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17/07/2020 | FRANCE | N°19MA04139

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 17 juillet 2020, 19MA04139


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé l'Etat de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1900710 du 6 mai 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, e

nregistrée le 30 août 2019, Mme F..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... F... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé l'Etat de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1900710 du 6 mai 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 août 2019, Mme F..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé l'Etat de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " à compter de la notification du présent arrêt et, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ;

- l'administration ne justifie pas de la compétence de l'auteur de l'acte dans la mesure où la délégation de signature dont celui-ci dispose est trop générale ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- ce refus est entaché d'une erreur de droit quant à la base légale faute d'application de l'accord franco-gabonais du 24 février 2010 ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions de l'arrêté portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requête de Mme F... ne sont pas fondés.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- les accords franco-gabonais des 5 juillet 2007 et 24 février 2010 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. E... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., ressortissante gabonaise, relève appel du jugement du 6 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation des décisions de l'arrêté du préfet de l'Hérault en date du 29 novembre 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant l'Etat de destination de la mesure d'éloignement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si Mme F... soutient que les premiers juges n'ont pas suffisamment répondu au moyen tiré de la généralité de la délégation de signature dont disposerait l'auteur de l'acte, il ressort des écritures de première instance qu'il ne s'agissait que d'un argument, à l'appui du moyen tiré de l'incompétence de cet auteur, auquel les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre. Ce moyen doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, l'arrêté en litige du 29 novembre 2018 a été signé par M. B... D..., sous-préfet hors-classe, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, lequel a reçu délégation par un arrêté préfectoral n° 2018-I-618 du 8 juin 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, à l'effet de signer " tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault et notamment en ce qui concerne les affaires intéressant plusieurs services départementaux des administrations civiles de l'Etat, à l'exception, d'une part, des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la Nation pour le temps de guerre, d'autre part, de la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique (...). Cet arrêté précise ainsi que la délégation comprend, notamment, la signature de tous les actes administratifs et correspondances relatifs au séjour et à la police des étrangers. La circonstance que les dispositions du décret du 29 décembre 1962 ont été abrogées par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique est sans incidence sur la régularité de la délégation accordée à M. D... dès lors que la matière concernée, si elle est désormais régie par ce dernier décret, en demeure exclue. Cette délégation, qui n'est pas générale, habilitait dès lors M. D... à signer l'arrêté contesté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours avec fixation de l'Etat de destination. L'incompétence soulevée doit être écartée.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault, qui n'était pas tenu de mentionner tous les éléments portés à sa connaissance, n'aurait pas procédé à un examen particulier et complet de la situation de Mme F.... La circonstance qu'il ne se serait pas référé au pacte civil de solidarité que Mme F... a conclu avec M. H... le 13 septembre 2018, soit postérieurement à la décision attaquée, ou même à leur relation ou à son contrat de travail n'est pas significatif et reste sans incidence.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article premier de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République gabonaise relatif aux échanges de jeunes professionnels du 24 février 2010 : " Les deux Parties conviennent de développer entre elles des échanges de jeunes professionnels français ou gabonais, âgés de 18 à 35 ans, déjà engagés dans la vie active ou à la recherche d'une première expérience professionnelle, qui se rendent dans l'autre État pour améliorer leurs perspectives de carrière grâce à une expérience de travail salarié dans une entreprise qui exerce une activité de nature sanitaire, sociale, agricole, artisanale, industrielle, commerciale, libérale ou de service et approfondir leurs connaissances de la société d'accueil. / Ces jeunes professionnels sont autorisés à occuper un emploi sous couvert d'un contrat de travail conclu avec une entreprise sise sur le territoire de l'autre Partie, dans les conditions prévues par le présent Accord, sans que soit prise en considération la situation du marché du travail (...). ". Aux termes de l'article 2 de l'accord : " Les jeunes professionnels doivent être titulaires d'un diplôme correspondant à la qualification requise pour l'emploi offert ou posséder une expérience professionnelle dans le domaine d'activité concerné. / Les demandes formulées par les jeunes professionnels français ou gabonais pour bénéficier du présent Accord sont instruites dans les conditions prévues à l'annexe au présent Accord ". Selon l'article 3 : " La durée autorisée de travail varie de six à douze mois et peut faire l'objet d'une ou plusieurs prolongations dans la limite d'un total de 18 mois. / Les jeunes professionnels français et gabonais ne peuvent poursuivre leur séjour sur le territoire de l'État d'accueil à l'expiration de la période autorisée d'emploi. Chaque Partie contractante adopte toute mesure visant à assurer l'effectivité du retour du jeune professionnel dans son pays et en informe l'autre Partie. ". Selon l'article 4 de l'accord : " Pour faciliter leur formation et leur insertion dans leur milieu de travail, le nombre de jeunes professionnels français et gabonais admis de part et d'autre ne devra pas dépasser 100 par an (...) ". Aux termes de l'annexe de l'accord : " Les jeunes professionnels qui désirent bénéficier des dispositions du présent Accord doivent en faire la demande à l'organisme chargé dans leur État de centraliser et de présenter les demandes des jeunes professionnels. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que Mme F... a sollicité le 2 mars 2018 un changement de statut de son titre de séjour en qualité d'étudiante pour celui de salariée. Elle soutient qu'elle entrait dans le champ de l'accord franco-gabonais du 24 février 2010 relatif aux échanges de jeunes professionnels, qui déroge aux stipulations de l'accord du 5 juillet 2007 opposées par l'arrêté attaqué qui peuvent relever du droit commun des autorisations de travail. Toutefois, l'intéressée n'établit pas qu'elle aurait présenté une demande sur un tel fondement conformément aux stipulations précitées de l'annexe de l'accord. Contrairement à ce qu'elle soutient, une adéquation entre le diplôme et l'emploi est requise par les stipulations de l'article 2 précité. Ainsi, l'emploi envisagé, pour le titre de séjour " salarié ", d'assistante de service premier échelon proposé le 7 février 2018 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel par la société à responsabilité limitée " Stella ", spécialisée dans le nettoyage courant des bâtiments, ne requiert aucunement le diplôme de master de droit, économie, gestion mention " ressources humaines " que l'appelante a obtenu à l'université de Montpellier III au titre de l'année universitaire 2015-2016. Si Mme F... fait état d'une expérience en qualité d'agent de service en 2017, il ressort des pièces du dossier qu'elle se prévaut aussi de sa présence sur le territoire français depuis le 8 octobre 2013. Le moyen tiré de 1'erreur de droit au regard des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme F..., née le 9 juin 1989, est entrée en France de manière régulière le 8 octobre 2013. Elle établit s'y être maintenue depuis lors de manière régulière dans le cadre de titres renouvelés de séjour " étudiant ". Toutefois, si elle fait valoir l'ancienneté de sa relation avec un ressortissant de nationalité camerounaise, M. H..., à l'aide de nombreuses pièces le concernant avant tout, il ressort des pièces du dossier que celui-ci n'est plus en situation régulière, la légalité du refus de titre qui lui a été opposé ayant été définitivement confirmée par l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille n° 18MA04653 du 30 juin 2020. L'appelante ne justifie d'ailleurs pas qu'elle entretiendrait des relations étroites avec les membres de la famille supposée de son compagnon en France. Par ailleurs, la requérante ne démontre pas une insertion particulière en dépit d'une courte expérience professionnelle en 2017 et d'un contrat de travail en 2018 objet de la présente demande, à laquelle l'administration a notamment opposé la situation défavorable de l'emploi. Mme F... ne justifie ainsi pas suffisamment avoir durablement fixé sur le territoire français le centre de sa vie personnelle et familiale ni l'existence de motifs exceptionnels. Dans ces conditions, les moyens invoqués tirés de la méconnaissance par le refus de titre des dispositions de l'article L. 313 11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une atteinte disproportionnée portée par l'ensemble de décisions de l'arrêté à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de chacune des décisions de l'arrêté attaqué sur sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté du 29 novembre 2018. Par voie de conséquence, les conclusions qu'elle a présentées aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée dans les conditions de l'aide juridictionnelle au titre des frais exposés par Mme F... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... F..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, où siégeaient :

- M. E..., président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. A..., premier conseiller,

- Mme Gougot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

Le rapporteur,

Signé

J. A...Le président,

Signé

Ph. E...La greffière,

signé

P. RANVIER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

6

N° 19MA04139

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04139
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Julien JORDA
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-17;19ma04139 ?
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