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28/06/2018 | FRANCE | N°16MA05007

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 28 juin 2018, 16MA05007


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner respectivement le centre hospitalier du Bassin de Thau et le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier à leur payer les sommes de 20 000 et 30 000 euros à titre provisionnel en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du décès in utero survenu le 8 juillet 2009 de leur enfant à naître et d'ordonner une expertise.

Par un jugement n° 1501150 du 28 octobre 2016, le tribunal

administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...et Mme B...A...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner respectivement le centre hospitalier du Bassin de Thau et le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier à leur payer les sommes de 20 000 et 30 000 euros à titre provisionnel en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du décès in utero survenu le 8 juillet 2009 de leur enfant à naître et d'ordonner une expertise.

Par un jugement n° 1501150 du 28 octobre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 décembre 2016, M. et MmeA..., représentés par la SCP BCEP, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 octobre 2016 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner respectivement le centre hospitalier du Bassin de Thau et le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier à leur payer les sommes de 20 000 et 30 000 euros et d'ordonner une expertise médicale ;

3°) de mettre à la charge solidaire des centres hospitaliers les dépens et la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les opérations d'expertise ont été irrégulières ;

- la grossesse aurait dû faire l'objet d'un suivi spécifique ;

- les décisions de ne réaliser une échographie que le 9 juillet et de ne pas pratiquer une césarienne sont fautives ;

- une expertise est utile pour évaluer notamment la perte de chance d'éviter le décès et les préjudices subis par MmeA..., dont la réparation ne saurait être inférieure à 50 000 euros ;

- la mise à leur charge des frais d'expertise et d'instance est inéquitable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2017, le centre hospitalier intercommunal du Bassin de Thau et le centre hospitalier régional universitaire de Montpellier demandent à la Cour de rejeter la requête.

Ils soutiennent que :

- les opérations d'expertise se sont déroulées de manière régulière ;

- l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier n'a pas fait preuve de partialité ;

- une nouvelle expertise est inutile ;

- aucune faute ne peut être reprochée aux centres hospitaliers mis en cause.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,

- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique,

- et les observations de MeC... représentant M. et MmeA....

Une note en délibéré, présentée pour les épouxA..., a été enregistrée le 14 juin 2018.

1. Considérant que la grossesse de MmeA..., débutée le 15 janvier 2009, a été suivie au centre hospitalier intercommunal du Bassin de Thau, puis dans le service des grossesses pathologiques du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier au sein duquel la requérante a été hospitalisée à compter du 28 juin 2009 en raison de métrorragies ; que le décès in utero de l'enfant à naître a été constaté le 8 juillet 2009 ;

Sur la régularité des opérations d'expertise :

2. Considérant que la circonstance que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier occupe des fonctions au sein de l'Union Professionnelle Internationale des Gynécologues et Obstétriciens et au sein du Syndicat des gynécologues n'est pas, par elle-même, de nature à démontrer sa partialité, pas davantage que celle tenant à la brièveté, selon les requérants, du délai ayant couru de la réunion d'expertise à la clôture du rapport ; que si les requérants soutiennent également que cet expert a exercé dans la même clinique que le praticien qui a pris en charge la patiente au sein du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité :

3. Considérant que s'il est regrettable que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif n'ait pas mentionné dans son rapport les documents médicaux qui étaient soumis à son examen, l'expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation s'est quant à lui référé de manière précise dans son rapport aux documents qu'il a analysés ; que si les requérants soutiennent que l'expert désigné par le tribunal administratif s'est prononcé au vu d'un dossier médical incomplet, il ne résulte pas de l'instruction et notamment des pièces produites et de l'examen des deux rapports que l'absence d'un document médical aurait empêché cet expert de répondre à sa mission ;

4. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute " ;

Quant à la prise en charge au sein du centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment des deux rapports d'expertise produits, que la mort foetale in utero a été causée par un hématome rétro placentaire ; que si Mme A...soutient que, souffrant depuis 2006 d'un utérus polymyomateux et d'une cloison utérine, sa grossesse aurait dû faire l'objet d'un suivi spécifique au centre hospitalier du Bassin de Thau, et à supposer même qu'elle aurait souffert de myomes sous-muqueux symptomatiques qui relèveraient en première intention d'une prise en charge chirurgicale, il n'est en tout état de cause pas établi que la cloison utérine et les myomes auraient joué un rôle dans le décès ni dans la survenue de l'hématome rétro placentaire ; que le lien entre la cloison utérine et les myomes d'une part et le décès d'autre part n'est pas plus établi par le certificat médical du 25 septembre 2009 émanant du chef de clinique assistant du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, qui, s'il confirme le décollement placentaire, émet une simple hypothèse quant à l'existence d'un lien entre la mauvaise vascularisation placentaire et la présence de la cloison ou des myomes ;

6. Considérant, en second lieu, que le praticien du secteur privé qui a réalisé l'échographie du premier trimestre le 25 mars 2009 a conclu à une grossesse harmonieuse normalement évolutive ; que le praticien libéral qui a réalisé celle du deuxième trimestre le 29 mai 2009 a certes noté la présence d'une cloison épaisse paramédiane droite et de deux myomes à éventuellement recontrôler mais a également conclu à une grossesse harmonieuse évoluant de façon normale ; que la patiente ayant présenté le 12 juin 2009 des métrorragies, elle a été prise en charge au sein du centre hospitalier du bassin de Thau où plusieurs examens ont été pratiqués, notamment un prélèvement du col et un monitorage ; que des métrorragies étant réapparues, elle s'est à nouveau rendue au centre hospitalier du bassin de Thau le 22 juin où un monitorage et une échographie ont été réalisés par le DrD..., tel que cela figure dans les deux rapports d'expertise et dans la pièce " Chronologie de prise en charge " rédigée par Mme A... et qui figure en pièce 3 de la demande de première instance ; que dans ces conditions, la prise en charge au sein de cet établissement hospitalier ne peut être qualifiée de fautive ;

Quant à la prise en charge au sein du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier :

7. Considérant que Mme A...a été admise au sein du service des grossesses à risque du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier où elle s'était présentée après de nouvelles métrorragies le 28 juin 2009 ; que le même jour, une échographie a permis de découvrir un hématome décidual marginal ; qu'il résulte de l'instruction que ce type d'hématome, à la différence de l'hématome rétroplacentaire, n'entraîne pas de souffrance foetale dans la grande majorité des cas ; que les métrorragies ont perduré jusqu'au 30 juin, date à laquelle l'équipe médicale a décidé de procéder à la maturation pulmonaire foetale par Célestène(r) ; que les métrorragies ont ensuite cessé ; que Mme A...ne présentait pas de contractions et qu'un monitorage réalisé le 6 juillet s'est révélé normal ; qu'une échographie a été programmée pour le 9 juillet ; que compte tenu de l'ensemble de ces circonstances,

la décision de ne réaliser une échographie que le 9 juillet, à supposer même que cette date ait été fixée sur l'insistance de Mme A...alors que le centre hospitalier avait programmé la réalisation de cet examen plus tardivement, n'est pas fautive ; qu'aucun élément médical n'indiquait par ailleurs la réalisation d'une césarienne entre le 28 juin et le 7 juillet, s'agissant d'un prématuré évoluant normalement in utero jusqu'au 6 juillet et alors que les césariennes concernant des prématurés nés avant 28 semaines d'aménorrhée ne sont pas sans risque de lourdes séquelles ; que la prise en charge au sein du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier ne peut ainsi être qualifiée de fautive ;

En ce qui concerne les frais liés au litige de première instance :

8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties " ; qu'aux termes de l'article L. 761-1 du même code : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

9. Considérant qu'en l'absence de circonstances particulières, les frais de l'expertise ont pu à bon droit être mis à la charge des requérants ; qu'en revanche, il apparaît inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de M. et Mme A... le versement des sommes auquel ils ont été condamnés par le jugement attaqué au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. et Mme A...sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a mis à leur charge la somme de 750 euros à verser à chacun des centres hospitaliers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les frais liés au litige :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier du Bassin de Thau et du centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement d'une somme à M. et MmeA..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'article 4 du jugement du 28 octobre 2016 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à M. E...A..., au centre hospitalier du Bassin de Thau, au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2018, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Barthez, président-assesseur,

- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 28 juin 2018

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N° 16MA05007


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