Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Société par Actions Simplifiées (SAS) Del Mar Village a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2016 par lequel le maire d'Argelès-sur-Mer a refusé de lui délivrer un permis de construire aux fins d'édifier sur le camping Del Mar une buanderie et une salle de repos du personnel sur les parcelles cadastrées section AN n° 116, 180, 188p, 226, 227 et section AT n° 205, 206, 326, 327 et 57, ensemble la décision du maire du 18 janvier 2017 rejetant son recours gracieux tendant au retrait de cet arrêté.
Par le jugement n° 1701324 du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 septembre 2018, la société Del Mar Village, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 juillet 2018 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2016 du maire d'Argelès-sur-Mer, ensemble la décision du maire du 18 janvier 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Argelès-sur-Mer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- le maire avait compétence liée pour délivrer le permis sollicité, sous réserve de prescriptions éventuelles quant à la réalisation de dispositifs refuge, au regard des deux avis favorables délivrés pendant l'instruction de sa demande ;
- l'arrêté en litige a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'il se fonde sur deux avis défavorables qui ne lui ont pas été communiqués pendant l'instruction de sa demande, en méconnaissance de l'ordonnance n° 2014-1328 du 6 novembre 2014 ;
- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commune n'a pas réalisé en méconnaissance des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, les démarches nécessaires pour mettre en place le cahier des prescriptions de sécurité prévu par le décret n° 94-614 du 13 juillet 1994 ;
- le premier motif de la décision en litige tiré de la méconnaissance de l'article 2.4 du règlement du plan de prévention des risques d'inondation d'Argelès-sur-Mer n'est pas fondé, dès lors que la réalisation du projet s'accompagne de la création d'un "dispositif refuge" et que le camping possède déjà plusieurs zones refuges répondant aux exigences de l'article 2.4 de ce règlement ;
- le maire ne pouvait pas refuser le permis de construire en litige pour ce motif sans respecter le délai de six mois qu'il avait accordé à la société pour mettre en oeuvre les prescriptions de sécurité demandée par la commission départementale de sécurité ;
- le second motif de la décision en litige tiré de la méconnaissance de l'alinéa 3 de l'article 3.1 du plan de prévention des risques n'est pas fondé non plus, dès lors que les équipements projetés doivent être regardés comme des équipements permettant de pérenniser l'activité commerciale existante du camping au sens de cet alinéa 3 et que le projet devait se situer à une cote d'au moins 0,20 m supérieure seulement à la cote de référence ;
- l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme interdit au maire d'ajouter un nouveau motif au refus du permis de construire en litige.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2018, la commune d'Argelès-sur-Mer, représentée par la SCP d'avocats CGCB et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Del Mar Village la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par lettre du 9 septembre 2019, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et indiquant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le denier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Une ordonnance du 1er octobre 2019 a prononcé la clôture de l'instruction à la date de son émission en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire, présenté pour la société Del Mar Village, a été enregistré le 11 octobre 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction.
La présidente de la Cour a désigné le 16 janvier 2020, Mme A..., présidente assesseure, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 9ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 94-614 du 13 juillet 1994 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., pour la commune d'Argelès-sur-Mer.
Considérant ce qui suit :
1. La société Del Mar Village a déposé auprès du maire d'Argelès-sur-Mer une demande de permis de construire valant permis de démolir, pour régulariser la construction d'une laverie, d'une buanderie et d'une salle de repos pour le personnel de cette buanderie, d'une surface de plancher créée totale de 89 m² après démolition d'un bar et d'une salle d'animation, sur des parcelles sur lesquelles elle exploite le camping Del Mar, d'une superficie supérieure à 16 000 m² et comportant 273 emplacements, situées en zone I-0 du plan de prévention des risques d'inondation de la commune. Par l'arrêté en litige du 11 octobre 2016, le maire a refusé de lui délivrer ce permis de construire. Par décision du 18 janvier 2017, le maire a rejeté le recours gracieux du 14 novembre 2016 de la société Del Mar Village tendant au retrait de cet arrêté. La société a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2016, ensemble la décision du 18 janvier 2017 du maire. Le tribunal administratif de Montpellier, par le jugement dont la société requérante relève appel, a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe des décisions en litige :
2. En premier lieu, l'arrêté du 11 octobre 2016 comporte les éléments de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et permet à sa simple lecture de comprendre les raisons pour lesquelles le maire a refusé de délivrer à la société Del Mar Village le permis de construire qu'elle sollicitait. Par suite, l'arrêté en litige est suffisamment motivé. La contestation des motifs qui la fonde relève du bien-fondé de la décision en litige. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre. ". Aux termes de l'article L. 311-2 du même code : " Le droit à communication ne s'applique qu'à des documents achevés. / Le droit à communication ne concerne pas les documents préparatoires à une décision administrative tant qu'elle est en cours d'élaboration. Cependant, les avis, prévus par les textes législatifs ou réglementaires, au vu desquels est prise une décision rendue sur une demande tendant à bénéficier d'une décision individuelle créatrice de droits, sont communicables à l'auteur de cette demande dès leur envoi à l'autorité compétente pour statuer sur la demande (...). ".
4. Le 2ème alinéa de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration n'imposent pas au maire de communiquer d'office de sa propre initiative, en l'absence de demande en ce sens, et préalablement à l'édiction de sa décision de refus du permis de construire sollicité, au pétitionnaire les avis au vu desquels il prend cette décision. Il en résulte que la procédure suivie par le maire n'est pas irrégulière au seul motif tiré de ce que la société Del Mar Village n'a pas reçu, avant l'édiction de la décision en litige, communication de l'avis défavorable du service départemental d'incendie et de secours du 29 août 2016 et l'avis défavorable du service interministériel de défense et de protection civiles du 8 juillet 2016. En revanche, il ressort des pièces du dossier que la société requérante a sollicité le 14 novembre 2016, dans son recours gracieux adressé au maire, soit postérieurement à la date de la décision en litige, la communication de ces deux avis visés dans l'arrêté en litige. Elle ne conteste pas que ces avis lui ont été communiqués. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.
5. En troisième lieu, la société requérante ne peut utilement soutenir, eu égard au principe des législations distinctes, que le maire aurait commis un détournement de procédure au motif que la commune n'a pas réalisé, en méconnaissance des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, les démarches nécessaires pour mettre en place sur le territoire communal le cahier des prescriptions de sécurité prévu par le décret n° 94-614 du 13 juillet 1994 relatif aux prescriptions permettant d'assurer la sécurité des occupants des terrains de camping et de stationnement des caravanes soumis à un risque naturel ou technologique prévisible. La circonstance alléguée selon laquelle la société requérante aurait, sans cette carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police générale et spéciale, présenté un projet conforme à la législation en vigueur est sans incidence sur la légalité du refus en litige opposé par le maire au projet tel qu'il se présentait dans la demande de permis de construire.
En ce qui concerne la légalité interne des décisions en litige :
6. L'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dispose : " Le permis de construire peut-être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. ".
7. Si la société requérante soutient que le maire était tenu de suivre l'avis favorable du rapport de visite favorable de la sous-commission départementale des terrains de camping daté du 24 mai 2016 et l'avis favorable du préfet des Pyrénées-Orientales du 8 juillet 2016, tous deux consultés pendant l'instruction de sa demande de permis de construire et de lui délivrer en conséquence le permis de construire sollicité, ces avis simples ne lient pas le maire. En tout état de cause, le préfet a émis un avis favorable sous réserve que la réalisation du bâtiment s'accompagne de " dispositifs refuges " et a constaté l'inexistence de tels dispositifs pour la construction en cause. Le dossier de demande de permis de construire en litige ne prévoit la création d'aucun espace refuge supplémentaire. Eu égard à l'importance de la modification nécessaire du projet pour respecter cette prescription, la société n'est pas non plus fondée à soutenir que le maire aurait dû lui délivrer le permis de construire en litige en l'assortissant de prescriptions spéciales en ce sens.
8. Pour refuser le permis de construire sollicité par la société requérante, le maire de la commune d'Argelès-sur-Mer s'est fondé sur deux motifs tirés d'une part, de ce que le projet ne respecterait pas l'article 2.4 du plan de prévention des risques d'inondation d'Argelès-sur-Mer, approuvé par arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 25 novembre 2008 et d'autre part, qu'il méconnaissait l'alinéa 3 de l'article 3.1 de ce plan de prévention des risques.
9. L'article 2.4. du plan de prévention des risques d'inondations d'Argelès-sur-Mer, prévoit, s'agissant des terrains aménagés pour l'accueil des campeurs, des caravanes, des résidences mobiles de loisirs et constructions situées à l'intérieur de ceux-ci, que : " Ce type d'activité est très largement présent dans la zone I et ses sous-secteurs. La création de nouvelles structures n'est pas autorisée mais celles existantes peuvent évoluer comme suit pour des raisons d'accroissement du confort et d'amélioration de la sécurité. (...) / • Les équipements permettant de pérenniser ou sécuriser l'exploitation des établissements (locaux techniques, locaux d'accueil, aires de jeux, piscines, solarium, sanitaires, espaces refuges hors d'eau, etc.), qui devront faire l'objet d'un accord préalable du service gestionnaire de la servitude PPR, ne sont autorisés que s'ils s'accompagnent de mesures destinées à accroître la sécurité telles que la création d'un espace refuge (s'il n'existe pas ou est insuffisant). (...) / • Les zones refuges / Elles doivent se situer au-dessus de la cote de mise hors d'eau et leurs surfaces tendre vers une valeur équivalente à 0,50 m² par personne selon la configuration et la capacité de l'établissement, et après avis de la commission départementale de sécurité qui appréciera la validité du schéma d'ensemble du dispositif (répartition, surfaces, hauteurs de mise hors d'eau ...) selon les caractéristiques de l'établissement. Sous forme d'équipements en dur, elles doivent donner accès vers l'extérieur (par une fenêtre en façade ou en toit, balcon, etc.) et peuvent être notamment constituées de bureaux, salles de réunion au-dessus de la cote de référence. Il peut s'agir d'une simple terrasse partiellement couverte accessible dans les mêmes conditions. A cette fin, des remblais peuvent être réalisés après avis favorable du service chargé du risque inondation. Ces remblais seront limités au strict nécessaire en surface et seront positionnés hors des zones de fort écoulement. ".
10. Pour soutenir que le camping Del Mar possédait déjà, avant le projet en litige, plusieurs zones refuges répondant aux exigences de l'article 2.4 de ce plan, la société requérante fait valoir que le rapport de visite de la sous-commission départementale de la préfecture des Pyrénées-Orientales pour la sécurité des campings daté du 24 mai 2016 est favorable au projet "compte tenu de la réalisation effective par l'exploitant des prescriptions", s'agissant notamment de la réalisation d'une zone refuge d'une surface totale de 400 m² exigée lors de l'extension du camping en 2010. Toutefois, ce rapport de visite contient une prescription quant à la réalisation d'une zone refuge complémentaire pour atteindre une surface totale portée à 410 m² par la commission de sécurité, compte tenu de la grande capacité d'accueil du camping Del Mar qui compte 273 emplacements dont 269 mobil-homes. La seule production d'une facture de la société Sunloc SA datée du 1er octobre 2016 qui mentionne "agrandissement plate forme refuge / sur Camping del Mar/ réalisation de 50 m² de plate-forme refuge supplémentaire", sans autre précision, ne permet pas par elle-même d'établir l'augmentation de surface de la zone refuge existante pour atteindre la surface de 410 m² exigée dans les conditions prévues par l'article 2.4 du plan de prévention. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les zones refuges existantes étaient suffisantes à la date de la demande de permis de construire en litige. Si elle soutient qu'en tout état de cause, les équipements en dur litigieux sont accompagnés de la création d'un espace refuge supplémentaire, dès lors qu'une partie de mezzanine d'une surface de 16 m² éclairée par une baie vitrée et une salle d'eau pourraient servir de zone refuge selon le procès-verbal d'huissier établi à la demande de la requérante le 14 mars 2017, soit au demeurant postérieurement à la date de la décision en litige, il ne ressort ni de la notice du projet, ni du plan de coupe ou de façade joints à la demande de permis que cette mezzanine sous toiture, dépourvue notamment de fenêtre en façade ou de balcon, donnerait accès à l'extérieur comme exigé par l'article 2.4 du plan de prévention. La légalité du refus du permis de construire en litige par le maire s'appréciant à la date de cette décision et selon les pièces fournies dans le dossier de demande de permis de construire, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les équipements dont la régularisation est demandée respecteraient les conditions exigées par l'article 2.4 du plan de prévention. Par suite, le maire a pu légalement pour ce motif refuser de délivrer le permis de construire litigieux.
11. Il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif. Par suite, il n'y a pas lieu pour la Cour de se prononcer sur l'autre motif de la décision en litige tiré de la méconnaissance de l'article 3.1 du plan de prévention des risques par le projet.
12. Il résulte de ce qui précède que la société Del Mar Village n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2016 du maire de la commune d'Argelès-sur-Mer, ensemble la décision du maire du 18 janvier 2017.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de la commune d'Argelès-sur-Mer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Del Mar Village la somme de 2 000 euros à verser à la commune d'Argelès-sur-Mer au titre des frais qu'elle a engagés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Del Mar Village est rejetée.
Article 2 : La SAS Del Mar Village versera la somme de 2 000 euros à la commune d'Argelès-sur-Mer sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Del Mar Village et à la commune d'Argelès-sur-Mer.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2020, où siégeaient :
- Mme A..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,
- Mme D..., première conseillère,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 15 juillet 2020.
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N° 18MA04261