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02/07/2020 | FRANCE | N°18MA01882

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 02 juillet 2020, 18MA01882


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) du Baou a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 500 000 euros en réparation de préjudices subis résultant de l'inaction à faire exécuter le jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 11 mai 2010 condamnant le propriétaire d'un terrain voisin à remettre les lieux en l'état et, par ailleurs, d'enjoindre au préfet du Var de démolir les constructions illégales, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard. r>
Par un jugement n° 1500776 du 27 février 2018, le tribunal administratif de To...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) du Baou a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 500 000 euros en réparation de préjudices subis résultant de l'inaction à faire exécuter le jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 11 mai 2010 condamnant le propriétaire d'un terrain voisin à remettre les lieux en l'état et, par ailleurs, d'enjoindre au préfet du Var de démolir les constructions illégales, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1500776 du 27 février 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2018, la SCI du Baou, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 27 février 2018 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 500 000 euros en réparation de préjudices subis résultant de l'inaction à faire exécuter le jugement du tribunal correctionnel de Toulon du 11 mai 2010 condamnant le propriétaire d'un terrain voisin à remettre les lieux en l'état ;

3°) de désigner un expert pour apprécier son préjudice d'agrément.

Elle soutient que :

- l'Etat engage sa responsabilité sans faute ;

- le préjudice d'agrément qu'elle subit depuis plusieurs années est fondé ;

- son bien immobilier accuse une dépréciation importante à hauteur de 500 000 euros.

Par un mémoire, enregistré le 1er avril 2019, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête de la SCI du Baou ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI du Baou est propriétaire d'un mas, " La vieille grange ", situé au 350 Carraire des Moines sur les parcelles D 391 et D 335 de La Cadière d'Azur. A environ 200 mètres au sud de ce mas, M. C... a fait construire, de manière irrégulière, une clôture, des sanitaires et une fosse septique sur son terrain situé sur la parcelle C 1190 en zone à vocation agricole NC du plan d'occupation des sols de la commune. Par un jugement du 11 mai 2010, le tribunal correctionnel de Toulon a condamné M. C... à remettre les lieux en état dans le délai de neuf mois, sous astreinte de 40 euros par jour de retard. Il est constant que M. C..., qui a fait édifier une maison d'habitation et installé des caravanes sur son terrain, n'a pas exécuté ce jugement. Par la présente requête, la SCI du Baou fait appel du jugement du 27 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions indemnitaires en vue de réparer les préjudices d'agrément et matériel dus à la dépréciation de son bien qu'elle estime avoir subis.

2. Aux termes de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme : " En cas de condamnation d'une personne physique ou morale pour une infraction prévue aux articles L. 480-4 et L. 610-1, le tribunal, au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent, statue même en l'absence d'avis en ce sens de ces derniers, soit sur la mise en conformité des lieux ou celle des ouvrages avec les règlements, l'autorisation ou la déclaration en tenant lieu, soit sur la démolition des ouvrages ou la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur. (...) ". Aux termes de l'article L. 480-7 du même code : " Le tribunal impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'utilisation irrégulière du sol un délai pour l'exécution de l'ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation (...) ". Aux termes de l'article L. 480-9 du code : " Si, à l'expiration du délai fixé par le jugement, la démolition, la mise en conformité ou la remise en état ordonnée n'est pas complètement achevée, le maire ou le fonctionnaire compétent peut faire procéder d'office à tous travaux nécessaires à l'exécution de la décision de justice aux frais et risques du bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l'utilisation irrégulière du sol./ Au cas où les travaux porteraient atteinte à des droits acquis par des tiers sur les lieux ou ouvrages visés, le maire ou le fonctionnaire compétent ne pourra faire procéder aux travaux mentionnés à l'alinéa précédent qu'après décision du tribunal judiciaire qui ordonnera, le cas échéant, l'expulsion de tous occupants. ".

3. Il résulte de ces dispositions que, au terme du délai fixé par la décision du juge pénal prise en application de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, il appartient au maire ou au fonctionnaire compétent, de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers, sous la réserve mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 480-9 du code, de faire procéder d'office à tous travaux nécessaires à l'exécution de cette décision de justice, sauf si des motifs tenant à la sauvegarde de l'ordre ou de la sécurité publics justifient un refus. Dans le cas où, sans motif légal, l'administration refuse de faire procéder d'office aux travaux nécessaires à l'exécution de la décision du juge pénal, sa responsabilité pour faute peut être poursuivie. En cas de refus légal, et donc en l'absence de toute faute de l'administration, la responsabilité sans faute de l'Etat peut être recherchée, sur le fondement du principe d'égalité devant les charges publiques, par un tiers qui se prévaut d'un préjudice revêtant un caractère grave et spécial.

4. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la SCI du Baou ne recherche plus que l'engagement de la responsabilité sans faute de l'État. Pour autant, il ne résulte pas de l'instruction que la SCI du Baou aurait subi, à raison de nuisances sonores et visuelles, des troubles de jouissance qu'elle assimile à un préjudice d'agrément ou, malgré deux estimations immobilières, un préjudice matériel d'ordre grave et spécial en raison de la présence de constructions illégales et de caravanes sur une parcelle située à environ 200 mètres de sa propriété et dont elle est séparée par un chemin ainsi que par d'autres parcelles dont certaines sont bâties. Dans ces conditions, de telles conclusions en réparation ne peuvent qu'être rejetées.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la SCI du Baou n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI du Baou est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI du Baou et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2020, où siégeaient :

- M. Poujade, président,

- M. Portail, président assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.

2

N° 18MA01882

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01882
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Responsabilité fondée sur l'égalité devant les charges publiques - Responsabilité du fait de l'intervention de décisions administratives légales.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Permis de démolir - Champ d'application.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Julien JORDA
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : LEVY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-02;18ma01882 ?
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