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15/07/2020 | FRANCE | N°18MA04021

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 15 juillet 2020, 18MA04021


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2017 par lequel le maire de Bédoin a délivré un permis de construire à la SCI Masson et Co.

Par un jugement n° 1703426 du 17 juillet 2018, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit partiellement à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 août 2018, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal

administratif de Nîmes du 17 juillet 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation totale du permi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2017 par lequel le maire de Bédoin a délivré un permis de construire à la SCI Masson et Co.

Par un jugement n° 1703426 du 17 juillet 2018, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit partiellement à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 août 2018, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 17 juillet 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation totale du permis de construire délivré le 13 septembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2017 par lequel le maire de Bédoin a délivré un permis de construire à la SCI Masson et Co ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bédoin et de la SCI Masson et Co la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt pour agir contre le permis de construire ;

- le dossier de présentation est insuffisant ;

- le projet méconnaît les dispositions des articles UT 1 et UT 2 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article UT 3 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article UT 4-3 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article UT 11 du règlement du plan local d'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 novembre 2018, la SCI Masson et Co, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête, à la condamnation de Mme A... à la somme de 80 000 euros sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme et à ce que soient mis à la charge de Mme A... la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- Mme A... n'a pas d'intérêt pour agir contre le permis ;

- les moyens invoqués sont infondés ;

- le recours lui cause un préjudice estimé à 80 000 euros qu'il convient de réparer.

La requête a été communiquée à la commune de Bédoin qui n'a pas produit d'observations.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné par décision du 16 janvier 2020, Mme B..., présidente assesseure, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 9ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Baizet, premier conseiller,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour la commune de Bédoin.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... relève appel du jugement du 17 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a fait droit partiellement à sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 septembre 2017 par lequel le maire de Bédoin a délivré un permis de construire à la SCI Masson et Co pour la réalisation d'une résidence de tourisme de trente et un logements sur des terrains cadastrés GT 345 et GT 346 situé aux Sablières.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. ". Aux termes de l'article R. 431-10 de ce code : " Le projet architectural comprend également : / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. ". La circonstance que le dossier de demande de permis de construire serait incomplet ou que des pièces seraient insuffisantes, imprécises ou inexactes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire accordé que dans le cas où ces omissions, inexactitudes ou insuffisances ont été de nature à fausser l'appréciation de l'administration sur la conformité du projet à la réglementation.

3. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire comprend quatre photographies représentant les constructions avoisinantes dont celle de Mme A..., ainsi qu'une vue aérienne sur laquelle sont reportés les angles de prise de vue. Le dossier comporte également un document d'insertion représentant le projet dans son environnement. Enfin, la notice, très détaillée, ainsi que les autres pièces du dossier, ont permis aux services instructeurs d'apprécier le volume, l'implantation, l'organisation et la composition de la résidence de tourisme. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le dossier de demande de permis de construire est insuffisant.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article UT-1 du règlement du plan local d'urbanisme : " Sont interdits : La construction de bâtiment à usage d'habitation sauf ceux visés à l'article UT 2 (...) ". Aux termes de l'article UT-2 de ce règlement : " Les occupations et utilisations du sol suivantes sont admises si elles respectent des conditions particulières : Les constructions à usage d'hébergement ayant une vocation touristique (...) Les constructions à usage d'habitation, à condition qu'elles soient destinées aux personnes dont la présence constante est nécessaire pour assurer la gestion ou le gardiennage des établissements, dans la limite d'un logement par établissement implanté dans la zone et sans dépasser un plafond de 250 m² de surface de plancher. ". Enfin, selon les dispositions générales de la zone UT : " La zone UT est une zone dont la vocation première est l'accueil touristique (...) les constructions à usage d'habitations doivent être destinées aux personnes dont la présence sur le site est nécessaire pour le gardiennage des installations. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le projet comporte un logement de fonction de trois pièces d'une surface inférieure à 250 m². Le pétitionnaire soutient que ce logement de fonction est destiné à héberger les co-gérants du complexe qui assureront la gestion et le gardiennage des installations. Il ressort en effet du business plan produit par le pétitionnaire que les co-gérants effectueront de nombreuses tâches tels que l'accueil des clients, le nettoyage, l'entretien des espaces verts et de la résidence, la gestion et la comptabilité de cette résidence ouverte toute l'année, rendant leur présence constante sur le site nécessaire, malgré l'absence de service commun comme la restauration. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le projet méconnaît les dispositions précitées.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article UT 3 du règlement du plan local d'urbanisme : " Accès et voirie. Pour être constructible un terrain doit avoir accès à une voie publique ou privée présentant les caractéristiques technique adaptées aux usages qu'elle supporte et aux opérations qu'elle dessert (lutte contre l'incendie, sécurité civile, ramassage des ordures). Le terrain doit également ne pas présenter de risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celles des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu notamment de la position des accès, de leur configuration, ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le projet est desservi par le chemin des Bérards, qui dessert déjà plusieurs autres constructions dont celle de Mme A.... La largeur de ce chemin d'accès oscille, selon le constat d'huissier produit par Mme A..., entre 3.46 m et 4.40 mètres, ce qui permet le croisement des véhicules, malgré la présence de murets sur une partie du chemin. Il ressort en outre des photographies annexées au constat d'huissier précité que les caractéristiques de la voie sont suffisantes pour permettre la desserte du projet comportant la création de cinquante et une places de stationnement. Le service départemental d'incendie et de secours a d'ailleurs donné un avis favorable sur le projet et sa desserte par les véhicules de secours et de lutte contre les incendies le 30 mai 2017. Enfin, l'accès au projet, suffisamment large, débouche directement sur ce chemin rectiligne avec une visibilité suffisante. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le projet méconnaît les dispositions précitées.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article UT 4.3 du règlement du plan local d'urbanisme : " Les lignes publiques de téléphone ou d'électricité et les branchements internes au terrain doivent être enterrés sauf en cas d'impossibilité technique majeure. ".

9. Il ressort de la note de présentation jointe au dossier de demande de permis que le projet sera desservi par l'ensemble des réseaux publics auxquels il sera raccordé, ce qui inclus donc les réseaux de téléphonie et d'électricité. En outre, s'agissant du réseau d'électricité, il ressort des pièces du dossier que le pétitionnaire s'est engagé à prendre en charge l'extension du réseau électrique, conformément à l'extension nécessitée selon l'avis d'Enedis, et que les modalités de création du poste de distribution électrique sur le terrain d'assiette seront définies par le gestionnaire du réseau et le pétitionnaire avant l'exécution des travaux. Enfin, le projet en litige n'a pas pour objet ni pour effet d'autoriser l'installation de lignes publiques ou de branchements internes non enterrés. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le projet méconnaît les dispositions précitées.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article UT-11 du règlement du plan local d'urbanisme : " Les constructions par leur situation, leur architecture, leurs dimensionnements et leur aspect extérieur ne doivent pas porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbain, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

11. Il ressort des pièces du dossier que les lieux avoisinants, situés en zone d'accueil d'activités touristiques, et constitués à l'ouest d'une plaine agricole et à l'est d'un ensemble boisé en limite d'une zone d'habitation, au-delà de laquelle se trouve le centre-ville, ne présente aucun intérêt particulier. Le projet de construction d'une résidence de tourisme de trente et un logements, en R + 1, présentant des volumes simples et des coloris neutres, sur un terrain de plus de 7 000 m², n'est donc pas de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le projet méconnaît les dispositions précitées.

12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes n'a fait que partiellement droit à sa demande.

Sur les conclusions indemnitaires reconventionnelles présentées par la SCI Masson et Co :

13. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. (...) ".

14. Il ne résulte pas de l'instruction que la contestation de Mme A..., dont les conditions de vie étaient modifiées par le projet, ait été mise en oeuvre dans des conditions qui excèderaient la défense de ses intérêts légitimes. Par suite, les conclusions de la société Masson et Co tendant à ce que Mme A... l'indemnise sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, conclusions au demeurant irrecevables faute d'avoir été présentées par mémoire distinct, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. D'une part, la commune de Bédoin et la SCI Masson et Co n'étant pas les parties perdantes à la présente instance, il y lieu de rejeter la demande présentée par Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

16. D'autre part, la SCI Masson et Co ne justifie pas avoir exposé de dépens dans le cadre de la présente instance.

17. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter la demande de la SCI Masson et Co présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la SCI Masson et Co sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SCI Masson et Co sur le fondement des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à la SCI Mason et Co et à la commune de Bédoin.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2020 où siégeaient :

- Mme B..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Lopa Dufrénot, premier conseiller,

- Mme Baizet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juillet 2020.

4

N° 18M04021


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04021
Date de la décision : 15/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : GARREAU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-15;18ma04021 ?
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