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15/07/2020 | FRANCE | N°18MA05124-18MA05326

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 15 juillet 2020, 18MA05124-18MA05326


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet du Gard a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 9 juin 2017 par lequel le maire d'Avèze a délivré un permis de construire à la SCI La Pinède.

Par un jugement n° 1703361 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête enregistrée le 5 décembre 2018, la SCI La Pinède, représentée par la SELARL A... Massol, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement

du tribunal administratif de Nîmes du 16 octobre 2018 ;

2°) de mettre à la charge du préfet du Gard la somm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet du Gard a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 9 juin 2017 par lequel le maire d'Avèze a délivré un permis de construire à la SCI La Pinède.

Par un jugement n° 1703361 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête enregistrée le 5 décembre 2018, la SCI La Pinède, représentée par la SELARL A... Massol, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 octobre 2018 ;

2°) de mettre à la charge du préfet du Gard la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier faute d'être signé ;

- la fin de non-recevoir présentée sur le fondement de l'article R 600-1 du code de l'urbanisme était fondée ;

- le projet ne méconnait pas l'article L 111-15 du code de l'urbanisme ;

- le projet ne méconnait pas les prescriptions du plan de prévention du risque inondation ;

- le maire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

La procédure a été régulièrement communiquée au préfet du Gard qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II°) Par une requête enregistrée le 17 décembre 2018, la commune d'Avèze, représentée par la SCP CGCB et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 16 octobre 2018 ;

2°) de rejeter le déféré du préfet du Gard présenté devant le tribunal administratif de Nîmes ;

3°) de mettre à la charge du préfet du Gard la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a méconnu les dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative ;

- la fin de non-recevoir présentée sur le fondement de l'article R 600-1 du code de l'urbanisme était fondée ;

- le projet ne méconnait pas l'article L 111-15 du code de l'urbanisme ;

- le projet ne méconnait pas les prescriptions du plan de prévention du risque inondation ;

- le maire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

La procédure a été régulièrement communiquée au préfet du Gard qui n'a pas produit de mémoire en défense.

La présidente de la Cour a désigné par décision du 16 janvier 2020, Mme B..., présidente assesseure, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 9ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Baizet, premier conseiller,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour la SCI La Pinède et de Me C... pour la commune d'Avèze.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI La Pinède et la commune d'Avèze relèvent appel du jugement du 16 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé, à la demande du préfet du Gard, l'arrêté du 9 juin 2017 par lequel le maire d'Avèze a délivré un permis de construire à la SCI La Pinède.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 18MA5124 et 18MA05326 présentées pour la SCI La Pinède et la commune d'Avèze présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions des dispositions précitées. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la société ne comporte pas de signature est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que le mémoire en réplique de la commune d'Avèze produit devant le tribunal administratif de Nîmes le 13 septembre 2018 n'a pas été communiqué au préfet du Gard. Toutefois la circonstance que ce mémoire n'a pas été communiqué au préfet au cours de l'instance n'affecte pas le respect du caractère contradictoire de la procédure à l'égard de la commune et ne saurait, dès lors, être utilement invoquée par elle. Au surplus, il ne ressort pas de ce mémoire et des pièces jointes annexées que ceux-ci comportaient des éléments qui auraient été de nature à inverser la solution retenue par les premiers juges. La commune n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Nîmes serait irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposé en première instance :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme : " En cas de [...] recours contentieux à [...] d'un permis de construire, [...] l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d'aménager ou de démolir. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. ". La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. La production du certificat de dépôt de la lettre recommandée suffit à justifier de l'accomplissement de la formalité de notification d'une copie du recours contentieux prescrite à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme lorsqu'il n'est pas soutenu devant le juge qu'elle aurait eu un contenu insuffisant au regard de l'obligation d'information qui pèse sur l'auteur du recours. Lorsque le destinataire de cette notification soutient que la notification qui lui a été adressée était incomplète, il lui incombe d'établir cette allégation en faisant état des diligences qu'il aurait vainement accomplies auprès de l'expéditeur pour obtenir cette copie complète ou par tout autre moyen.

6. Il ressort des pièces du dossier que le préfet a notifié son déféré à la SCI La Pinède et à la commune d'Avèze par lettres recommandées avec accusé réception du 3 novembre 2017, réceptionnées le 7 novembre suivant, soit dans le délai de quinze jours suivant le dépôt du déféré enregistré au greffe du tribunal administratif de Nîmes le 3 novembre 2017. D'une part, aucune disposition n'interdit à un requérant de régulariser sa requête en établissant avoir respecté les formalités de notification préalable du recours tant que le juge n'a pas statué, dès lors que cette irrecevabilité reste susceptible d'être couverte en cours d'instance. D'autre part, rien n'interdisait non plus au préfet du Gard de notifier, par une même lettre, son déféré et son déféré suspension. Enfin, si la société soutenait première instance que " rien ne prouve que le recours en annulation ait été notifié ", elle n'établit pas ni même n'allègue avoir vainement entrepris des diligences auprès du préfet afin d'obtenir une copie complète de la notification du recours en annulation. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a écarté la fin de non-recevoir opposée en première instance.

En ce qui concerne le motif d'annulation :

7. Aux termes de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l'identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement. ". Aux termes de l'article R. 111-2 du même code : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

8. D'une part, il résulte tant des termes de l'article L. 111-3 que des travaux parlementaires qui ont présidé à son adoption que le législateur, dans un souci d'équité et de sécurité juridique, a entendu reconnaître au propriétaire d'un bâtiment détruit par un sinistre le droit de procéder à la reconstruction à l'identique de celui-ci dès lors qu'il avait été régulièrement édifié, ce qui est notamment le cas lorsqu'il avait été autorisé par un permis de construire. Il ressort toutefois du texte lui-même que ce droit n'a pas un caractère absolu dès lors que tant le plan local d'urbanisme, une carte communale qu'un plan de prévention des risques naturels prévisibles peuvent y faire échec par des dispositions spéciales relatives à la reconstruction. De même, le législateur n'a pas entendu donner le droit de reconstruire un bâtiment dont les occupants seraient exposés à un risque certain et prévisible de nature à mettre gravement en danger leur sécurité. Dans une telle hypothèse, il y a lieu, pour l'autorité compétente et dans les limites qui viennent d'être définies, de refuser le permis de construire ou de l'assortir, si cela suffit à parer au risque, de prescriptions adéquates, sur le fondement de l'article R 111-2 du code de l'urbanisme qui constitue une base juridique appropriée.

9. D'autre part, les risques d'atteinte à la sécurité publique visés par les dispositions de l'article R. 111-2 précité sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

10. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de reconstruction du magasin de bricolage détruit par un incendie est situé à proximité immédiate de la rivière Coudoulous et en zone R1 U2 du plan de prévention du risque inondation " Are inférieure " approuvé le 23 juin 1998 où le risque est élevé. Le plancher du projet, ainsi que le terrain d'assiette, sont situés en dessous des côtes des crues centennales et exceptionnelles définies par ce plan. Si la commune et la société pétitionnaire soutiennent que les cotes définies par le plan de prévention seraient erronées, elles n'apportent aucun élément probant de nature à remettre en cause les études réalisées lors de l'élaboration du plan de prévention ayant permis de classer le terrain d'assiette en zone d'aléa élevé. Par ailleurs elles n'établissent pas que ce plan serait devenu obsolète. En outre, la circonstance relevée par quelques voisins et par l'assureur de la société que le terrain n'aurait jamais été inondé n'est, à la supposer établie, pas de nature à remettre en cause l'existence du risque. Or, le projet de reconstruction d'un magasin de bricolage accueillant du public et du personnel est susceptible d'augmenter la population exposée aux risques. En outre, aucun aménagement spécifique n'est prévu sur le projet, et il n'est pas établi qu'il existerait une " digue " permettant de faire face à ce risque. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Nîmes a considéré que le maire avait commis une erreur manifeste d'appréciation en délivrant le permis en litige.

11. Il résulte de ce qui précède que la SCI La Pinède et la commune d'Avèze ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, le tribunal administratif de Nîmes a annulé le permis en litige.

Sur les frais liés au litige :

12. Le préfet du Gard n'étant pas partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions de la SCI La Pinède et de la commune d'Avèze présentées sur le fondement des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la SCI La Pinède et de la commune d'Avèze sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI La Pinède, à la commune d'Avèze et au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2020 où siégeaient :

- Mme B..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Lopa-Dufrénot, premier conseiller,

- Mme Baizet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juillet 2020.

6

N° 18MA05124 - 18MA05326


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05124-18MA05326
Date de la décision : 15/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL CABINET AUBY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-15;18ma05124.18ma05326 ?
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