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17/07/2020 | FRANCE | N°19MA01041

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 17 juillet 2020, 19MA01041


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2015 par lequel le maire de la commune d'Allos lui a refusé un permis d'aménager, et de condamner la commune d'Allos à lui verser la somme de 10 000 euros pour " non sincérité et mensonge dans les arguments exposés devant le tribunal " et 56 430 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de la faute commise par la commune.

Par un jugement n° 1505112 du 10 janvier 2019, le tribunal a

dministratif de Marseille a annulé l'arrêté du 28 janvier 2015 et rejeté les con...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2015 par lequel le maire de la commune d'Allos lui a refusé un permis d'aménager, et de condamner la commune d'Allos à lui verser la somme de 10 000 euros pour " non sincérité et mensonge dans les arguments exposés devant le tribunal " et 56 430 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de la faute commise par la commune.

Par un jugement n° 1505112 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 28 janvier 2015 et rejeté les conclusions indemnitaires de M. D... en raison de leur irrecevabilité.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mars 2019, et des mémoires enregistrés les 8 mars, 30 mars, 2 décembre 2019 et 15 janvier 2020, la commune d'Allos, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 janvier 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de rejeter la demande de M. D... ;

3°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire était fondé à refuser le permis d'aménager en application de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ;

- l'article AU2 alors applicable du plan local d'urbanisme de la commune d'Allos relatif aux zones AUd et AUda subordonnait la constructibilité des terrains à leur desserte par les équipements publics et les terrains d'assiette du projet ne pouvaient être desservis par les équipements publics sans extension des réseaux ;

- la commune demande une substitution de motifs fondée sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en raison de l'absence de dispositif de lutte contre l'incendie à proximité du projet;

- la capacité insuffisante de la station d'épuration justifiait le refus de permis d'aménager sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en l'absence de réclamation préalable ;

- M. D... ne justifie pas d'un préjudice direct et certain.

Par des mémoires enregistrés les 30 juillet, 13 septembre, 30 décembre 2019 et 29 janvier 2020, M. B... D..., représenté par la SCP d'avocats Berenger-Blanc-Burtez- Doucede et Associés, demande à la Cour de rejeter la requête de la commune d'Allos, d'enjoindre à la commune d'Allos de lui délivrer un permis d'aménager dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et, par la voie de l'appel incident, de condamner la commune d'Allos à lui verser la somme de 97 575 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts de droit et capitalisation à compter de la demande préalable, et de mettre à la charge de la commune d'Allos la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande indemnitaire est recevable car le requérant justifie avoir adressé une réclamation préalable à la commune ;

- il justifie de son préjudice ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une lettre du 25 juin 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident aux fins d'indemnisation formées par M. D... car elles relèvent d'un litige distinct de l'appel principal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. C... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant le requérant, et de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2015 par lequel le maire de la commune d'Allos lui a refusé un permis d'aménager pour la réalisation de 11 chalets sur des parcelles cadastrées section D n° 1189 et 1190 au lieu-dit Le Villard et de condamner la commune d'Allos à lui verser la somme de 10 000 euros pour " non sincérité et mensonge dans les arguments exposés devant le tribunal " et 56 430 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi en raison de la faute commise selon lui par la commune. Par un jugement du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 28 janvier 2015 et rejeté les conclusions indemnitaires de M. D... en raison de leur irrecevabilité. La commune d'Allos relève appel de ce jugement. M. D... demande à la Cour d'enjoindre à la commune d'Allos de lui délivrer un permis d'aménager et forme un appel incident en ce que ce jugement a rejeté ses conclusions indemnitaires.

Sur la légalité de l'arrêté du 28 janvier 2015 portant refus de permis d'aménager :

2. Aux termes de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés ". Il résulte de ces dispositions qu'un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, lorsque l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.

3. Il ressort de l'arrêté en litige que le maire de la commune d'Allos a refusé le permis d'aménager d'une part au motif que le terrain n'est pas desservi par les réseaux publics, que des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics sont nécessaires pour assurer la desserte du projet et que la commune n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, et d'autre part qu'en l'absence de possibilité de raccordement des constructions du lotissement au réseau public d'assainissement, la mise oeuvre de ce lotissement constitue un risque pour la salubrité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

4. Il ressort des pièces du dossier que la société Lyonnaise des Eaux a rendu un avis le 6 janvier 2015 dans lequel elle indique que le futur lotissement pourra être desservi par un réseau de distribution d'eau potable en acier 60 mm, que le réseau d'assainissement est à environ 65 mètres de l'entrée du lotissement et que le raccordement du lotissement est possible. La compagnie Lyonnaise des Eaux s'est prononcée sur la base d'un projet de raccordement de onze lots et a donc pris en compte la capacité des réseaux existants. Certes, le préfet des Alpes-de-Haute Provence a adressé le 19 novembre 2014 au maire de la commune d'Allos une mise en demeure de réaliser des travaux pour la mise aux normes de la station d'épuration pour une mise en service au plus tard en décembre 2016. Toutefois, le préfet n'a pas interdit toute nouvelle délivrance de permis de construire en attendant la mise aux normes de la station d'épuration. Cet arrêté de mise en demeure n'est pas dès lors de nature à établir que la capacité du réseau d'assainissement était insuffisante pour permettre la desserte de onze nouvelles constructions à la date de la décision en litige. Les avis rendus le 29 novembre 2019 par la société Véolia Eau, responsable du service réseau, qui indiquent que la desserte eau potable et assainissement ne pourra être assurée que par une extension du réseau public d'assainissement et de distribution d'eau potable, pas plus que l'avis du directeur des services techniques de la commune, ne sont de nature à remettre en cause la pertinence de l'avis précis émis le 6 janvier 2015 par la société Lyonnaise des Eau. Si la société Véolia soutient que le raccordement du terrain au réseau d'assainissement nécessite la création d'un poste de relevage, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette exigence n'aurait pas pu donner lieu à une prescription lors de la délivrance d'un permis d'aménager, alors qu'il ressort des photographies produites par M. D..., et non utilement remises en cause par la commune d'Allos, que le terrain est situé à moins de 100 mètres du réseau d'assainissement. Il ressort de ces éléments, ainsi que l'a jugé le tribunal, que le maire de la commune d'Allos ne pouvait se fonder ni sur l'insuffisante desserte par les réseaux d'équipement public ni sur le risque pour la salubrité publique pour refuser le permis d'aménager.

5. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

6. La commune d'Allos soutient devant la Cour qu'en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le refus de permis d'aménager est légalement justifié par le motif tiré de l'insuffisante desserte du terrain d'assiette du lotissement par les dispositifs de lutte contre l'incendie. Toutefois, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce terrain, qui n'est pas boisé et est situé à une centaine de mètres du hameau du Villard, est exposé à un risque d'incendie. D'autre part, et en tout état de cause, il ressort des photographies produites par M. D... qu'une bouche d'incendie existe à moins de 100 mètres du terrain. Ce motif n'était donc pas de nature à justifier légalement le refus de permis d'aménager.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Allos n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé l'arrêté portant refus de permis d'aménager.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

9. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation d'urbanisme après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date de la décision juridictionnelle y fait obstacle.

10. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de permis d'aménager pouvait être refusé pour un motif autre que ceux relevés par la commune d'Allos. D'autre part, il ressort du site du ministère de la transition écologique et solidaire, et il n'est pas utilement contesté par la commune d'Allos, que la station d'épuration d'Allos respecte désormais la règlementation applicable,

11. Il y a lieu dans ces conditions d'enjoindre au maire de la commune d'Allos de délivrer un permis d'aménager à M. D... dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sans que cette injonction doive être assortie du prononcé d'une astreinte.

Sur l'appel incident aux fins d'indemnisation formé par M. D... :

12. M. D... n'a pas relevé appel dans le délai qui lui était imparti du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins d'indemnisations. Ses conclusions d'appel incident relèvent dès lors d'un litige distinct de celui objet de l'appel principal et sont par suite irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie essentiellement perdante, la somme que demande la commune d'Allos sur le fondement de ces dispositions. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Allos la somme de 2 000 euros à verser à M. D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune d'Allos est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune d'Allos de délivrer à M. D... un permis d'aménager dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident de M. D... aux fins d'indemnisation sont rejetées.

Article 4 : La commune d'Allos versera à M. D... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à la commune d'Allos.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, où siégeaient :

- M. C..., président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,

- M. Jorda, premier conseiller,

- Mme Gougot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.

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N°19MA01041

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01041
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-02-04-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Lotissements. Autorisation de lotir.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : VICQUENAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-17;19ma01041 ?
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