Vu la procédure suivante :
M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner respectivement le centre hospitalier intercommunal (CHI) du Bassin de Thau et le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Montpellier à leur payer les sommes de 20 000 et 30 000 euros à titre provisionnel en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du décès in utero de leur enfant à naître survenu le 8 juillet 2009 et d'ordonner une expertise.
Par un jugement n° 1501150 du 28 octobre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande et a mis à leur charge définitive les frais d'expertise et une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un arrêt n° 16MA05007 du 28 juin 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. et Mme A..., annulé l'article 4 de ce jugement et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Par une décision n° 423630 du 23 octobre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi de M. et Mme A..., a annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé l'affaire devant la même cour, où la requête a de nouveau été enregistrée sous le numéro 19MA04701.
Procédure devant la Cour :
Sous le numéro 16MA05007 :
Par une requête enregistrée le 27 décembre 2016, M. et Mme A..., représentés par la SCP BCEP, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 octobre 2016 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de condamner respectivement le CHI du Bassin de Thau et le CHRU de Montpellier à leur payer les sommes de 20 000 et 30 000 euros et d'ordonner une expertise médicale ;
3°) de mettre à la charge solidaire des centres hospitaliers la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens.
Ils soutiennent que :
- les opérations d'expertise ont été irrégulières ;
- la grossesse aurait dû faire l'objet d'un suivi spécifique ;
- les décisions de ne réaliser une échographie que le 9 juillet et de ne pas pratiquer une césarienne sont fautives ;
- une expertise est utile pour évaluer notamment la perte de chance d'éviter le décès du foetus et les préjudices subis par Mme A..., dont la réparation ne saurait être inférieure à 50 000 euros ;
- la mise à leur charge des frais d'expertise et d'instance est inéquitable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2017, le CHI du Bassin de Thau et le CHRU de Montpellier, représentés par Me D..., concluent au rejet de la requête.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Une note en délibéré, présentée pour les époux A..., a été enregistrée le 14 juin 2018.
Sous le numéro 19MA04701 :
Par des mémoires enregistrés les 19 décembre 2019, 24 janvier, 26 février et 23 mars 2020, le CHI du Bassin de Thau et le CHRU de Montpellier, représentés par Me D..., concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures et demandent, en outre à la cour de mettre à la charge de M. et Mme A... une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Par des mémoires enregistrés les 6 janvier, 6 février et 9 mars 2020, M. et Mme A..., représentés par Me F..., concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens.
Ils soutiennent, en outre, que le rapport de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Provence-Alpes-Côte d'Azur est erroné et incomplet.
Un mémoire présenté pour les consorts A... a été enregistré le 27 mai 2020.
Un mémoire présenté pour le CHI du bassin de Thau et le CHRU de Montpellier a été enregistré le 27 mai 2020.
Vu :
- l'ordonnance du 2 décembre 2011 par laquelle le président du tribunal administratif de Montpellier a taxé et liquidé les frais de l'expertise ;
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant les consorts A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a confié, en février 2009, le suivi de sa grossesse au centre hospitalier intercommunal (CHI) du Bassin de Thau, puis a été prise en charge, à partir du 28 juin 2009, par le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Montpellier, où la mort in utero du foetus a été constatée le 8 juillet 2009. Par une ordonnance du 25 juillet 2011, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a, à la demande de M. et Mme A..., désigné le Dr Belaiche comme expert appelé à se prononcer sur la conformité aux règles de l'art de la prise en charge de Mme A... dans ces deux établissements. Au cours des opérations d'expertise, M. et Mme A... ont demandé la récusation de l'expert au tribunal administratif de Montpellier, qui a rejeté leur demande par un jugement du 3 avril 2012. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 28 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, au vu, notamment, du rapport d'expertise du Dr Belaiche déposé le 23 novembre 2011, qui concluait que la prise en charge de Mme A... avait été conforme aux règles de l'art, rejeté leur demande tendant à ce que le CHI du Bassin de Thau et le CHRU de Montpellier soient condamnés à leur verser une provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices résultant pour eux du décès de leur enfant à naître et à ce qu'une nouvelle expertise soit ordonnée.
Sur l'impartialité de l'expert :
2. Il résulte de l'instruction que le Dr Belaiche, qui exerçait des responsabilités au sein de la principale organisation syndicale française de gynécologues-obstétriciens, avait, d'une part, pris parti, peu de temps avant la réalisation de l'expertise litigieuse et de manière publique, en exposant qu'il était selon lui nécessaire que les gynécologues-obstétriciens soient mieux défendus devant les juridictions, d'autre part, mis en place, au sein de l'Union professionnelle internationale des gynécologues-obstétriciens, une commission dont il assurait la direction et qui était notamment chargée d'aider les gynécologues-obstétriciens à faire réaliser des expertises aux fins d'assurer leur défense devant les juridictions saisies de litiges indemnitaires dirigés contre eux. Si l'exercice de responsabilités au sein d'organisations syndicales ou professionnelles de médecins n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à la réalisation d'une mission d'expertise, M. et Mme A... sont, dans les circonstances de l'espèce, fondés à soutenir que les fonctions exercées par le Dr Belaiche et ses prises de position ont pu jeter un doute sur son impartialité. Il y a lieu pour ce motif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens relatifs à la régularité des opérations d'expertise, d'écarter des débats le rapport établi par celui-ci le 23 novembre 2011.
Sur la responsabilité :
3. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".
4. En premier lieu, il ressort de ses termes mêmes que le rapport de l'expertise contradictoire diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) de Provence-Alpes-Côte d'Azur établi le 13 août 2013 analyse de manière précise, en pages 4 à 7, l'ensemble des documents utiles du dossier médical de Mme A... et, en ce qui concerne la discussion médico-légale, se réfère en particulier aux recommandations du collège national des gynécologies-obstétriciens de France pour la pratique clinique de décembre 2011 reprenant et actualisant celles de 2008, dont se prévalent également les requérants. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent ces derniers, ce rapport, établi d'après l'état des connaissances scientifiques à la date des faits et de la situation de Mme A..., n'est ni incomplet ni erroné s'agissant de l'analyse de cette situation.
5. En second lieu, il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expertise diligentée par la CRCI, d'une part, qu'avant le début de sa grossesse spontanée intervenu en janvier 2009 alors qu'elle était âgée de 37 ans, Mme A... présentait un utérus polyfibromateux avec des myomes sous-muqueux, interstitiels et sous-séreux, dont le diagnostic avait été posé le 18 octobre 2006, symptomatique car associé à des métrorragies ayant justifié la mise en place d'un traitement par progestatif, et n'avait pas d'antécédent de fausses couches à répétition ou de pertes foetales tardives et, d'autre part, que la grossesse, qui ne nécessitait pas de suivi spécifique en l'absence de caractère pathologique, a fait l'objet d'une prise en charge par le CHI du bassin de Thau entre les mois de février 2009 et juin 2009, avec des consultations et des échographies mensuelles. Il résulte également de l'instruction, et notamment de ce même rapport d'expertise,
que la présence d'une cloison utérine a été mise en évidence par l'échographie du deuxième trimestre réalisée en ville le 29 mai 2009, soit à 20 semaines d'aménorrhée, et que des métrorragies survenues à compter du 12 juin 2009, soit à 22 semaines et 3 jours d'aménorrhée, ont justifié la prise en charge de Mme A... dans le service des grossesses à risque du CHRU de Montpellier, où ont été réalisés plusieurs examens, notamment un prélèvement du col et un monitorage, ainsi que des échographies les 28 et 30 juin 2009, une autre échographie ayant été planifiée pour le 9 juillet 2009, et où il a été procédé à une maturation pulmonaire foetale par traitement médicamenteux.
6. Il résulte encore de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise de la CRCI, d'une part, que la survenue d'un hématome marginal du placenta constitue une complication classique de toute grossesse et celle d'une hématome rétro placentaire une complication redoutable dans moins de 1% des cas et inaugural dans 30% des cas, d'autre part, que la mort foetale in utero à 27 semaines d'aménorrhée a été causée par la survenue brutale d'un hématome rétro placentaire venu probablement compléter un hématome placentaire marginal diagnostiqué par une échographie réalisée le 28 juin 2009 et, enfin, qu'en dépit de la présence de myomes, pour lesquels il n'existait pas d'indication opératoire antérieure à la grossesse en l'absence de problème d'infertilité, de fausses couches à répétition ou d'accident obstétrical majeur, et de la découverte à 20 semaines d'aménorrhée d'une cloison utérine, le suivi de la patiente effectué tant par le CHI du Bassin de Thau que par le CHRU de Montpellier ne peut pas être mis en cause dans cette survenance, ni un défaut de surveillance établi. Il ne résulte en outre pas de l'instruction, en ce qui concerne spécifiquement le CHRU de Montpellier, que la fixation d'une date de prochaine échographie, après celle du 30 juin, au 9 juillet 2009 et l'absence de décision de pratiquer une césarienne, s'agissant d'un prématuré évoluant normalement in utero jusqu'au 6 juillet 2009, auraient revêtu un caractère fautif. Ni le certificat médical du 25 septembre 2009 émanant du chef de clinique assistant du CHRU de Montpellier confirmant le décollement placentaire et formulant une hypothèse quant à l'existence d'un lien entre la mauvaise vascularisation placentaire et la présence de la cloison ou des myomes, ni les recommandations du collège national des gynécologistes-obstétriciens de France mentionnées au point 4, qui, si elles font état d'un taux accru de complications obstétricales en cas de myomes, relèvent également l'absence d'argument suffisant pour une indication de myomectomie avant ou pendant la grossesse ainsi que l'existence de complications inhérentes à la chirurgie sur une future grossesse, ne sont par ailleurs de nature à démontrer l'existence d'un faute dans la prise en charge de la grossesse de Mme A... tant par le CHI du Bassin de Thau que par le CHRU de Montpellier.
7. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, M. et Mme A... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande indemnitaire.
Sur les frais liés à l'instance :
En ce qui concerne les frais d'expertise :
8. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ".
9. Il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce et eu égard à ce qui a été dit au point 2, de partager les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros, en mettant 500 euros à la charge des requérants et 500 euros à la charge solidaire des centres hospitaliers.
En ce qui concerne l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Dans les circonstances de l'espèce, d'une part, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais relatifs à la procédure d'appel et de rejeter les conclusions qu'elles ont présentées à ce titre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, d'autre part, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de M. et Mme A... le versement des sommes auxquelles ils ont été condamnés par le jugement attaqué au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 3 du jugement du 28 octobre 2016 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros, sont mis à la charge définitive de M. et Mme A... à hauteur de 500 euros, et du CHI du Bassin de Thau et du CHRU de Montpellier, pris solidairement, à hauteur de 500 euros.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions du CHI du Bassin de Thau et du CHRU de Montpellier présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à M. C... A..., au centre hospitalier intercommunal du Bassin de Thau, au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2020, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme E..., présidente assesseure,
- M. Sanson, conseiller.
Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.
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N° 19MA04701