Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... et M. F... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 12 juillet 2017 par laquelle le conseil municipal de Lorgues a approuvé la révision de son plan d'occupation des sols valant élaboration du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune et, à titre subsidiaire, en tant qu'elle a grevé d'un espace boisé classé (EBC) les parcelles cadastrées section H 1023 et H 1939 et institué un emplacement réservé sur les parcelles cadastrées section M n° 310, 311, 363 dont ils sont propriétaires.
Par un jugement n° 1702773 du 19 avril 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 juillet 2019, 25 mai 2020 et 10 juin 2020, MM. E... et F... B..., représentés par Me D..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 avril 2019 ;
2°) d'annuler la délibération du 12 juillet 2017 par laquelle le conseil municipal de Lorgues a approuvé le PLU et, à défaut, en tant qu'elle a grevé d'un EBC les parcelles cadastrées section H 1023 et H 1939 et institué un emplacement réservé sur les parcelles cadastrées section M n° 310, 311, 363 dont ils sont propriétaires ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Lorgues la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier pour défaut d'analyse des conclusions et mémoires, de visas des dispositions législatives ou réglementaires appliquées ainsi que de signature ;
- les dispositions des articles L. 2121-10 et L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues en l'absence de preuve de convocation nominative des conseillers municipaux à leur domicile dans les délais requis ;
- le dossier d'enquête publique est incomplet au regard des dispositions de l'article R. 153-8 du code de l'urbanisme faute de mentionner les avis du département du Var et de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ni les textes régissant l'enquête publique ;
- la procédure d'enquête publique est viciée en l'absence d'avis personnel et motivé du commissaire-enquêteur à l'égard notamment des observations du public et en présence d'un avis favorable sans réserve ;
- le classement de leurs parcelles section H 1339 et 1023 en EBC est entaché d'une erreur de droit dans la mesure où l'EBC doit s'apprécier à l'échelle des parcelles ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme ;
- l'emplacement réservé pour " réserves de voirie " qui grève leurs parcelles section M 310/ 311 et 363 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés le 19 février 2020 et le 4 juin 2020, la commune de Lorgues, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de MM. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête d'appel est tardive ;
- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. C... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me H..., substituant Me G..., représentant la commune de Lorgues.
Considérant ce qui suit :
1. MM. B..., qui sont propriétaires indivis de plusieurs parcelles sur le territoire de la commune de Lorgues, ont demandé l'annulation en tout ou partie de la délibération du 12 juillet 2017 par laquelle le conseil municipal a approuvé le PLU de cette commune. Par la présente requête, ils relèvent appel du jugement du 19 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande en totalité ou en tant que ce document grève d'un EBC leurs parcelles cadastrées section H 1023 et H 1939 et institue un emplacement réservé sur leurs parcelles cadastrées section M n° 310, 311, 363.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 7412 du code de justice administrative " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'un mémoire en défense se limitant à la réfutation des moyens présentés par le requérant peut être régulièrement visé et analysé par l'indication synthétique que ce mémoire fait valoir qu'aucun des moyens du requérant n'est fondé, comme en l'espèce. Par ailleurs, si les visas du jugement attaqué font mention sans davantage de précision du code de l'urbanisme, les motifs de ce jugement reproduisent le texte des dispositions pertinentes de ce même code dont le tribunal en l'occurrence a fait application. Le jugement satisfait ainsi aux dispositions précitées.
3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. MM. B... ne sont dès lors pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. Aux termes de l'article L. 212110 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable à la date de la délibération attaquée : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, sous quelque forme que ce soit, au domicile des conseillers municipaux, sauf s'ils font le choix d'une autre adresse. ". Aux termes de l'article L. 212112 du même code : " Dans les communes de 3.500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / (...) / Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs (...) ".
5. Un requérant qui soutient que les délais légaux d'envoi des convocations à un conseil municipal n'ont pas été respectés alors que, selon les mentions du registre des délibérations du conseil municipal, ces délais auraient été respectés doit apporter des éléments circonstanciés au soutien de son moyen. En l'absence de tels éléments, ses allégations ne sauraient conduire à remettre en cause les mentions factuelles précises du registre des délibérations qui, au demeurant, font foi jusqu'à preuve du contraire. Le registre des délibérations de la commune de Lorgues mentionne que les convocations à la séance du conseil municipal du 12 juillet 2017 ont été faites dès le 30 juin 2017. En se bornant à soutenir que la convocation n'aurait pas été adressée personnellement à chaque conseiller municipal sans apporter d'élément circonstancié pertinent à cet effet, les requérants n'apportent pas les précisions suffisantes permettant d'apprécier le bien-fondé du moyen tiré de ce que les conseillers municipaux n'auraient pas été dûment convoqués dans le délai prescrit par le code général des collectivités territoriales.
6. Aux termes de l'article R. 153-4 du code de l'urbanisme : " Les personnes consultées en application des articles L. 153-16 et L. 153-17 donnent un avis dans les limites de leurs compétences propres, au plus tard trois mois après transmission du projet de plan. / A défaut de réponse dans ce délai, ces avis sont réputés favorables. ". Aux termes de l'article R. 153-8 du même code : " Le dossier soumis à l'enquête publique est composé des pièces mentionnées à l'article R. 123-8 du code de l'environnement et comprend, en annexe, les différents avis recueillis dans le cadre de la procédure. (...) ". Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, le dossier soumis à l'enquête comporte : " (...) 3° La mention des textes qui régissent l'enquête publique en cause et l'indication de la façon dont cette enquête s'insère dans la procédure administrative du projet, plan ou programme considéré ainsi que la ou les décisions pouvant être adoptées au terme de l'enquête et les autorités compétentes pour prendre la décision d'autorisation ou d'approbation (...) ".
7. Si les appelants persistent à soutenir que le commissaire-enquêteur n'aurait " pas été informé " de la saisine pour avis du conseil départemental et du conseil régional dans la mesure où " le dossier d'enquête publique ne permettait pas de le confirmer ", l'information à ce propos ressort toutefois tant du rapport d'enquête du 23 mars 2017 que du rapport de synthèse. Par ailleurs, il ressort du rapport d'enquête du commissaire enquêteur que le dossier soumis à l'enquête publique comprenait, notamment, l'arrêté du maire de Lorgues du 11 janvier 2017 prescrivant l'enquête publique qui mentionne avec suffisamment de précision à l'examen des extraits joints les textes qui la régissent ainsi que la façon dont cette enquête s'insère dans la procédure administrative. Le moyen manque donc en fait en ses deux branches.
8. Les appelants font encore valoir que l'avis rendu par le commissaire enquêteur ne serait pas suffisamment motivé ni personnel et que les observations du public auraient dû conduire à la formulation de réserves voire à un sens défavorable, sans assortir ce moyen d'aucun élément de fait ou de droit nouveau. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Toulon respectivement aux points 11 à 14 du jugement attaqué, d'écarter ce moyen, étant rappelé que les consorts B... ont formulé des observations regroupées sous le numéro 101 auxquelles le commissaire-enquêteur a répondu de manière défavorable.
En ce qui concerne la légalité interne :
9. S'agissant de l'EBC, aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements. ".
10. MM. B... soutiennent que les deux parcelles cadastrées section H 1023 et H 1939 ne peuvent être grevées d'une servitude d'espace boisé classé. Toutefois, il ressort à l'inverse des pièces et photographies versées au débat qu'elles sont situées à environ 2 kilomètres à l'Ouest du bourg de Lorgues, dans une zone d'habitat diffus. Elles sont boisées, ne sont pas bâties, et présentent un caractère végétal et naturel. Longeant en leur sud la route départementale reliant Lorgues à Carcès, elles constituent la partie nord d'un vaste espace naturel boisé, très peu bâti, hormis quelques constructions se situant le long de cette voie. La parcelle H 1939, qui est vaste, est recouverte d'un boisement relativement dense et jouxte à l'est l'autre parcelle H 1023, de taille réduite. Les circonstances que ces parcelles soient aussi bordées de quelques constructions individuelles notamment au nord dans le hameau de Saint-Jaume, qu'elles ne présentent prétendument aucun caractère pittoresque ou qu'un permis de construire ait été autorisé sur l'espace naturel confrontant ces terrains en vue d'y construire une déchetterie ne font pas obstacle au classement de ces parcelles en EBC. Le fait que le rapport de présentation ne mentionne pas un tel classement est sans incidence sur sa légalité dans la mesure où ce rapport n'a pas à justifier des motifs de classement de chaque parcelle et qu'il traite des EBC. L'argument selon lequel ce classement aggraverait le risque incendie n'est pas suffisamment étayé. Ainsi, les moyens tirés de ce que l'EBC grevant ces parcelles serait entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ne sont pas fondés.
11. S'agissant de l'emplacement réservé, l'intention d'une commune de réaliser un aménagement sur une parcelle suffit à justifier légalement son classement en tant qu'emplacement réservé en application de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme sans qu'il soit besoin pour la commune de faire état d'un projet précisément défini. Le juge vérifie que le choix de la commune de classer une parcelle en emplacement réservé n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et qu'il répond à un motif d'intérêt général.
12. MM. B... persistent à soutenir que la réserve de voirie en cause instituée en vue de la création d'un parking est inutile alors qu'il en existe déjà un en contiguïté sur les parcelles M n° 1713, 1891 et 1893 et un autre à proximité sur la parcelle 1814. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section M n° 310, 311 et 363, situées au lieudit " Les jardins ", le long de l'avenue Allongue, sont situées à l'entrée du centre-ville de Lorgues et que l'aménagement projeté vise à faciliter le stationnement face à l'engorgement du centre-ville lors des différentes festivités ou manifestations de la commune. Ces parcelles se situent certes dans le prolongement d'un parking existant destiné à l'office du tourisme et à proximité d'un autre attenant à une école. Il ressort cependant des photographies et de l'attestation du chef de la police municipale que la capacité des emplacements des parkings existants est saturée les jours de marchés, de brocantes et de manifestations sportives et culturelles ainsi qu'en période scolaire aux heures de rentrée et de sortie des établissements primaire et secondaire. L'intérêt général du choix de cet emplacement est ainsi avéré. En tout état de cause, la circonstance qu'un classement en zone urbaine eût été préférable en vue de réaliser des logements sociaux manquants relève de l'opportunité du choix des auteurs du PLU qu'il n'appartient pas au juge de contrôler. Dans ces conditions, les requérants n'établissent pas d'erreur manifeste d'appréciation.
13. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, que MM. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leurs demandes.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lorgues, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que lui demande les appelants au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de MM. B... pris ensemble la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Lorgues et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de MM. B... est rejetée.
Article 2 : MM. B... pris ensemble verseront la somme de 1 500 euros à la commune de Lorgues au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à MM. E... et F... B... et à la commune de Lorgues.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, où siégeaient :
- M. C... président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme Gougot, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.
N° 19MA003051
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