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15/07/2020 | FRANCE | N°18MA04825

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 15 juillet 2020, 18MA04825


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2018 par lequel le préfet de Vaucluse lui a retiré sa carte de résident de dix ans et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par le jugement n° 1802439 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 novembre 2018 et par un mémoire enr

egistré le 18 novembre 2019, M. E..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2018 par lequel le préfet de Vaucluse lui a retiré sa carte de résident de dix ans et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par le jugement n° 1802439 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 novembre 2018 et par un mémoire enregistré le 18 novembre 2019, M. E..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 octobre 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2018 du préfet de Vaucluse ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige n'a pas été précédée du respect de la procédure contradictoire préalable exigée par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration.

Sur la décision de retrait :

- l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité par le jugement attaqué est inapplicable en l'espèce ;

- le retrait de sa carte de résident ne peut pas légalement se fonder sur l'article L. 314-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- par la voie de l'exception, cette mesure d'éloignement est dépourvue de base légale ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 3 octobre 2019, le préfet de Vaucluse conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La présidente de la Cour a désigné le 16 janvier 2020, Mme A..., présidente assesseure, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 9ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., de nationalité camerounaise, a épousé en France le 20 décembre 2014 une ressortissante française. Après mise à exécution d'une mesure d'éloignement du préfet de Vaucluse du 18 mai 2015, il est revenu en France le 1er janvier 2016 sous couvert d'un visa de long séjour valant titre de séjour portant mention "conjoint de Français" et a bénéficié, sur le fondement de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une carte de résident valable du 25 décembre 2017 au 24 décembre 2027. Par la décision en litige du 6 juillet 2018, le préfet de Vaucluse a retiré, sur le fondement des articles L. 314-5-1 et R. 311-15 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette carte de résident et a assorti ce retrait d'une obligation de quitter le territoire. Le tribunal administratif de Nîmes, par le jugement dont le requérant relève appel, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". L'article L. 122-1 de ce code dispose que : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-1 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que par courrier du 19 avril 2018, le préfet de Vaucluse a informé M. E... qu'il envisageait de procéder, en application de l'article L. 314-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au retrait de la carte de résident dont il bénéficiait au motif que la communauté de vie avait cessé avec son épouse et l'a invité à présenter ses observations. Le requérant a d'ailleurs répondu par lettre du 24 avril 2018 à ce courrier du préfet en affirmant que son épouse et lui avaient "repris leur vie conjugale". Par suite, le préfet, qui n'était tenu dans son courrier du 19 avril 2018, ni de proposer au requérant de demander la communication de son dossier, ni d'y joindre les pièces sur lesquelles l'administration envisageait de se fonder pour prendre la décision de retrait, n'a pas méconnu la procédure contradictoire préalable prévue par l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration.

En ce qui concerne le retrait de sa carte de résident :

4. Les premiers juges, qui ont visé dans le point 2 du jugement attaqué, l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ont examiné la légalité de la décision de retrait en litige en tenant compte de la nationalité française de son épouse, ont commis une simple erreur matérielle en affirmant, dans le point 3 de ce jugement, que le préfet n'avait pas méconnu l'article L. 431-2 du ce code inapplicable en l'espèce.

5. Aux termes du 3°de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de résident est délivrée de plein droit (...)A l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition qu'il séjourne régulièrement en France, que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ".(...).". Aux termes de l'article R. 311-15 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " I.- Le titre de séjour peut être retiré : 6° Si l'étranger titulaire d'une carte de résident sur le fondement du 3° de l'article L. 314-9 a mis fin à sa vie commune avec un ressortissant de nationalité française dans les quatre années qui suivent la célébration du mariage, sauf dans les cas mentionnés à l'article L. 314-5-1. ". Aux termes de l'article L. 314-5-1 du même code : " Le retrait, motivé par la rupture de la vie commune, de la carte de résident délivrée sur le fondement du 3° de l'article L. 314-9 ne peut intervenir que dans la limite de quatre années à compter de la célébration du mariage, sauf si un ou des enfants sont nés de cette union et à la condition que l'étranger titulaire de la carte de résident établisse contribuer effectivement, depuis la naissance, à l'entretien et à l'éducation du ou des enfants dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil. ".

6. Il ressort des pièces du dossier qu'entre janvier et juillet 2018, l'épouse du requérant a adressé une dizaine de courriers au préfet de Vaucluse faisant état de la rupture de la vie commune, ainsi que trois déclarations en ce sens devant les services de gendarmerie et qu'elle a engagé en mars 2018 une procédure de divorce. Si le requérant soutient qu'à la date de la décision en litige du 6 juillet 2018, une fois la crise de leur couple terminée, la communauté de vie aurait repris entre les époux, les pièces qu'il produit, et notamment les attestations de son entourage, sur la teneur desquelles ces témoins sont d'ailleurs ultérieurement revenus, ainsi que le désistement en août 2018 de son épouse de la procédure de divorce en cours, sont toutes postérieures à la date de la décision en litige et ne peuvent ainsi établir qu'à la date de la décision en litige, les époux partageaient une communauté de vie au sens du 6° de l'article R. 311-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet a pu légalement se fonder sur l'article L. 314-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour retirer à M. E... sa carte de résident.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision de retrait de sa carte de résident.

8. En second lieu , aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

9. Le requérant est entré en France pour la dernière fois en 2016. Ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, la communauté de vie avec son épouse n'est pas établie. Le couple n'a pas d'enfants. Le requérant n'établit pas, alors que la preuve lui en incombe, être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu, selon ses dires, jusqu'à l'âge de 32 ans et où résident ses parents. Dans ces conditions, le requérant n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, la mesure d'éloignement en litige ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2020, où siégeaient :

- Mme A..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,

- Mme D..., première conseillère,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 juillet 2020.

5

N° 18MA04825


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04825
Date de la décision : 15/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : MANGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-15;18ma04825 ?
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