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08/07/2020 | FRANCE | N°19MA01552

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 08 juillet 2020, 19MA01552


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 26 juin 2018 du préfet des Alpes-Maritimes qui lui refuse le droit au séjour, l'oblige à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office.

Par un jugement n° 1803122 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 avril 2019, M. C... B...

, représenté par

Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 mars 2019 ;

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 26 juin 2018 du préfet des Alpes-Maritimes qui lui refuse le droit au séjour, l'oblige à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office.

Par un jugement n° 1803122 du 7 mars 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 avril 2019, M. C... B..., représenté par

Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 juin 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé son admission au séjour, l'oblige à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office.

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié ", ou à tout le moins de réexaminer son dossier ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le refus d'accorder le droit au séjour en raison du changement de son statut de salarié saisonnier en salarié était illégalement justifié par le dépôt tardif de sa demande ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait parce qu'elle indique la date du 29 janvier 2016 de dépôt de sa demande de changement de statut alors qu'il s'agit du

29 janvier 2015, et les premiers juges n'ont pas tiré les conséquences légales de cette méprise ; il en va de même s'agissant de l'affirmation fausse du préfet selon laquelle le passeport présenté était périmé ; au surplus, la décision attaquée mentionne " M. E... D... " ce qui démontre que sa situation a été confondue avec celle d'un autre individu ;

- dès lors que sa carte de travailleur saisonnier l'autorisait à travailler, il n'avait pas à obtenir l'autorisation de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), au visa de l'article R. 5221-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il bénéficie de droit des dispositions de l'article 1er de l'accord franco-tunisien qui permet d'obtenir une carte de résident de 10 ans au ressortissant tunisien qui justifie d'un séjour régulier en France sur une période d'au moins 3 ans, puisqu'il dispose d'une carte de séjour " travailleur saisonnier " valable du 16 décembre 2013 au 17 décembre 2016, et de récépissés délivrés pour instruire sa demande de délivrance d'une carte de séjour valables jusqu'au 14 décembre 2018.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 novembre 2019, le préfet des AlpesMaritimes demande à la Cour de rejeter la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le décret du 24 juillet 2009 portant publication de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien, relève appel du jugement du 7 mars 2019, par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 juin 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas de reconduite d'office.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, au point 2. du jugement attaqué, le tribunal indique que la circonstance que le préfet aurait commis une erreur dans la date de dépôt de la demande de changement de statut de M. B... est sans incidence sur la légalité du refus du droit au séjour régulier en France, dès lors qu'eu égard aux motifs qui la fonde, le préfet aurait pris la même décision. D'autre part, dans le point 4. dudit jugement, il a estimé que, dès lors que M. B... ne détenait qu'une autorisation de travailler en qualité de saisonnier, il ne pouvait conclure d'autres contrats que saisonniers, et que par suite, le préfet n'avait commis aucune erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'il avait exercé un emploi dans le secteur de la restauration en vertu d'un contrat à durée indéterminée au sein de la Sarl Resto Riviera sans y être autorisé. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient M. B..., les premiers juges n'ont pas omis de statuer sur le moyen tiré de ce que le refus d'accorder le droit au séjour en raison du changement de son statut de salarié saisonnier en salarié était illégalement justifié par le dépôt tardif de sa demande. Par suite, il n'est pas fondé à demander l'annulation dudit jugement.

Sur les conclusions d'annulation :

3. Premièrement, aux termes de l'article R. 5221-3 du code du travail : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) 4° La carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier ", délivrée en application de l'article L. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, accompagné du contrat de travail visé. / Elle permet l'exercice d'une activité salariée dans les conditions prévues aux articles R. 5221-23, R. 5221-24 et R. 5221-25 du code du travail (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-23 du même code : " Un étranger peut occuper un ou plusieurs emplois saisonniers dont la durée cumulée ne peut excéder six mois par an. " Aux termes de l'article R. 5221-23 de ce code : " L'étranger justifiant d'un contrat de travail d'une durée d'au moins trois mois obtient, sous réserve du respect des conditions mentionnées aux articles R. 5221-20 et R. 5221-21, l'autorisation de travail correspondant au premier emploi saisonnier et prenant la forme d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention travailleur saisonnier. " Aux termes de l'article L. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour d'une durée maximale de trois ans, renouvelable, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée, dès sa première admission au séjour, à l'étranger pour l'exercice d'un emploi à caractère saisonnier, défini au 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du même code, lorsque l'étranger s'engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France. La carte porte la mention " travailleur saisonnier ". / Elle donne à son titulaire le droit de séjourner et de travailler en France pendant la ou les périodes qu'elle fixe et qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de six mois par an. " Il résulte de ces dispositions que le 4° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile limite la durée du séjour des titulaires de la carte portant la mention "travailleur saisonnier" à une durée cumulée de six mois par an.

4. Deuxièmement, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié ".

5. Troisièmement, aux termes de l'article 1er de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 du 17 mars 1988 modifié : " Les ressortissants tunisiens résidant régulièrement en France et titulaires, à la date d'entrée en vigueur du présent Accord, d'un titre de séjour dont la durée de validité est égale ou supérieure à trois ans bénéficient de plein droit, à l'expiration du titre qu'ils détiennent, d'une carte de résident valable dix ans. Cette carte est renouvelable de plein droit pour une durée de dix ans. Elle vaut autorisation de séjourner sur le territoire de la République française et d'exercer, dans ses départements européens, toute profession salariée ou non, y compris commerciale. Les ressortissants tunisiens résidant en France et justifiant d'un séjour régulier de moins de trois ans à la date d'entrée en vigueur du présent Accord conservent le bénéfice de l'ancienneté acquise de leur séjour pour l'application des dispositions du présent Accord, en particulier en ce qui concerne la délivrance d'un titre de séjour et de travail d'une durée de dix ans. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France le 16 décembre 2013, muni d'un visa de long séjour valable du 13 décembre 2013 au 13 mars 2014 portant la mention " travailleur saisonnier ", et qu'il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire en cette qualité valable du 18 décembre 2013 au 17 décembre 2016 délivrée à l'étranger qui s'engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France, et qui permet à ce dernier de séjourner en France pendant une ou plusieurs périodes n'excédant pas une durée cumulée de six mois par an, en application des dispositions du 4° de l'article L. 313-10 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers devenu l'article L. 313-23 du même code. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié " en se prévalant d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu avec la Sarl Resto Riviera pour occuper un emploi d'employé polyvalent. Cette demande tendait ainsi à obtenir un changement de statut en vue de se voir délivrer une carte de séjour mention " salarié ". Par la décision attaquée du 26 juin 2018, la demande de M. B... lui a été refusée par le préfet des Alpes-Maritimes au motif notamment que cet emploi n'avait fait l'objet d'aucune autorisation de travail auprès des services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).

7. En premier lieu, M. B... est réputé travailler irrégulièrement pour la Sarl Resto Riviera depuis le 1er janvier 2015, date de la signature de son contrat à durée indéterminée avec cette société, de manière continue, alors qu'il était en possession d'un titre de séjour travailleur saisonnier l'autorisant seulement à séjourner et travailler en France pendant une période de six mois par an et que son employeur n'avait pas sollicité l'autorisation de travail telle que prévue par le code du travail, laquelle ne saurait être constituée par la déclaration préalable à l'embauche souscrite auprès de l'URSSAF du département des Alpes-Maritimes par la société Resto Riviera. Dans ces conditions, le préfet a pu, sans méconnaître les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et celles de l'article L. 313-10 4° du code précité, ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié.

8. En deuxième lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 7., la circonstance que le préfet a commis une erreur de fait s'agissant de la date de dépôt de la demande de changement de statut de M. B..., à savoir le 25 janvier 2016 au lieu du 25 janvier 2015, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

9. En troisième lieu, la circonstance que le préfet a indiqué dans l'arrêté attaqué que M. B... était en possession d'un passeport périmé est sans incidence sur la légalité du refus d'accorder le droit au séjour, qui ne se fonde pas sur cette considération.

10. En quatrième lieu, s'il est exact que le préfet a mentionné le nom d'une autre personne dans un des paragraphes de l'arrêté contesté, ainsi que l'ont dit les premiers juges, cette autorité relate les faits se rapportant au dossier de M. B... tirés de ce qu'il a produit un contrat de travail à durée indéterminée établi le 1er janvier 2015 par la Sarl Resto Riviera pour un poste d'employé polyvalent et que cet emploi n'a fait l'objet d'aucune autorisation de travail auprès des services de la DIRECCTE. Ainsi, pour regrettable que soit l'erreur commise par l'autorité administrative, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet l'ayant confondu avec une autre personne, il n'aurait pas procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle, et par la suite à faire valoir que pour ce motif l'arrêté litigieux est entaché d'illégalité.

11. En cinquième lieu, à supposer que M. B... dispose d'un contrat de travail visé par les services de la main d'oeuvre étrangère, conformément à l'article R. 5221-3 4° du code du travail, l'autorisation de travail ainsi délivrée permet seulement à l'étranger d'occuper un ou plusieurs emplois saisonniers dont la durée cumulée ne peut excéder six mois par an, en application des articles R. 5221-23, R. 5221-24 et R. 5221-25 du code du travail. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir, en se prévalant de son contrat de salarié à durée indéterminée, que c'est à tort que le préfet lui a opposé le détournement de procédure d'un recrutement d'un travailleur salarié en France, pour lui refuser le droit au séjour en France.

12. En sixième lieu, les stipulations de l'article 1er de l'accord franco-tunisien subordonnent l'obtention d'un titre de séjour de dix ans pour les ressortissants tunisiens s'ils justifient d'une résidence régulière en France de trois années. M. B... qui justifie seulement d'une carte de séjour " travailleur saisonnier " valable du 16 décembre 2013 au 17 décembre 2016 par laquelle il s'est engagé à maintenir sa résidence hors de France et qui ne lui donnait pas vocation à séjourner en France plus six mois par an, et de récépissés valant autorisation provisoire de séjour délivrés pour instruire sa demande d'une carte de séjour mention " salarié " jusqu'au 14 décembre 2018, ne justifie pas détenir un titre de séjour dont la validité est égale ou supérieure à trois ans, qui lui permettrait de se prévaloir d'une résidence régulière de trois ans. Ainsi, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas, en prenant sa décision en litige, commis une erreur dans l'appréciation de sa situation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 juin 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé son admission au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller

Lu en audience publique, le 8 juillet 2020.

N° 19MA01552 2

N° 19MA01552 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01552
Date de la décision : 08/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : CASTROVINCI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-08;19ma01552 ?
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