de

146 584 euros, en réparation des préjudices subis par la société Passeron Engrais, son assurée, résultant du débordement du canal du Béal.

Par un jugement n° 1502576 du 10 avril 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa req

uête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 mai 2018, la société MM...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mutuelles du Mans Assurances Iard (MMA) a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le syndicat intercommunal de la Siagne et de ses affluents (SISA) et la société Groupama Méditerranée, assureur du SISA, à lui verser la somme de

146 584 euros, en réparation des préjudices subis par la société Passeron Engrais, son assurée, résultant du débordement du canal du Béal.

Par un jugement n° 1502576 du 10 avril 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 mai 2018, la société MMA, représentée par

Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 avril 2018 ;

2°) de condamner solidairement le SISA et la société Groupama Méditerranée à lui verser la somme de 146 584 euros en réparation des préjudices subis par la société Passeron Engrais résultant du débordement du canal du Béal ;

3°) de mettre solidairement à la charge du SISA et de la société Groupama Méditerranée une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le sinistre du 6 novembre 2011 dont son assurée a été victime est imputable à l'ouvrage public que constitue la buse destinée à gérer l'écoulement du canal du Béal au droit de la propriété Broglio, qui était manifestement sous-dimensionnée pour canaliser correctement les eaux ;

- les pluies exceptionnelles qui ont provoqué la crue du canal du Béal ne présentaient pas le caractère d'imprévisibilité requis pour constituer un cas de force majeure ;

- les conséquences dommageables de cet événement ont été aggravées par l'ouvrage public par rapport à ce qu'elles auraient été en son absence.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 21 juin 2018 et le 31 janvier 2019, la société Groupama Méditerranée et la communauté d'Agglomération Cannes Pays de Lerins (CACPL), venant aux droits du SISA, représentées par Me C..., concluent principalement au rejet de la requête, subsidiairement à la condamnation solidaire de l'Etat et de la commune de Cannes à la garantir des condamnations qui seraient prononcées contre elles, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société MMA au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les moyens soulevés par la société MMA ne sont pas fondés ;

- la responsabilité de l'Etat est engagée à l'égard de la CACPL dès lors que ce sont les services de l'Etat qui ont commandé et validé les travaux de construction de la buse sur le canal du Béal ;

- la responsabilité de la commune de Cannes est engagée à l'égard de la CACPL en raison de sa carence à avoir pris des mesures propres à éviter le débordement des crues du Béal.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2018, la commune de Cannes, représentée par Me F..., conclut au rejet des conclusions de la société Groupama Méditerranée et de la CACPL dirigées contre elle, subsidiairement au rejet de la requête de la société MMA, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Groupama Assurances au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions indemnitaires de la société Groupama Assurances présentées contre elle sont irrecevables faute d'avoir été précédées d'une réclamation préalable ;

- les moyens soulevés par la société MMA ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la requalification des conclusions dirigées contre le syndicat intercommunal de la Siagne et de ses affluents comme dirigées contre la CACPL, qui s'est substituée au syndicat en cours d'instance.

Par ordonnance du 7 février 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. G... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., substituant Me C..., représentant la société Groupama Méditerranée et la communauté d'Agglomération Cannes Pays de Lerins, et de

Me F..., représentant la commune de Cannes.

Considérant ce qui suit :

1. La société Passeron Engrais a été victime, le 6 novembre 2011 d'une inondation de ses locaux alors que des pluies torrentielles s'abattaient sur la basse vallée de la Siagne depuis le 4 novembre 2011. La société Mutuelles du Mans Assurances Iard (MMA), subrogée dans les droits de cette société dont elle est l'assureur, a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner sur le fondement des dommages de travaux publics, le syndicat intercommunal de la Siagne et de ses affluents (SISA) et la société Groupama Méditerranée, assureur du SISA, à lui verser la somme de 146 584 euros, en se prévalant d'une quittance subrogatoire du même montant. La société MMA fait appel du jugement du 10 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Les personnes mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse utilement être invoqué le fait du tiers.

3. Il résulte de l'instruction que la société Passeron Engrais se livre à son activité commerciale sur un site, qu'elle loue, comportant un bâtiment industriel et une zone d'entreposage de marchandises à l'extérieur, construit de part et d'autre du chemin de la plaine de Laval à Cannes-La-Bocca. A la suite des pluies des 4, 5 et 6 novembre 2011, le canal du Béal, qui s'écoule à proximité parallèlement au chemin précité, a débordé le 5 novembre 2011, au droit du crematorium, lequel se situe à 515 m environ plus au nord du site d'exploitation de la société Passeron Engrais, ses eaux se mêlant aux eaux boueuses de ruissellement. Les eaux ont inondé le bâtiment et la zone d'entreposage à une hauteur atteignant 60 à 70 centimètres, causant d'importants dommages aux marchandises en vrac ou en sacs, aux machines de conditionnement et à des matériels divers ainsi qu'au mobilier et embellissements se trouvant dans une annexe servant de bureau. La société requérante met en cause la buse de rétrécissement implantée sur le canal du Béal à faible distance au sud du site d'exploitation avant le passage sous l'autoroute A8 en soutenant que l'existence de cet ouvrage a fait obstacle au libre écoulement des eaux. Cette buse, installée au début de l'année 2011, a pour fonction de limiter le débit d'écoulement à

10 m3/h avant la traversée de la zone commerciale des Tourrades, alors qu'auparavant le débit admissible était de 50 m3/h, la réduction de débit n'étant opérée que plus loin en aval avant la traversée de la zone de l'aéroport.

4. Les parcelles sur lesquelles la société requérante exerce son exploitation sont cependant couvertes par le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation de la basse vallée de la Siagne, approuvé en 2003. Ce plan classe ces terrains en zone rouge R de risque fort ou en zone B2 de risque modéré, dans laquelle existe un risque de crue torrentielle. Le règlement de ce plan précise que la zone rouge est celle dans laquelle " les inondations sont redoutables en raison des hauteurs d'eau, des vitesses d'écoulement, des conditions hydrodynamiques et des phénomènes d'enclavement ". Les occupations et utilisations du sol y sont particulièrement limitées. En zone B2, la cote d'implantation du plancher des constructions est égale à la cote de référence, c'est-à-dire l'altitude du niveau de la crue de référence retenue, augmentée de 40 cm. Il résulte de ces mentions que, s'il ne résulte de l'instruction que le bâtiment occupé par la société Passeron Engrais ait été construit postérieurement à l'entrée en vigueur du plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation de la basse vallée de la Siagne, cette société doit être regardée comme ayant été alertée de l'existence de risques pour la sécurité des biens et des personnes sur les parcelles soumises, selon le cas, à un risque fort d'inondation ou à un risque de crue torrentielle et comme ayant accepté ces risques. Dans ces conditions, eu égard à la hauteur d'eau atteinte sur ces parcelles au moment du sinistre, soit 60 à 70 cm, la société Groupama Méditerranée et la CACPL sont fondées à soutenir que, à supposer que la buse litigieuse sur le canal du Béal ait contribué au dommage, le préjudice subi par la société Passeron Engrais ne donne pas droit à réparation.

5. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société MMA n'est pas fondée à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur les appels en garantie :

6. En l'absence de toute condamnation retenue à l'encontre de la société Groupama Méditerranée et la CACPL, les conclusions en appel en garantie formées par celles-ci dirigées contre l'Etat et la commune de Cannes sont sans objet.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Groupama Méditerranée et de la CACPL, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société MMA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, d'une part, de mettre à la charge de la société MMA une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Groupama Méditerranée et de la CACPL et non compris dans les dépens, d'autre part de mettre à la charge de ces dernières, une somme de 2 000 euros au titre des frais de même nature exposés par la commune de Cannes.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Mutuelles du Mans Assurances Iard est rejetée.

Article 2 : Les conclusions en appel de garantie présentées par la société Groupama Méditerranée et la CACPL sont rejetées.

Article 3 : La société Mutuelles du Mans Assurances Iard versera une somme globale de 2 000 euros à la société Groupama Méditerranée et à la CACPL au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La société Groupama Méditerranée et la CACPL verseront ensemble une somme de 2 000 euros à la commune de Cannes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mutuelles du Mans Assurances Iard, à la société Groupama Méditerranée, à la Communauté d'Agglomération Cannes Pays de Lerins, à la commune de Cannes et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 8 juillet 2020, où siégeaient :

- M. G..., président,

- M. A..., premier conseiller,

- Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 22 juillet 2020.

2

N° 18MA02586


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Causes d'exonération - Faute de la victime - Existence d'une faute.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Causes d'exonération - Force majeure - Absence.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : JEAN-CLAUDE BENSA et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Date de la décision : 22/07/2020
Date de l'import : 08/08/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18MA02586
Numéro NOR : CETATEXT000042182408 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-22;18ma02586 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award