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15/07/2020 | FRANCE | N°18MA03848

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 15 juillet 2020, 18MA03848


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI La Tour Sarrazine a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 23 mai 2016 par lequel le maire de Montaren et Saint-Mediers s'est opposé à sa déclaration préalable de travaux.

Par le jugement n° 1602281 du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 août 2018 et par un mémoire complémentaire enregistré le 22 mai 2019, la SCI La Tour Sarrazine, représentée par l

a SCP d'avocats Dombre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 juin 2018 du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI La Tour Sarrazine a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 23 mai 2016 par lequel le maire de Montaren et Saint-Mediers s'est opposé à sa déclaration préalable de travaux.

Par le jugement n° 1602281 du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 août 2018 et par un mémoire complémentaire enregistré le 22 mai 2019, la SCI La Tour Sarrazine, représentée par la SCP d'avocats Dombre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 juin 2018 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2016 du maire de la commune de Montaren et Saint-Mediers ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montaren et Saint-Mediers la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'instruction de sa demande est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été faite en tenant compte des modifications apportées par les pièces complémentaires ;

- l'avis simple de l'unité départementale de l'architecture et du patrimoine (UDAP) ne pouvait pas être qualifié de défavorable par le maire ;

- le motif de la décision en litige fondé sur la méconnaissance par le projet de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme ne peut pas fonder cette décision ;

- le classement en espace boisé classé de l'ensemble de la parcelle par le plan local d'urbanisme approuvé le 14 septembre 2011 révisé le 18 mars 2014 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'interdiction générale et absolue de toute construction sur cet espace boisé classé porte une atteinte excessive au droit de propriété garanti par l'article 1er du protocole additionnel 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les travaux litigieux ne méconnaissent pas l'article UA1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune ;

- l'implantation de la piscine respecte l'article UA7 du règlement du plan ;

- le projet ne méconnaît pas l'article UA11 de ce règlement.

Par deux mémoires enregistrés les 8 mars et 17 juin 2019, la commune de Montaren et Saint-Mediers, représentée par la SCP d'avocats Margall-D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SCI La Tour Sarrazine la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la requête d'appel, qui ne critique pas la réponse des premiers juges, est irrecevable ;

- à titre subsidiaire, les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La présidente de la Cour a désigné le 16 janvier 2020, Mme A..., présidente assesseure, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 9ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2010-633 du 8 juin 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour la commune de Montaren et Saint-Mediers et de M. B... représentant la SCI La Tour Sarrazine.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI La Tour Sarrazine a déposé, afin de régulariser des travaux effectués sans autorisation, une déclaration préalable de travaux pour la réalisation d'une piscine d'une surface de 25,62 m², d'un mur de soutènement d'une hauteur d'1,10 m, d'un muret de soutien d'une jardinière et d'un exhaussement de sol ne dépassant pas un mètre de hauteur d'une superficie de 36,88 m² correspondant au remplissage des abords de la piscine et de 25 m² pour le remplissage de la jardinière, sur la parcelle cadastrée AM n° 600, anciennement n° 168, située 6 rue de la Tour Sarrazine à Montaren et Saint-Mediers. Par la décision en litige du 23 mai 2016, le maire s'est opposé à la déclaration préalable de travaux de la société La Tour Sarrazine. Le tribunal administratif de Nîmes, par le jugement dont la société requérante relève appel, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 23 mai 2016.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Pour s'opposer à la déclaration préalable, le maire de Montaren et Saint-Mediers s'est fondé sur quatre motifs tirés de ce que le projet compromet la conservation et la protection d'un espace boisé classé par le plan local d'urbanisme de la commune en méconnaissance de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme, que les exhaussements envisagés ne sont pas rendus nécessaires par la construction de la piscine en méconnaissance de l'article Ua1 du règlement du plan local d'urbanisme, que l'implantation de la piscine ne respecte pas l'article Ua7 du règlement de ce plan et qu'enfin le projet méconnaît l'article Ua11 de ce règlement.

3. En premier lieu, il ressort des termes de la décision en litige que les pièces complémentaires, qui ont été déposées le 2 mai 2016 par la société requérante auprès du service instructeur de la commune et qui modifient notamment les dimensions et la surface de la piscine projetée, ont été prises en compte lors de l'instruction de cette demande, alors même que l'arrêté en litige ne précise pas le dépôt de ces pièces complémentaires. Cette décision se prononce sur la piscine et sur les aménagements prévus autour. Par suite, la société La Tour Sarrazine n'est pas fondée à soutenir que l'instruction de sa demande serait irrégulière au motif qu'elle n'aurait pas pris en compte les modifications apportées par ces pièces complémentaires.

4. En deuxième lieu, en se bornant à invoquer la mauvaise foi dont aurait fait preuve la commune en mentionnant, dans la décision en litige, que l'avis simple de l'UDAP de la DRAC Languedoc Roussillon du 17 mai 2016, annexé à la décision en litige, était "défavorable" au projet, la société requérante n'établit pas que le maire aurait fait preuve de partialité lors de l'instruction de sa demande. En tout état de cause, les recommandations de l'UDAP, qui comportent des critiques du projet en termes de respect du patrimoine culturel du village et d'atteinte au caractère historique des lieux en application du décret du 8 juin 2010 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales des affaires culturelles, ont pu être qualifiées de "défavorables" par le maire notamment lors de l'examen du respect par les travaux projetés de l'article Ua 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements. " Aux termes de l'article L. 111-2 de ce code, dans sa rédaction applicable : " Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. / Nonobstant toutes dispositions contraires, il entraîne le rejet de plein droit de la demande d'autorisation de défrichement prévue au chapitre Ier du titre IV du livre III du code forestier (...). " Contrairement à ce que soutient la requérante, ces dispositions n'interdisent pas uniquement les défrichements, mais restreignent l'ensemble des modes d'occupations du sol, telle la création d'une piscine, de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements.

6. D'abord, il ressort des pièces du dossier et notamment des documents graphiques annexés au règlement du plan local d'urbanisme que la parcelle appartenant à la SCI La Tour Sarrazine, précédemment cadastrée n° 168, d'une superficie totale de 535 m², sur laquelle est prévue la réalisation de la piscine et l'aménagement de ses abords, est entièrement classée en espace boisé. Par suite, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que le rapport de présentation du PLU, au demeurant dépourvu de valeur réglementaire, indique que seuls les pins très anciens de la Tour Sarrazine pris isolément seraient protégés au titre des espaces boisés classés et de ce que les travaux projetés ne prévoient pas l'abattage de ces pins. La réalisation de la piscine bétonnée de 26 m², le remplissage des abords de la piscine pour une surface de 36,88 m² et le remplissage de la jardinière en béton de 25 m², alors même que les travaux projetés se situent dans le jardin d'agrément de la Tour Sarrazine en bordure de l'ancien rempart et qu'ils ne supposeraient aucune coupe ou abattages d'arbres, constituent un changement d'affectation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements, en méconnaissance de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme. La circonstance que des piscines aient été autorisées sur des parcelles voisines classées elles aussi en espaces boisés est sans incidence sur la légalité de la décision en litige.

7. Ensuite, il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation, sur ces différents points, ne peut être censurée par le juge administratif que dans le cas où elle se révélerait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

8. La faible superficie de la parcelle de 525 m² et alors que la grande qualité de ses boisements n'est pas contestée par la société requérante, ne permet, par elle-même, d'établir que le plan local d'urbanisme de la commune serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il classe cette parcelle au titre des espaces boisés à protéger. La société requérante n'est, dès lors, pas fondée à exciper de l'illégalité de ce document.

9. Enfin, la société requérante se borne en appel à réitérer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 1er du protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveau. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif dans le point 11 du jugement attaqué. Par suite, le maire a pu légalement fonder la décision en litige sur le motif tiré de ce que les travaux projetés compromettaient la conservation et la protection d'un espace boisé classé par le plan local d'urbanisme de la commune, en méconnaissance de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme.

10. En quatrième lieu, l'article Ua1 du règlement du PLU de la commune de la commune approuvé le 14 septembre 2011 et révisé le 18 mars 2014 interdit les affouillements ou exhaussements qui ne sont pas nécessités par la construction d'un bâtiment ou la réalisation d'un aménagement non autorisé dans la zone. S'agissant des exhaussements projetés pour réaliser les remplissages des abords, d'une superficie de 35 m², de la piscine surélevée par rapport au sol, ils ne peuvent être regardés comme indispensables à l'aménagement de cette piscine. En ce qui concerne l'exhaussement correspondant au remplissage d'une jardinière d'une superficie de 25 m², la société requérante ne peut utilement soutenir que cet exhaussement n'est pas soumis à déclaration préalable, dès lors que les aménagements et les travaux notamment dispensés de toute formalité par le code de l'urbanisme doivent néanmoins, en application des articles L. 421-6 et L. 421-8 du code de l'urbanisme, être conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols. Par suite et en ce qui concerne les exhaussements du sol, le maire a pu légalement fonder la décision en litige sur la méconnaissance par les travaux projetés de l'article Ua1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune.

11. Il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur la méconnaissance, par les travaux dont la régularisation est demandée, de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme et de l'article Ua1 du règlement du plan local d'urbanisme. Par suite, il n'y a pas lieu pour la Cour de se prononcer sur la légalité des autres motifs fondant la décision en litige tirés de la méconnaissance de l'article Ua7 et de l'article Ua11 du règlement de ce plan.

12. Il résulte de ce qui précède que la SCI La Tour Sarrazine n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2016 du maire de la commune de Montaren et Saint-Mediers.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de la commune de Montaren et Saint-Mediers, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI La Tour Sarrazine la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Montaren et Saint-Mediers au titre des frais qu'elle a engagés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI La Tour Sarrazine est rejetée.

Article 2 : La SCI La Tour Sarrazine versera la somme de 2 000 euros à la commune de Montaren et Saint-Mediers sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI La Tour Sarrazine et à la commune de Montaren et Saint-Mediers.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2020, où siégeaient :

- Mme A..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,

- Mme C..., première conseillère,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 juillet 2020.

6

N° 18MA03848


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03848
Date de la décision : 15/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Régimes de déclaration préalable. Déclaration de travaux exemptés de permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP JOEL DOMBRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-15;18ma03848 ?
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