Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A..., en son nom propre et en sa qualité de représentant légal de ses trois enfants mineurs, B..., Mattéo et Alicia, a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 889 734 euros en réparation des préjudices résultant de l'infection nosocomiale dont il a été victime.
La caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône a demandé au tribunal de mettre à la charge solidaire de l'AP-HM et de l'ONIAM le versement de la somme de 1 407 298,85 euros au titre des débours et de la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.
Par un jugement n° 1510099 du 18 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a mis à la charge de l'ONIAM le versement à M. A... d'une somme de 97 207 euros et d'une rente trimestrielle d'un montant de 754 euros à compter du 1er janvier 2018, et à ses trois enfants d'une somme de 6 000 euros et a rejeté les conclusions de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Procédure devant la Cour :
Par un arrêt avant dire droit n° 18MA00746 du 11 avril 2019, la cour administrative d'appel de Marseille, statuant sur l'appel formé par l'ONIAM contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 décembre 2017, a ordonné une expertise en vue de déterminer la date de consolidation de l'état de santé de M. A... et d'évaluer les préjudices subis pendant la période allant du 21 novembre 2012 au 1er janvier 2016 et ceux subsistant après la seconde transplantation en lien avec l'infection nosocomiale.
Par des mémoires, enregistrés le 14 octobre 2019 et le 3 mars 2020, M. A..., représenté par Me E..., conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures et demande, en outre, que soit portée à la somme de 502 924 euros le montant de l'indemnité qui lui est due et à la somme de 5 000 euros le montant des frais irrépétibles et la désignation d'un ergothérapeute.
Il soutient que :
- l'expert n'a pas expliqué pourquoi il a écarté l'aide par une tierce personne pour la totalité de la période ;
- le patient a eu besoin de l'aide par une tierce personne 2 heures par jour tous les jours pendant une période de 6 mois après la première greffe et une période de 3 mois après la seconde greffe ;
- la perte de revenus et de droits à la retraite ainsi que l'incidence professionnelle doivent être indemnisées ;
- les souffrances endurées doivent être fixées à 5 sur une échelle allant de 1 à 7 ;
- il a subi un préjudice sexuel.
Un mémoire, présenté pour l'ONIAM, représenté par la SCP UGGC Avocats, enregistré le 18 juin 2020 après la clôture automatique de l'instruction intervenue suivant les prévisions de l'article R. 6132 du code de justice administrative n'a pas été communiqué.
Un mémoire, présenté pour M. A... enregistré le 19 juin 2020 après la clôture automatique de l'instruction intervenue suivant les prévisions de l'article R. 6132 du code de justice administrative n'a pas été communiqué.
Vu :
- le rapport de l'expert enregistré le 6 septembre 2019 au greffe de la cour ;
- l'ordonnance du 23 septembre 2019 par laquelle la présidente de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant MM. A....
Considérant ce qui suit :
1. Le greffon dont M. C... A... a bénéficié le 21 novembre 2012 lors d'une transplantation du rein droit à l'hôpital de la Conception à Marseille dépendant de l'AP-HM a été contaminé par un germe infectieux nécessitant l'explantation du rein. Il a ensuite bénéficié avec succès d'une transplantation rénale le 1er janvier 2016.
Sur la solidarité nationale :
2. Ainsi, que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, les dommages subis par M. A... résultant de cette infection ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale en application des dispositions précitées de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique.
3. Un organe prélevé en vue d'une transplantation ne constitue pas un produit de santé au sens du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. Par suite, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, la responsabilité sans faute de l'AP-HM du fait du défaut du greffon n'était pas susceptible d'être engagée.
4. Pour les mêmes motifs, l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que la responsabilité du centre hospitalier d'Avignon en qualité de producteur ou de fournisseur du produit défectueux ou en qualité d'établissement préleveur est seule susceptible d'être recherchée par M. A....
Sur la fixation de la date de consolidation :
5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par l'arrêt avant dire droit du 11 avril 2019 de la cour, que l'état de M. A... doit être considéré comme consolidé à la date du 9 avril 2016, correspondant au centième jour après la seconde greffe.
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
6. En premier lieu, M. A... n'établit pas plus en appel qu'en première instance avoir conservé à sa charge le coût des frais de consultation d'un médecin psychiatre pour les séances des 25 juin 2013, 5 juillet 2013, 18 juillet 2013, 6 septembre 2013, 20 septembre 2013, 4 octobre 2013, 10 décembre 2013, 14 mars 2014, 13 mai 2014 et 23 mai 2014. Par ailleurs, il ne peut prétendre au remboursement des frais d'hospitalisation pour la période du 20 novembre au 11 décembre 2012 qui ne sont pas en lien avec l'infection nosocomiale dès lors qu'il aurait été hospitalisé pendant cette période même en l'absence de complication de la transplantation. Le patient est seulement fondé à solliciter l'indemnisation des frais d'hospitalisation restés à sa charge et dont il justifie pour une somme de 360 euros du 20 novembre au 31 décembre 2012 et la somme de 160 euros pour la part restée à sa charge des frais de consultation d'un médecin psychiatre en lien avec l'infection nosocomiale pour 4 séances des 7 janvier 2014, 7 et 21 février 2014 et 7 avril 2014.
7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. A... a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne non spécialisée à raison de deux heures par jour tous les jours de la semaine pendant six mois à compter de la première greffe et pendant trois mois à compter de la seconde greffe. Le patient ayant été hospitalisé pour la première transplantation jusqu'au 31 décembre 2012 et pour la suivante jusqu'au 21 janvier 2016, il y a lieu de fixer les périodes pendant lesquelles il a eu besoin de l'aide qui lui a été apportée par sa mère ou par son fils du 1er janvier 2013 au 21 mai 2013 et du 22 janvier 2016 au 30 mars 2016. Contrairement à ce qui est soutenu par l'intéressé, il n'y a pas lieu d'étendre la durée pendant laquelle l'assistance par une tierce personne a été nécessaire de la date de son retour à domicile à l'issue de la première greffe jusqu'à la date de la seconde transplantation dès lors qu'il ne s'occupait plus de ses deux plus jeunes enfants dont il avait perdu la garde confiée à la mère et que la garde alternée lui avait été refusée compte tenu de son état de santé. Par ailleurs, il n'y a pas lieu non plus de retenir les durées et le nombre d'heures d'aide par une tierce personne tels que fixés par le rapport du collège d'experts désignés par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Provence-Alpes-Côte d'Azur qui a été établi avant la seconde transplantation et qui ne tenait pas compte de la perte par l'intéressé de la garde de ses enfants. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 31331 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours et d'un taux horaire de 13 euros, fixé en fonction du taux horaire moyen du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette période, augmenté des charges sociales. Il n'y a pas lieu de porter cette somme à 20 euros comme le demande M. A... dès lors qu'il n'établit pas avoir eu recours à une aide spécialisée. Il résulte en outre des pièces du dossier que M. A... ne perçoit aucune aide sociale ayant pour objet de couvrir les besoins de l'aide à tierce personne des personnes en situation de handicap. Les frais liés à l'assistance par une tierce personne doivent ainsi être évalués à la somme totale de 5 360 euros.
8. En troisième lieu, M. A..., comptable, avait été licencié au mois d'avril 2012 du fait de sa pathologie rénale et était en recherche d'emploi à la date de la première greffe. Il n'établit pas, par la production de quelques courriers émanant de Pôle Emploi et de courriels échangés avec sa conseillère sur une courte période allant du mois de juillet 2016 au mois de mai 2017, être en recherche active d'emploi depuis l'échec de la greffe au mois de décembre 2012 ni posséder une chance sérieuse de reprendre une activité rémunérée et de percevoir, à l'avenir, les revenus correspondants. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande présentée à ce titre ainsi que, par voie de conséquence, celle relative à la perte de droits à la retraite.
9. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction qu'en l'absence d'infection, la première greffe rénale, qui avait de sérieuses chances de réussir, aurait permis à M. A... de reprendre une activité professionnelle partielle. Compte tenu et de la nature et de l'ampleur du déficit fonctionnel permanent fixé par le rapport d'expertise judiciaire à 40 % et de l'âge du requérant, il y a lieu d'évaluer à 15 000 euros le montant de l'incidence professionnelle.
En ce qui concerne les préjudices extra patrimoniaux :
10. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du second rapport d'expertise, que M. A... a subi des périodes de déficit fonctionnel temporaire total du 21 novembre au 30 décembre 2012 et du 1er au 21 janvier 2016 et de déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 40% du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et du 22 janvier au 9 avril 2016. Toutefois, en l'absence d'infection, la greffe imposait une période de déficit fonctionnel de 100 % du 21 novembre au 12 décembre 2012 qu'il y a lieu de prendre en compte. Les troubles dans les conditions d'existence, prenant en compte l'éviction de la vie sociale, endurés à ce titre doivent être évalués à 8 205 euros.
11. En deuxième lieu, les souffrances endurées par M. A..., évaluées par l'expert à 5 sur une échelle de 7, doivent être réparées par la somme de 15 500 euros.
12. En troisième lieu, le préjudice de M. A..., âgé de quarante-sept ans à la date de consolidation de son état de santé, résultant du déficit fonctionnel permanent de 40 % doit être évalué à 75 000 euros.
13. En quatrième lieu, M. A... ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance de la réalité du préjudice d'agrément qu'il invoque. Par suite, il y a lieu de rejeter la demande indemnitaire qu'il présente à ce titre.
14. En cinquième lieu, la réparation du préjudice esthétique, évalué à 3 sur 7, sera justement évaluée par la somme de 4 100 euros.
15. En sixième lieu, il y a lieu de fixer la réparation du préjudice sexuel en lien avec l'infection nosocomiale à la somme de 1 000 euros.
16. En septième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que la perte de la garde de ses enfants et le refus de la garde alternée présente un lien de causalité direct et certain avec l'infection nosocomiale dont M. A... a été victime. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la possibilité de réaliser normalement un projet de vie familiale du fait de l'infection nosocomiale et à demander la réparation d'un préjudice d'établissement.
17. Enfin, en évaluant à 2 000 euros chacun le montant du préjudice moral subi par les enfants de M. A..., les premiers juges en ont fait une évaluation qui n'est pas insuffisante.
18. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la requête de l'ONIAM, de porter le montant de l'indemnité globale due à M. A..., pour lui-même, à la somme de 121 685 euros sous déduction de la provision de 81 300 euros qui lui a été accordée par le juge des référés, de lui accorder une indemnité globale de 4 000 euros en sa qualité d'administrateur légal des biens de ses deux enfants mineurs et, sans qu'il soit besoin de désigner un ergothérapeute, de rejeter le surplus des conclusions de son appel incident.
Sur les dépens :
19. Il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par l'arrêt de la cour du 11 avril 2019, liquidés et taxés à la somme de 4 200 euros, à la charge de l'ONIAM.
Sur les frais liés au litige :
20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A....
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'ONIAM est rejetée.
Article 2 : L'ONIAM paiera à M. A..., pour lui-même, une indemnité de 121 685 euros sous déduction de la provision de 81 300 euros accordée par l'ordonnance du juge des référés de la cour du 28 janvier 2016 et, en sa qualité d'administrateur légal des biens de ses deux enfants mineurs, une somme de 4 000 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 4 200 euros, sont mis à la charge de l'ONIAM.
Article 5 : L'ONIAM versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de M. A... présentées par la voie de l'appel incident est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à M. C... A..., à M. B... A..., à l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille, au centre hospitalier d'Avignon, à la SHAM et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Copie en sera adressée au professeur B....
Délibéré après l'audience du 24 juin 2020 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme D..., présidente-assesseure,
- Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 22 juillet 2020.
La rapporteure,
signé
A. F...Le président,
signé
J.-F. ALFONSI
La greffière,
signé
C. MONTENERO
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 18MA00746