La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/07/2020 | FRANCE | N°18MA03076

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 15 juillet 2020, 18MA03076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Top 20 a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 10 décembre 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 23 septembre 2015 par laquelle cette même autorité a décidé de lui appliquer la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 17 600 euros ainsi que la contribution forfaitaire représentative de frais d

e réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Top 20 a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 10 décembre 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 23 septembre 2015 par laquelle cette même autorité a décidé de lui appliquer la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 17 600 euros ainsi que la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 124 euros.

Par un jugement n° 1601137 du 9 mai 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2018, la SARL Top 20, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mai 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 10 décembre 2015 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'intervention de Mme A... au sein du commerce n'a été que ponctuelle et bénévole et était motivée par des circonstances exceptionnelles ;

- Mme A... n'a jamais été salariée de la société Top 20 ;

- en l'absence de cumul d'infractions, le montant de la contribution spéciale n'aurait pas dû excéder 2 000 fois le taux horaire minimum garanti conformément à l'article R. 8252-6 du code du travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la SARL Top 20 la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Top 20 relève appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rejeté son recours gracieux dirigé contre la décision du 23 septembre 2015 par laquelle cette même autorité a décidé de lui appliquer la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 17 600 euros ainsi que la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour un montant de 2 124 euros.

2. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale (...) ". Et selon l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. ".

3. D'une part, l'infraction aux dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail est constituée du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. D'autre part, la qualification de contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont entendu donner à la convention qui les lie mais des seules conditions de fait dans lesquelles le travailleur exerce son activité. A cet égard, la qualité de salarié suppose nécessairement l'existence d'un lien juridique de subordination du travailleur à la personne qui l'emploie, le contrat de travail ayant pour objet et pour effet de placer le travailleur sous la direction, la surveillance et l'autorité de son cocontractant, lequel dispose de la faculté de donner des ordres et des directives, de contrôler l'exécution dudit contrat et de sanctionner les manquements de son subordonné. Dès lors, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.

4. Il résulte de l'instruction, particulièrement des énonciations du procès-verbal de constat d'infraction établi par l'agent de police judiciaire le 5 mai 2015 que lors du contrôle opéré ce jour à 11h15 dans le commerce de snack kebab exploité par la SARL Top 20 a été constatée la présence de Mme C... A... en action de travail " debout à attendre des clients derrière la banque réfrigérée ". Ce constat est corroboré par les déclarations de l'intéressée lors de son audition par les services de police le même jour, selon lesquelles elle se trouvait seule ce jour dans le snack à attendre la clientèle. Mme A... a également indiqué qu'elle travaillait dans ce snack depuis environ un mois en qualité de commis de cuisine, chargée de couper la salade et les légumes pour ensuite garnir les sandwiches et qu'elle exerçait habituellement son activité de l'ouverture du commerce à 8h00 jusqu'à 10h00, et a précisé que depuis le 26 avril, date à laquelle le gérant s'était absenté pour se rendre en vacances en Egypte avec sa femme et ses enfants, elle travaillait un peu plus tard dans la matinée jusqu'à ce qu'un nommé Lyes vienne la remplacer pour tenir le snack jusqu'au soir. Mme A... a en outre indiqué que le commerce était tenu par le gérant et sa femme en dehors des périodes de congés du couple. La circonstance selon laquelle il a été procédé à la déclaration préalable à l'embauche de l'intéressée le jour même du contrôle, peu après le départ des agents, est par ailleurs de nature à accréditer ces déclarations. En revanche, les allégations de la société appelante, selon lesquelles l'intervention de Mme A... au sein du commerce n'a été que ponctuelle et bénévole et était motivée par des circonstances exceptionnelles, particulièrement la nécessité, pour le gérant et sa femme, de rejoindre la mère de celui-ci en Egypte afin d'empêcher qu'elle ne se fasse amputer d'une jambe après avoir voyagé inconfortablement en avion, ne sont pas établies par les justificatifs fournis. L'affirmation de la société selon laquelle Mme A... ne serait intervenue ce jour-là qu'exclusivement pour réceptionner une livraison ne pouvant être annulée n'est pas caractérisée. Par ailleurs, le fait qu'aucun bulletin de salaire n'aurait été établi au bénéfice de Mme A... ne saurait aucunement démontrer, à lui seul, que celle-ci ne se trouvait pas en situation de travail au profit de la SARL Top 20, cette dernière ne contestant pas, au demeurant, l'affirmation de l'intéressée lors de son audition selon laquelle elle était rémunérée cinq euros de l'heure, versés en espèces. Enfin, les attestations produites par la société requérante selon lesquelles le snack aurait été fermé durant la période du 26 avril au 10 mai 2015, insuffisamment probantes, ne sont pas de nature à contrarier les constatations des contrôleurs. Dans ces conditions, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a pu, à bon droit, appliquer à la société appelante la contribution spéciale prévue à l'article L. 8251-1 du code du travail pour l'emploi de Mme A..., dont il n'est pas allégué qu'elle ne justifiait pas d'un titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France.

5. En l'absence d'élément de fait ou de droit nouveau invoqués par la SARL Top 20 dans la présente instance, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 8252-6 du code du travail par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, dès lors que la réponse du tribunal est elle-même suffisante et n'appelle pas de nouvelles précisions en appel.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Top 20 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par suite, la requête doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Top 20 demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SARL Top 20 une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Top 20 est rejetée.

Article 2 : La SARL Top 20 versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Top 20 et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 3 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 juillet 2020.

2

N° 18MA03076

nl


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03076
Date de la décision : 15/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : GOUETA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-15;18ma03076 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award