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15/07/2020 | FRANCE | N°19MA03392

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 15 juillet 2020, 19MA03392


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 août 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son égard une interdiction de retour de deux ans.

Par un jugement n° 1900204 du 27 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juillet et le 4 décembre 2019, M. A... E.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 août 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son égard une interdiction de retour de deux ans.

Par un jugement n° 1900204 du 27 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 juillet et le 4 décembre 2019, M. A... E..., représenté par Me C...-F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 mai 2019 ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 août 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation et de lui octroyer un titre de séjour dans un délai d'un mois, sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant interdiction de retour ;

Sur la décision portant refus de séjour :

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le délai de départ à trente jours :

- la décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.

Sur la décision portant interdiction de retour :

- la décision est entachée d'un défaut de motivation ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il a tenté de régulariser sa situation à plusieurs reprises, qu'il ne constitue aucune menace à l'ordre public et que le centre de ses intérêts est désormais en France.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 décembre 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

La demande d'aide juridictionnelle de M. A... E... a été rejetée par une décision du 12 juillet 2019.

Par une ordonnance du 5 février 2020, le premier vice-président de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté le recours de M. A... E... dirigé contre la décision du 12 juillet 2019.

La présidente de la Cour a désigné, par décision du 16 janvier 2020, Mme B..., présidente assesseure, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 9ème chambre, en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- et les observations de Me C... F... pour M. A... E....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E..., ressortissant tunisien, relève appel du jugement du 27 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 août 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination, et portant interdiction de retour pour une durée de deux ans.

Sur la régularité du jugement :

2. A l'appui de sa demande devant le tribunal administratif de Marseille, M. A... E... a demandé l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 août 2018 en tant qu'il prononce une interdiction de retour pour une durée de deux ans et invoqué des moyens à l'appui de ses conclusions. Les premiers juges ayant omis de se prononcer sur ces conclusions. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions.

3. Il y a lieu d'évoquer dans cette mesure et, par là, de statuer en qualité de juge de première instance sur les conclusions présentées par M. A... E... devant ce tribunal, dirigées contre l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 août 2018 en tant qu'il prononce une interdiction de retour pour une durée de deux ans.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

5. Il ne ressort pas des pièces versées au dossier, constituées essentiellement de documents médicaux, de factures et de relevés de compte, de quelques bulletins de salaire et d'attestations, que M. A... E... résiderait de manière habituelle sur le territoire français depuis l'année 2010, tout au plus une présence ponctuelle sur le territoire français à compter de l'année 2013. Par ailleurs, s'il est constant que M. A... E... est marié à une compatriote depuis le 27 novembre 2012 et que le couple avait deux jeunes enfants à la date de l'arrêté contesté, il ressort également de ces pièces que son épouse est elle-même en situation irrégulière, sa demande d'admission au séjour ayant été refusée par un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 août 2018, qui porte également obligation de quitter le territoire. Le droit au respect de mener une vie privée et familiale ne peut s'interpréter comme comportant pour l'Etat l'obligation générale de respecter le choix fait par les couples de ressortissants étrangers, de leur résidence commune sur le territoire français. Aucun élément ne fait obstacle à ce que la vie privée et familiale du requérant se poursuive dans son pays d'origine, pays dont son épouse et ses enfants sont également ressortissants. En outre, M. A... E... n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 33 ans. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

En ce qui concerne le délai de départ volontaire fixé à trente jours :

7. Il résulte du point 5 du présent arrêt que la décision portant refus de titre de séjour n'est pas illégale. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. Il ressort des termes mêmes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

9. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

10. Il résulte des mentions de l'arrêté que le préfet des Bouches-du-Rhône a rappelé les déclarations de M. A... E... sur sa résidence en France depuis l'année 2010 sans toutefois l'établir. Par ailleurs, il s'est fondé sur les motifs tirés de ce que ce dernier ne disposait pas de fortes attaches familiales en France et qu'il avait fait l'objet, à deux reprises, précédemment, de mesures d'éloignement assorties de décisions portant interdictions de retour. Dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône a suffisamment motivé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

11. Ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A... E... n'établit pas résider habituellement en France depuis 2013. Il s'est en outre soustrait à l'exécution de précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre le 24 juin 2013 et le 21 mars 2016, la légalité de cette dernière ayant été confirmée par le tribunal administratif de Bordeaux par un jugement du 4 juillet 2016, devenu définitif. Ainsi, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas fait une inexacte application des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en interdisant le retour à l'intéressé pour une durée de deux ans. Il n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... E... n'est pas fondé à soutenir que c'est tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 août 2018 en tant qu'il porte refus de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. En outre, il n'est pas fondé à demander l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui a interdit un retour sur le territoire français pendant deux ans. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une quelconque somme à M. A... E... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 mai 2019 en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions présentées par M. A... E..., dirigées contre l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 août 2018 en ce qu'il prononce une interdiction de retour pour une durée de deux ans est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... E... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 août 2018 en ce qu'il prononce une interdiction de retour devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de A... E... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... A... E..., à Me I... C...-F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au Préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2020 où siégeaient :

- Mme B..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,

- Mme G..., première conseillère,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 juillet 2020.

4

N° 19MA03392


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03392
Date de la décision : 15/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : YAHIA-BERROUIGUET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-15;19ma03392 ?
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