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02/07/2020 | FRANCE | N°18MA05497

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 02 juillet 2020, 18MA05497


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le centre hospitalier (CH) d'Avignon à lui verser la somme de 35 837,98 euros en réparation des préjudices qu'il impute à sa prise en charge par le service des urgences de cet établissement le 20 avril 2009.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Vaucluse a demandé au tribunal de condamner le CH d'Avignon à lui verser au titre des prestations servies à la victime la somme de 10 610,55 euros assortie des intérêts de d

roit à compter de la demande et au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le centre hospitalier (CH) d'Avignon à lui verser la somme de 35 837,98 euros en réparation des préjudices qu'il impute à sa prise en charge par le service des urgences de cet établissement le 20 avril 2009.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Vaucluse a demandé au tribunal de condamner le CH d'Avignon à lui verser au titre des prestations servies à la victime la somme de 10 610,55 euros assortie des intérêts de droit à compter de la demande et au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion la somme de 1 066 euros.

Par un jugement n° 1603442 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ces demandes et a mis à la charge définitive du CH d'Avignon les frais d'expertise.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 décembre 2018 et 14 mai 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 octobre 2018 en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) de condamner le CH d'Avignon à lui payer, déduction faite de l'indemnité qui lui a été versée en exécution du jugement du 10 septembre 2015 du tribunal de grande instance d'Avignon, la somme de 20 607,04 euros ;

3°) de mettre à la charge du CH d'Avignon la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur son préjudice esthétique permanent ;

- le montant total de son préjudice s'élève à la somme de 39 905 euros, soit 480 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, 15 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, 4 425 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 7 000 euros au titre des souffrances endurées, 8 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 1 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 1 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 avril 2019, le CH d'Avignon, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la CPAM de Vaucluse qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de M. Argoud, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... relève appel du jugement du 30 octobre 2018 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation du CH d'Avignon à lui verser la somme de 35 837, 98 euros en réparation des préjudices subis à l'occasion de sa prise en charge par le service des urgences de cet établissement le 20 avril 2009 à la suite d'une blessure à l'auriculaire droit le 17 avril 2009 ayant fait l'objet de pansements réalisés à la maison médicale du Pontet le 19 avril 2009. Il porte ses prétentions à 20 607,04 euros, déduction faite de l'indemnité qui lui a été versée en exécution du jugement du 10 septembre 2015 du tribunal de grande instance d'Avignon ayant condamné solidairement le médecin de la maison médicale du Pontet et son assureur.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le CH d'Avignon à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de son préjudice esthétique permanent. Le tribunal administratif a omis de se prononcer sur ces conclusions. Il y a lieu, dès lors, d'annuler son jugement en date du 30 octobre 2018 en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions et de se prononcer sur celles-ci par la voie de l'évocation.

Sur le bien-fondé du surplus du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité :

3. Ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal, que M. A... n'a pas bénéficié du diagnostic des lésions profondes de son auriculaire blessé qui s'imposait au regard du tableau clinique qu'il présentait lors de sa prise en charge au service des urgences du CH d'Avignon le 20 avril 2009, que ce manquement aux moyens de diagnostic l'a privé de la possibilité de bénéficier d'une suture tendineuse permettant une récupération du tendon fléchisseur, laquelle n'a pu être réalisée lors de l'intervention ultérieure du 8 juin 2009 et se trouve à l'origine de ses séquelles.

En ce qui concerne la réparation :

4. D'une part, la nature et l'étendue des réparations incombant à une collectivité publique du chef d'un accident dont la responsabilité lui est imputée, ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige où elle n'a pas été partie et n'aurait pu l'être mais doivent être déterminées par le juge administratif, compte tenu des règles afférentes à la responsabilité des personnes morales de droit public et, d'autre part, il appartient au juge administratif de prendre, en déterminant la qualité et la forme de l'indemnité par lui allouée, les mesures nécessaires en vue d'empêcher que sa décision n'ait pour effet de procurer à la victime, par suite des indemnités qu'elle a pu ou qu'elle peut obtenir devant d'autres juridictions à raison des conséquences dommageables du même accident, une réparation supérieure au montant total du préjudice subi.

5. Ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, la faute commise par le CH d'Avignon porte, en elle-même, l'intégralité du dommage subi par M. A... et la circonstance que le médecin de la maison médicale du Pontet a été reconnu responsable de la moitié de son dommage corporel par le jugement du 10 septembre 2015 du tribunal de grande instance d'Avignon ne fait pas obstacle à la condamnation de l'établissement public à réparer l'intégralité des préjudices résultant de la faute commise le 20 avril 2009, à charge pour le juge d'éviter une double indemnisation des postes de préjudice au titre desquels il a été obtenu réparation devant la juridiction judiciaire, en déduisant du montant total du préjudice subi, de manière globale et non poste par poste, l'indemnité accordée par celle-ci.

En ce qui concerne les préjudices, par la voie de l'effet dévolutif :

Quant aux préjudices patrimoniaux :

6. Les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante du préjudice relatif à l'assistance par une tierce personne à raison de deux heures deux jours par semaine au cours du mois d'août 2009 en en fixant la réparation à la somme de 192 euros calculée sur la base du salaire minimum interprofessionnel de croissance horaire brut augmenté des charges sociales fixé à 12 euros.

7. Ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le handicap imputable au retard de diagnostic et de prise en charge de la lésion ligamentaire de l'auriculaire laisse à M. A..., droitier, qui était sans emploi à la date des faits, un déficit fonctionnel permanent de 5% et une pénibilité accrue dans les activités de chauffeur-livreur ou conducteur cynophile auxquelles il peut prétendre eu égard à sa formation. Le tribunal n'a pas procédé à une évaluation insuffisante de l'incidence professionnelle en résultant en fixant la somme destinée à la réparer à 5 000 euros.

Quant aux préjudices extra patrimoniaux :

8. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. A... a subi à compter du 18 août 2019 et jusqu'à la date de consolidation de son état de santé fixée au 1er avril 2010 un déficit fonctionnel temporaire imputable à la faute commise tenant aux difficultés d'utilisation de sa main droite dans les gestes de la vie quotidienne du fait du handicap fonctionnel et douloureux de son auriculaire droit. Les premiers juges ont procédé à une évaluation suffisante, compte tenu de la nature et de la durée de ce déficit fonctionnel temporaire, du préjudice subi à ce titre en en fixant la réparation à 2 500 euros.

9. Les souffrances endurées ont été estimées par l'expert à 3,5 sur une échelle allant de 1 à 7 avant la date de consolidation. Le tribunal n'a pas fait une insuffisante évaluation de ce préjudice en en fixant à 5 000 euros la somme destinée à le réparer.

10. Il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'ainsi que cela a été exposé au point 7, M. A... reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 5% imputable à la faute commise. Les premiers juges ont justement évalué ce préjudice en en fixant la réparation, pour un homme de 40 ans à la date de consolidation, à la somme de 5 500 euros, incluant les souffrances endurées après la consolidation, estimées par l'expert à 2 sur une échelle de 1 à 7.

11. Il résulte encore de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'auriculaire droit de M. A... est spontanément replié en crochet et présente une cicatrice en zigzag étendue de la 1ère à la 3ème phalange et une cicatrice transversale palmaire dans le pli palmaire distal de 2 centimètres et que l'expert a relevé l'existence d'un préjudice esthétique temporaire imputable à la faute commise évalué à 1,5 sur une échelle allant de 1 à 7. C'est dès lors à tort que les premiers juges ont rejeté la demande présentée à ce titre et il y a lieu d'indemniser ce préjudice par l'allocation de la somme de 500 euros.

Sur l'évocation partielle :

12. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. A... subit un préjudice esthétique permanent évalué à 1,5 sur une échelle allant de 1 à 7. Eu égard à ce qui a été exposé au point précédent, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en en fixant la réparation à la somme de 1 500 euros.

13. Il résulte de ce qui précède que le montant total du préjudice subi par M. A..., en conséquence de la faute de l'hôpital, s'élève à 21 192 euros, comprenant la somme de 1 000 euros, non contestée, allouée par les premiers juges au titre du préjudice d'agrément. Le requérant a perçu, pour la réparation du même dommage corporel, des indemnités d'un montant total de 19 297,96 euros en exécution du jugement du tribunal de grande instance d'Avignon du 10 septembre 2015. Eu égard à l'obligation, rappelée au point 5, faite au juge administratif d'éviter une double indemnisation, M. A... est seulement fondé à demander que le CH d'Avignon soit condamné à lui payer la somme de 1 894,04 euros, qui lui a toutefois déjà été versée ainsi que cela résulte de l'instruction, et notamment de la quittance produite par l'hôpital devant le tribunal administratif relative à l'acquittement de la provision de 3 600 euros allouée par l'ordonnance du 25 mai 2011 du juge des référés de ce même tribunal.

Sur les frais liés à l'instance :

14. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge du CH d'Avignon une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 octobre 2018 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions de M. A... tendant à l'indemnisation de son préjudice esthétique permanent et qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de son préjudice esthétique temporaire.

Article 2 : Le CH d'Avignon est condamné à payer à M. A... la somme de 1 894,04 euros sous déduction de la somme qu'il a perçue en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes du 25 mai 2011.

Article 3 : Le CH d'Avignon versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au centre hospitalier d'Avignon, à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2020, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme E..., présidente assesseure,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.

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N° 18MA05497


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05497
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE. RÉPARATION. ÉVALUATION DU PRÉJUDICE. - LA CIRCONSTANCE QUE LA JURIDICTION JUDICIAIRE A RECONNU UNE PERSONNE DE DROIT PRIVÉ RESPONSABLE DE LA MOITIÉ DU DOMMAGE CORPOREL DE LA VICTIME NE FAIT PAS OBSTACLE À LA CONDAMNATION DE L'ÉTABLISSEMENT PUBLIC HOSPITALIER DONT LA FAUTE PORTE EN ELLE-MÊME L'INTÉGRALITÉ DU DOMMAGE SUBI, À RÉPARER L'ENSEMBLE DES PRÉJUDICES RÉSULTANT DE CETTE FAUTE, À CHARGE POUR LE JUGE D'ÉVITER UNE DOUBLE INDEMNISATION DES POSTES DE PRÉJUDICE AU TITRE DESQUELS IL A ÉTÉ OBTENU RÉPARATION DEVANT LA JURIDICTION JUDICIAIRE, EN DÉDUISANT DU MONTANT TOTAL DU PRÉJUDICE SUBI, DE MANIÈRE GLOBALE ET NON POSTE PAR POSTE, L'INDEMNITÉ ACCORDÉE PAR CELLE-CI.

60-04-03 La nature et l'étendue des réparations incombant à une collectivité publique du chef d'un accident dont la responsabilité lui est imputée, ne dépendent pas de l'évaluation du dommage faite par l'autorité judiciaire dans un litige où elle n'a pas été partie et n'aurait pu l'être mais doivent être déterminées par le juge administratif, compte tenu des règles afférentes à la responsabilité des personnes morales de droit public (1) [RJ1].... ,,Il appartient au juge administratif de prendre, en déterminant la qualité et la forme de l'indemnité par lui allouée, les mesures nécessaires en vue d'empêcher que sa décision n'ait pour effet de procurer à la victime, par suite des indemnités qu'elle a pu ou qu'elle peut obtenir devant d'autres juridictions à raison des conséquences dommageables du même accident, une réparation supérieure au montant total du préjudice subi (2) [RJ2].... ,,Pour éviter une double indemnisation des préjudices au titre desquels il a été obtenu réparation devant une autre juridiction, l'indemnité accordée par celle-ci doit être déduite de manière globale et non poste par poste, du montant total du préjudice subi (3) [RJ3].... ,,[RJ4].


Références :

[RJ1]

(1) Cf CE 1979-06-15, Compagnie Groupe ancienne mutuelle, n° 05724, ,,

[RJ2]

(2) Cf CE 1918-07-26, Epoux Lemonnier, n° 49595 et CE 1978-11-03, Centre Hospitalier régional de Rouen, n° 5353, ,,

[RJ3]

(3) Cf CE 2016-05-02, M. Mezzarobba, n° 383044,,,

[RJ4]

Voir la note de Vincent Lhôte à l'AJDA n° 18/2019 du 20 mai 2019 p. 2 et suivantes.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : LEMAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-02;18ma05497 ?
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