La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/07/2020 | FRANCE | N°18MA01602

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 15 juillet 2020, 18MA01602


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat départemental du conseil général des Bouches-du-Rhône - CGT et le syndicat local du conseil départemental des Bouches-du-Rhône - FSU territoriale CD 13, représentés par Me C..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la note de service publiée au mois de mars 2016 sur l'intranet du conseil départemental des Bouches-du Rhône restreignant les conditions d'attribution du droit aux congés dits " de détente ", ensemble la décision implicite par laquelle la présidente du

conseil départemental des Bouches-du Rhône a rejeté leur demande du 10 novembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat départemental du conseil général des Bouches-du-Rhône - CGT et le syndicat local du conseil départemental des Bouches-du-Rhône - FSU territoriale CD 13, représentés par Me C..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la note de service publiée au mois de mars 2016 sur l'intranet du conseil départemental des Bouches-du Rhône restreignant les conditions d'attribution du droit aux congés dits " de détente ", ensemble la décision implicite par laquelle la présidente du conseil départemental des Bouches-du Rhône a rejeté leur demande du 10 novembre 2016 tendant au rétablissement du dispositif des congés dits " de détente " tel qu'il existait avant la parution de la note de service publiée au mois de mars 2016.

Par une ordonnance n° 1704326 du 30 janvier 2018, le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 avril 2018 et le 3 avril 2020, le syndicat départemental du conseil général des Bouches-du-Rhône - CGT et le syndicat local du conseil départemental des Bouches-du-Rhône - FSU territoriale CD 13, représentés par Me C..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du tribunal administratif de Marseille du 30 janvier 2018 ;

2°) d'annuler la note de service publiée sur le site internet du département des Bouches-du Rhône le 30 mars 2016 ainsi que la décision implicite par laquelle la présidente du conseil départemental des Bouches-du Rhône a rejeté leur demande tendant à l'application antérieure à cette note des congés dits " de détente " ;

3°) de mettre à la charge du département des Bouches-du Rhône une somme de

2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'ordonnance est irrégulière en tant qu'elle a considéré que sa demande tendant à l'annulation de la note de service publiée le 30 mars 2016 sur l'intranet du département des Bouches-du Rhône était irrecevable du fait de sa tardivité ;

- cette ordonnance est irrégulière, en outre, en ce qu'elle a considéré que les syndicats appelants n'avaient pas qualité pour agir contre la décision implicite par laquelle la présidente du conseil départemental des Bouches-du Rhône a rejeté leur demande tendant à ce que soit rétabli le dispositif des congés dits " de détente ", qui doit être regardée comme un recours gracieux contre la note de service publiée le 30 mars 2016 ;

- la note de service publiée le 30 mars 2016 a été prise par une autorité incompétente dès lors que seul l'organe délibérant du conseil départemental avait compétence pour supprimer ou modifier des avantages acquis par les agents du département ;

- une telle délibération ne pouvait être adoptée sans consultation préalable du comité technique paritaire, ceci afin de respecter le parallélisme des formes entre l'adoption des délibérations du conseil général des Bouches-du Rhône instituant les congés dits " de détente " et toute délibération l'abrogeant, l'annulant ou la modifiant ;

- le droit aux congés dits " de détente " ne pouvait être remis en cause sans méconnaître les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 7-1 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2020, le département des Bouches-du Rhône, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des syndicats appelants la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les conclusions à fin d'annulation de la note de service publiée le

30 mars 2016 est irrecevable dès lors qu'elle est, d'une part, tardive, et, d'autre part, qu'elle ne fait pas grief et que les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande du 10 novembre 2016 sont irrecevables dès lors que les syndicats appelants n'avaient pas intérêt à agir contre des décisions individuelles.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- les observations de Me C..., représentant les syndicats appelants,

- et les observations de Me A..., substituant Me D..., représentant le département des Bouches-du Rhône.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat départemental du conseil général des Bouches-du-Rhône - CGT et le syndicat local du conseil départemental des Bouches-du-Rhône - FSU territoriale CD 13 relèvent appel de l'ordonnance du 30 janvier 2018 par laquelle le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'annulation de la note de service publiée le 30 mars 2016 sur l'intranet du département des Bouches-du Rhône, restreignant le bénéfice des congés dit " de détente " accordés à certains personnels du département et, d'autre part, à l'annulation de la décision implicite par laquelle la présidente du conseil départemental des Bouches-du Rhône a rejeté leur demande du 10 novembre 2016 tendant à l'application aux agents concernés du régime antérieur à cette note des congés dits

" de détente ".

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de la demande du 10 novembre 2016 :

2. Dans leur lettre du 10 novembre 2016 les syndicats appelants ont demandé à la présidente du conseil départemental des Bouches-du Rhône d'accorder un congé détente à chaque agent à qui a été refusé l'attribution du congé demandé, conformément au cadre légal instituant ce congé, tel qu'il résultait des délibérations du conseil général des Bouches-du Rhône des 21 décembre 1972, 31 mai 1974 et 15 janvier 1979. Eu égard à la nature de cette demande, qu'il ne leur appartenait pas de former en lieu et place des agents concernés, les syndicats appelants étaient sans qualité pour introduire contre son rejet un recours pour excès de pouvoir. Par suite, les conclusions de la requête dirigées contre la décision implicite de rejet de leur demande du 10 novembre 2016 sont entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance.

3. Il résulte de ce qui précède que les syndicats appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de leur demande du

10 novembre 2016.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la note de service du 30 mars 2016 :

En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance attaquée :

4. Aux termes de l'article L. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " et aux termes de l'article L. 3131-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable au présent litige : " Les actes pris par les autorités départementales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département. ".

5. S'il résulte des dispositions de l'article L. 3131-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) que la formalité de publicité qui conditionne l'entrée en vigueur d'un acte réglementaire pris par une autorité départementale peut être soit la publication, soit l'affichage, l'affichage d'un tel acte à l'hôtel du département ne suffit pas à faire courir le délai de recours contentieux contre cet acte. Sont en revanche de nature à faire courir ce délai soit la publication de l'acte au recueil des actes administratifs du département, dans les conditions prévues aux articles L. 3131-3 et R. 3131-1 du même code, soit sa publication, en complément de l'affichage à l'hôtel du département, dans son intégralité sous forme électronique sur le site internet du département, dans des conditions garantissant sa fiabilité et sa date de publication.

6. La note de service, dont il n'est pas contesté qu'elle a été publiée le 30 mars 2016 sur l'intranet du département des Bouches-du Rhône, indique que " certains agents départementaux peuvent bénéficier de congés supplémentaires dits " congés de détente " ", dont la liste suit, et que " ces personnels, pour y prétendre, doivent exercer des missions de terrain auprès du public, impliquant des sujétions horaires et la gestion de situations d'urgence ". Il est constant que ces dernières dispositions soumettent l'attribution aux agents concernés des congés dits

" de détente " à des conditions plus restrictives que celles qui prévalaient jusqu'alors, qui permettaient l'attribution d'un tel congé aux agents exerçant les fonctions d'auxiliaire de puériculture, d'éducateurs de jeunes enfants, d'infirmiers, de médecins, de puériculteurs, de rédacteurs à la direction générale de la solidarité, de rééducateurs (en ce compris les psychomotriciens et les orthophonistes), de sages-femmes, d'assistants sociaux-éducatifs et de psychologues, sans autre préalable que d'exercer une telle fonction, en application des délibérations du conseil général des Bouches-du Rhône en date des 21 décembre 1972,

31 mai 1974 et 11 décembre 1978. Dès lors, la note litigieuse présente un caractère réglementaire et elle est soumise aux dispositions précitées de l'article L. 3131-1 du code général des collectivités territoriales précitées.

7. Si la note de service restreignant le droit de certains agents du département à bénéficier des congés dits " de détente " a été publiée sur le site intranet du département, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été affichée à l'hôtel du département ni publiée au recueil des actes administratifs du département, ni publiée sur le site internet du département. Dans ces conditions, les syndicats appelants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le président de la 7ème chambre du tribunal administratif de Marseille a considéré que le recours contentieux contre la note en litige, qui présente un caractère réglementaire ainsi qu'il a été dit au point précédent, était tardif. Par suite, l'ordonnance attaquée doit être annulée en tant qu'elle rejette les conclusions des syndicats appelants tendant à l'annulation de la note de service du

10 novembre 2016.

8. Il y a lieu, dans cette mesure, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les syndicats appelants.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par le conseil général des Bouches-du Rhône :

9. Ainsi qu'il a été indiqué au point 6, la note de service publiée le 10 mars 2016 sur l'intranet du département des Bouches-du Rhône modifie les conditions d'attribution des congés dits " de détente " aux agents qui en bénéficiaient, touchant ainsi à leurs prérogatives, et présente donc un caractère réglementaire. Dans ces conditions, le département des Bouches-du Rhône n'est pas fondé à soutenir que la note se borne à organiser le service sans porter atteinte au statut ni aux prérogatives des agents et constitue un acte non décisoire ne faisant pas grief. La fin de non-recevoir soulevée, pour ce motif, à l'encontre des conclusions en annulation des syndicats appelants ne peut en conséquence qu'être écartée.

Sur la légalité de la note de service du 10 novembre 2016 :

10. D'une part, aux termes de l'article 2 du décret n°2001-2 du 12 juillet 2001 : " L'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement peut, après avis du comité technique compétent, réduire la durée annuelle de travail servant de base au décompte du temps de travail défini au deuxième alinéa de l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé pour tenir compte de sujétions liées à la nature des missions et à la définition des cycles de travail qui en résultent, et notamment en cas de travail de nuit, de travail le dimanche, de travail en horaires décalés, de travail en équipes, de modulation importante du cycle de travail ou de travaux pénibles ou dangereux. ".

11. D'autre part, en principe, l'autorité administrative compétente pour modifier, abroger ou retirer un acte administratif est celle qui, à la date de la modification, de l'abrogation ou du retrait, est compétente pour prendre cet acte et, le cas échéant, s'il s'agit d'un acte individuel, son supérieur hiérarchique.

12. Il est constant que l'instauration des congés dits " de détente " par les délibérations du conseil général des Bouches-du Rhône des 21 décembre 1972, 31 mai 1974 et

11 décembre 1978 réduit la durée annuelle du travail au sens des dispositions précitées. L'autorité compétente pour instaurer de tels congés ne saurait être en conséquence, à la date à laquelle la note de service a été prise, que l'organe délibérant du département. La note de service attaquée, qui modifie les conditions d'obtention de ces congés, aurait dû en conséquence être précédée d'une délibération du conseil départemental. Il n'est pas contesté que cette note de service n'a pas été prise sur le fondement d'une telle délibération. Dans ces conditions, elle a été prise par une autorité incompétente et ne peut, par suite, qu'être annulée.

Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions s'opposent à ce que soit mise à la charge des appelants, qui ne sont pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande le département des Bouches-du-Rhône sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du tribunal administratif de Marseille est annulée en tant qu'elle rejette les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la note de service du département des Bouches-du Rhône du 30 mars 2016 relative aux congés dits " de détente ".

Article 2 : La note de service du département des Bouches-du Rhône du 30 mars 2016 relative aux congés dits " de détente " est annulée.

Article 3 : Le département des Bouches-du Rhône versera au syndicat départemental du conseil général des Bouches-du-Rhône - CGT et au syndicat local du conseil départemental des Bouches-du-Rhône - FSU territoriale CD 13 la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du syndicat départemental du conseil général des Bouches-du-Rhône - CGT et du syndicat local du conseil départemental des Bouches-du-Rhône - FSU territoriale CD 13 est rejeté.

Article 5 : Les conclusions présentées par le département des Bouches-du Rhône sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat départemental du conseil général des Bouches-du-Rhône - CGT, au syndicat local du conseil départemental des Bouches-du-Rhône - FSU territoriale CD 13 et au département des Bouches-du Rhône.

Délibéré après l'audience publique du 7 juillet 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique le 15 juillet 2020.

2

N°18MA01602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01602
Date de la décision : 15/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation - Introduction de l'instance - Intérêt pour agir.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais - Point de départ des délais.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SEMERIVA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-15;18ma01602 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award