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17/07/2020 | FRANCE | N°19MA04153

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 17 juillet 2020, 19MA04153


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 4 mai 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a décidé son maintien en rétention administrative.

Par un jugement n° 1902615 du 27 mai 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2019, M. C... A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif

de Montpellier ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 mai 2019 par lequel le préfet de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 4 mai 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a décidé son maintien en rétention administrative.

Par un jugement n° 1902615 du 27 mai 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2019, M. C... A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 mai 2019 par lequel le préfet de l'Hérault a décidé de maintenir son placement en rétention ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- par voie d'exception, la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est entachée d'un vice de procédure faute d'un examen réel et complet de sa situation ;

- l'arrêté méconnait les principes de sécurité juridique et d'égalité de traitement à défaut pour la loi de fixer des critères objectifs pour apprécier le caractère dilatoire de la demande, ce qui entraîne des pratiques préfectorales différentes ;

en se bornant à assimiler son souhait de ne pas solliciter la qualité de réfugié en France à une volonté de faire échec à la mesure d'éloignement encourue en dépit du dépôt d'une demande d'asile, le préfet commet une erreur de droit au regard de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il fait état de risques de persécutions, qu'il a été enlevé et séquestré par des fondamentalistes, et que sa famille est également menacée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requête de M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. E... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 9 septembre 1992, est, selon ses déclarations, entré régulièrement en France le 12 janvier 2018. A la suite de son interpellation le 29 avril 2019, le préfet de l'Hérault, par arrêté du même jour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, en fixant le pays de renvoi, assortie d'une interdiction de retour d'une durée d'un an. Par décision du même jour, cette même autorité a placé l'intéressé en rétention administrative. Le 30 avril 2019, M. A... a déposé une demande d'asile en rétention, qui a été prolongée. Après que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2019 portant obligation de quitter le territoire français par un jugement du 3 mai 2019, M. A... a présenté le même jour des documents en vue de compléter sa demande d'asile. Par décision du 4 mai 2019, le préfet de l'Hérault a prononcé le maintien en rétention de l'intéressé. Alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 16 mai 2019, M. A... relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier du 27 mai 2019 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision de maintien en rétention administrative du préfet de l'Hérault en date du 4 mai 2019.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

2. M. A... ne saurait utilement contester par voie d'exception la légalité de la décision de l'OFPRA qui n'avait pas été rendue à la date de la décision attaquée du préfet de l'Hérault. En tout état de cause, il ne ressort pas du dossier que la circonstance que celui-ci n'a pas pris en compte un extrait du livret militaire de l'intéressé dont l'OFPRA aurait été rendu destinataire par la suite par télécopie du 7 mai 2019 entacherait sa décision d'un défaut d'examen réel et complet de la situation de M. A... et d'un vice de procédure.

3. Aux termes de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Lorsqu'un étranger placé en rétention en application de l'article L. 551-1 présente une demande d'asile, l'autorité administrative peut procéder pendant la rétention à la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande conformément à l'article L. 742-1 et, le cas échéant, à l'exécution d'office du transfert dans les conditions prévues à l'article L. 742-5. Si la France est l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande et si l'autorité administrative estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, elle peut prendre une décision de maintien en rétention de l'étranger pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celle-ci, dans l'attente de son départ. (...) La décision de maintien en rétention est écrite et motivée. A défaut d'une telle décision, il est immédiatement mis fin à la rétention et l'autorité administrative compétente délivre à l'intéressé l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1./ L'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de maintien en rétention dans les quarante-huit heures suivant sa notification pour contester les motifs retenus par l'autorité administrative pour estimer que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement (...)/ En cas d'annulation de la décision de maintien en rétention, il est immédiatement mis fin à la rétention et l'autorité administrative compétente délivre à l'intéressé l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1. (...) / A l'exception des cas mentionnés aux 4° et 5° de l'article L. 743-2, la mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution avant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ait rendu sa décision ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat désigné à cette fin ait statué. / La demande d'asile est examinée selon la procédure accélérée prévue à l'article L. 723-2. L'office statue dans les conditions prévues aux articles L. 723-2 à L. 723-16 dans un délai de quatre-vingt-seize heures. (...) ".

4. Hors le cas particulier où il a été placé en rétention en vue de l'exécution d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, prise en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il doit en principe être mis fin à la rétention administrative d'un étranger qui formule une demande d'asile. Toutefois, l'administration peut maintenir l'intéressé en rétention, par une décision écrite et motivée, dans le cas où elle estime que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre.

5. S'il incombe aux Etats membres, en vertu de la directive précitée du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, de définir en droit interne les motifs susceptibles de justifier le placement ou le maintien en rétention d'un demandeur d'asile, parmi ceux énumérés de manière exhaustive par celle-ci, aucune disposition de la directive n'impose que les critères objectifs, sur la base desquels est établie l'existence de motifs raisonnables de penser que la demande de protection internationale d'un étranger déjà placé en rétention a été présentée à seule fin de retarder ou d'empêcher l'exécution de la décision de retour, soient définis par la loi.

6. En tout état de cause, le moyen tiré de l'incompatibilité de la loi pour transposition incomplète de la directive en cause faute de détermination de critères objectifs pour apprécier le caractère dilatoire d'une demande d'asile en rétention n'est pas fondé. Il s'ensuit que l'arrêté ne méconnait pas le principe de sécurité juridique en l'absence d'une telle détermination ni, par voie de conséquence, celui d'égalité de traitement à raison de pratiques préfectorales différentes qui en résulteraient.

7. En l'espèce, il ne ressort pas de l'arrêté attaqué que l'administration se serait uniquement fondée, comme soutenu, sans prendre en compte les autres éléments du dossier, sur la circonstance que M. A... ne souhaitait pas déposer une demande d'asile en France pour conclure que le dépôt de sa demande d'asile était dilatoire. Le moyen tiré de l'erreur de droit ne saurait être accueilli.

8. Il ressort des motifs de l'arrêté attaqué que le maintien en rétention est fondé sur la circonstance que la demande d'asile aurait été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement. Il ressort des pièces du dossier que la France est l'Etat responsable de sa demande d'asile. Selon ses propres déclarations, M. A... serait entré en France en janvier 2018 en vue de participer à une compétition sportive. Auditionné le 29 avril 2019 à la suite d'un contrôle de police du même jour, M. A... a indiqué n'avoir entrepris aucune démarche visant à régulariser sa situation administrative en France, tout en précisant qu'il ne souhaitait pas demander l'asile dans cet Etat. Dans sa requête d'appel, il indique préférer solliciter l'asile en Allemagne pour s'assurer plus de chance de l'obtenir. Pour autant, alors qu'il était interrogé lors de son audition sur la perspective d'un retour dans son Etat d'origine, il n'a fait état d'aucune crainte pour sa vie ou son intégrité. Il n'a exprimé la volonté de bénéficier d'une protection internationale que le 30 avril 2019, après avoir été placé en rétention administrative. Dans ces conditions, bien que M. A... se prévale, au demeurant de manière peu circonstanciée, de risques de persécutions, de ce qu'il aurait été enlevé et séquestré par des fondamentalistes et que sa famille serait également menacée, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en regardant la demande d'asile de M. A... comme dilatoire.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté du 4 mai 2019. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il a présentées aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée dans les conditions de l'aide juridictionnelle au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, où siégeaient :

- M. E..., président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. B..., premier conseiller,

- Mme Gougot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

6

N° 19MA04153

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04153
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Julien JORDA
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : MOULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-17;19ma04153 ?
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