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03/07/2020 | FRANCE | N°18MA03020

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 03 juillet 2020, 18MA03020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 18 avril 2017 par laquelle le préfet du Var a, d'une part, indiqué qu'il refuserait le transfert de l'autorisation d'occupation temporaire sur le domaine public maritime au profit de son futur acquéreur, d'autre part, confirmé qu'elle aurait à libérer les lieux par la démolition des ouvrages.

Par un jugement n° 1702295 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure de

vant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 28 juin 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 18 avril 2017 par laquelle le préfet du Var a, d'une part, indiqué qu'il refuserait le transfert de l'autorisation d'occupation temporaire sur le domaine public maritime au profit de son futur acquéreur, d'autre part, confirmé qu'elle aurait à libérer les lieux par la démolition des ouvrages.

Par un jugement n° 1702295 du 3 mai 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 28 juin 2018 et le 24 juin 2019, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mai 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 18 avril 2017 du préfet du Var ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de réexaminer sa demande tendant à ce qu'il revienne sur son refus de transférer son autorisation d'occupation temporaire et de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande devant le tribunal était recevable ;

- ni les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques, ni les directives générales relatives à la gestion durable et intégrée du domaine public maritime issues de la circulaire ministérielle du 20 janvier 2012 ne prévoient l'impossibilité de transférer une autorisation d'occupation temporaire en cas de changement de propriétaire du bien ;

- en prenant la décision de refus querellée, le préfet a ainsi ajouté à la loi et a méconnu ces dispositions et orientations ;

- le maintien de l'autorisation d'occupation temporaire en cause n'est pas contraire à ces dispositions et orientations ;

- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée au regard des directives de la circulaire du 20 janvier 2012 ;

- ce retrait d'autorisation méconnaît le principe de sécurité juridique ;

- l'obligation de remise en état induite par la révocation de l'autorisation d'occupation temporaire caractérise une atteinte grave à son droit de propriété dès lors que la suppression des ouvrages en cause aurait pour conséquence d'exposer directement l'immeuble à l'assaut des flots ;

- la décision contestée porte atteinte aux intérêts économiques et touristiques liés à l'exploitation de l'hôtel et à la poursuite même de l'activité de l'hôtel restaurant ;

- il n'est pas établi que les limites actuelles du domaine public lui soient opposables ;

- la démolition des ouvrages emporterait pour elle des conséquences irrémédiables, dont notamment la remise en cause de la vente forcée de l'hôtel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2018, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- la loi du 16 septembre 1807 ;

- la circulaire du 20 janvier 2012 relative à la gestion durable et intégrée du domaine public maritime naturel ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... est associée de la SCI Brigitte Bene qui a acquis en 1990 la Villa Saint-Elme, immeuble à usage d'hôtel et de restaurant sur la commune de Roquebrune-sur-Argens. Ont été édifiées au droit de cette immeuble, en vertu d'un permis de construire délivré le 2 avril 1968 au profit de l'ancien propriétaire, une piscine et sa terrasse attenante pour une surface d'environ 234 m², situées en partie sur le domaine public maritime. Des autorisations d'occupation temporaire de ce domaine ont été systématiquement accordées pour ces ouvrages depuis la délivrance du certificat de conformité des travaux, le 12 décembre 1977, la dernière, délivrée à titre conservatoire, expirant le 31 décembre 2017. Dans un contexte de procédure collective concernant l'exploitation de l'hôtel ayant conduit à l'engagement d'une procédure de cession forcée de la propriété, Mme A..., informée que le préfet du Var avait décidé de ne plus accorder d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime après la vente de l'hôtel, lui a demandé de revenir sur sa position. Par décision du 18 avril 2017, le préfet a, d'une part, indiqué qu'il refuserait le transfert de l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime au profit du futur acquéreur, d'autre part, confirmé que l'intéressée aurait à libérer les lieux par la démolition des ouvrages. Mme A... relève appel du jugement du 3 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la domanialité publique :

2. Aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier, particulièrement des photographies produites au dossier, que la piscine et la terrasse sont atteintes par les flots. Mme A... affirme d'ailleurs elle-même que ces ouvrages constituent une digue à la mer au sens de la loi du 16 septembre 1807 et qu'ils contribuent à protéger l'immeuble de l'action des flots. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que lesdits ouvrages ne seraient pas situés sur le domaine public maritime.

Sur la légalité de la décision contestée en tant qu'elle porte refus de transfert d'autorisation d'occupation temporaire sur le domaine public maritime :

4. Il n'appartient pas à l'administration de donner au titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine public maritime laquelle est, en raison de la nature même du domaine public, strictement personnelle et révocable, l'autorisation de transférer cette autorisation. Sollicité par Mme A... d'une demande tendant à ce qu'il lui permette de transférer l'autorisation d'occupation temporaire dont elle était titulaire au futur acquéreur de l'hôtel dont elle est propriétaire, le préfet du Var était ainsi tenu d'opposer un refus à cette demande. Cette situation de compétence liée, qui résulte des principes régissant la domanialité publique, rend dès lors inopérants les moyens soulevés par l'appelante tirés de ce qu'aucun texte ne prévoirait expressément l'impossibilité de transférer une autorisation d'occupation temporaire en cas de changement de propriétaire du bien, et de ce que le préfet, en opposant le refus contesté, a ajouté à la loi et a méconnu les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques et les lignes directrices de la circulaire du 20 janvier 2012. Il en est de même du moyen tiré de ce que ce refus de transfert porterait une atteinte à la promotion touristique attachée à l'exploitation de l'hôtel et à la poursuite même de l'activité de l'établissement.

5. Eu égard aux principes mentionnés au point précédent, la circonstance, invoquée par Mme A..., selon laquelle le service en charge de la gestion du domaine public maritime avait subordonné, lors de la cession de la propriété en 1990, la reconduction de l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime à la condition que le projet d'hôtel aboutisse, n'est pas de nature à garantir la reconduction de cette autorisation sans limite temporelle. Dès lors, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision querellée méconnaîtrait le principe de sécurité juridique.

Sur la légalité de la décision contestée en tant qu'elle fait obligation à Mme A... de remettre les lieux à l'état naturel :

6. Il ressort des pièces du dossier que la terrasse et la piscine en cause sont des ouvrages d'agrément. Alors même que ces ouvrages protègeraient l'immeuble attenant des assauts de la mer, il ne ressort pas des pièces du dossier que leur édification aurait été expressément autorisée par l'administration sur le fondement de la loi du 16 septembre 1807 relative au dessèchement des marais au motif qu'ils assureraient une fonction de digue à la mer. Il s'ensuit que Mme A... ne peut utilement se prévaloir de la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2013-316 QPC du 24 mai 2013 sur la constitutionnalité du 1° de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques cité au point 2 ci-dessus, qui concerne exclusivement les digues érigées sur le fondement de cette loi. Il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen articulé sur cette réserve et tiré de ce que la décision querellée porterait atteinte à son droit de propriété.

7. Mme A... ne peut également utilement faire valoir, pour obtenir l'annulation de la décision contestée, qu'elle ne peut supporter le coût de la suppression des ouvrages, qui serait estimé à 600 000 euros, ni que cette démolition serait de nature à remettre en cause la vente, forcée, de l'hôtel. La circonstance selon laquelle les ouvrages en cause seraient parfaitement insérés dans leur environnement est tout autant sans incidence sur la légalité de cette décision.

8. Enfin, si l'appelante soutient que, dès lors qu'elle s'est vue délivrer une nouvelle autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime au titre de l'année 2018, rien ne justifie alors légalement la remise en cause de cette occupation, il ressort des énonciations de cette autorisation, tout comme au demeurant de celle délivrée au titre de l'année 2017, qu'elle a été délivrée à titre " conservatoire " le temps que l'intéressée procède à la démolition des ouvrages, soit la terrasse et la piscine. En tout état de cause, le préfet a entendu, par la décision du 18 avril 2017 contestée dans la présente instance, non pas s'opposer au renouvellement, au bénéfice de Mme A..., de l'autorisation d'occupation temporaire dont elle était jusqu'alors détentrice, mais seulement refuser de transférer cette autorisation à un tiers.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 19 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 juillet 2020.

2

N° 18MA03020

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03020
Date de la décision : 03/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine.

Domaine - Domaine public - Protection du domaine.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : AARPI MASQUELIER-CUERVO AVOCATS et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-03;18ma03020 ?
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