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02/07/2020 | FRANCE | N°17MA00696

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 02 juillet 2020, 17MA00696


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le centre hospitalier Louis Pasteur de Bagnols-sur-Cèze à lui verser la somme de 337 616 euros en réparation des préjudices qu'elle impute, d'une part, à sa vaccination contre l'hépatite B dans le cadre professionnel et, d'autre part, à l'absence d'information sur les risques liés à cette vaccination.

Par un jugement n° 1302536 du 19 décembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure d

evant la cour :

Par un arrêt n° 17MA00696 du 28 mai 2019, la cour a annulé le jugement at...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le centre hospitalier Louis Pasteur de Bagnols-sur-Cèze à lui verser la somme de 337 616 euros en réparation des préjudices qu'elle impute, d'une part, à sa vaccination contre l'hépatite B dans le cadre professionnel et, d'autre part, à l'absence d'information sur les risques liés à cette vaccination.

Par un jugement n° 1302536 du 19 décembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un arrêt n° 17MA00696 du 28 mai 2019, la cour a annulé le jugement attaqué et a ordonné la réalisation d'une expertise afin de déterminer l'étendue des préjudices de Mme A....

Par des mémoires enregistrés les 14 novembre et 20 décembre 2019, 8 janvier et 31 janvier 2020, Mme A..., représentée par Me G..., demande à la Cour :

1°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze ou de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), la somme totale de 179 621,46 euros assortie des intérêts légaux ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze et de l'ONIAM la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens.

Elle soutient qu'elle a droit au versement d'une somme de 4 927,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 5 850 euros au titre du préjudice d'agrément, de 3 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent, de 48 750 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 114 440 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, de 1 128,12 euros au titre des frais de transport, et de 1 025,84 euros au titre des frais d'aménagement de son domicile.

Par un mémoire enregistré le 7 janvier 2020, l'ONIAM, représenté par Me B..., demande sa mise hors de cause.

Il soutient qu'il n'y a pas de lien de causalité direct et certain entre la vaccination et les troubles observés.

Par un mémoire enregistré le 9 janvier 2020, le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze, représenté par Me C..., demande à la Cour de limiter l'indemnisation de Mme A... à la somme totale de 4 260 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et du préjudice esthétique permanent, de réserver la demande relative aux frais de transport jusqu'à la production de justificatifs et de rejeter le surplus des conclusions de la requête ou, à titre subsidiaire concernant ce surplus, de fixer l'indemnisation à de justes proportions.

Il soutient que :

- il n'existe pas de lien de causalité entre la sclérose en plaques de Mme A... et les frais d'aménagement de son domicile, la nécessité d'une assistance par une tierce personne et un préjudice d'agrément ;

- l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire et du préjudice esthétique permanent ne pourra excéder respectivement 3 260 euros et 1 000 euros ;

- à titre subsidiaire, l'indemnisation du préjudice d'agrément ne saurait excéder 1 500 euros ;

- à titre subsidiaire également, l'indemnisation du besoin d'assistance par une tierce personne doit être fixée à de justes proportions.

La requête a été communiquée à la Mutuelle Nationale des Hospitaliers et des professionnels de la santé et du social qui n'a pas produit de mémoire.

Vu :

- le rapport d'expertise enregistré au greffe de la cour le 16 octobre 2019 ;

- l'ordonnance de liquidation et de taxation des frais d'expertise de la présidente de la cour du 16 octobre 2019 ;

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze.

Considérant ce qui suit :

Sur la mise hors de cause de l'ONIAM :

1. Si les dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique mettent à la charge de l'ONIAM la réparation des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire, elles réservent expressément les " actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun ". En application des dispositions statutaires relatives aux accidents de service et aux maladies professionnelles, et eu égard à l'action dont dispose tout agent public, victime d'un tel accident ou d'une telle maladie, pour obtenir de la personne publique qui l'emploie soit, en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire à la rente viagère d'invalidité ou à l'allocation temporaire d'invalidité à laquelle il peut prétendre, destinée à réparer ses préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux indemnisés par cette rente ou cette allocation ainsi que ses préjudices personnels, soit, dans le cas où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité, la réparation intégrale de l'ensemble de son préjudice, l'indemnisation de Mme A... relève du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze. L'ONIAM doit, en conséquence, être mis hors de cause.

Sur les préjudices :

2. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport, établi par un neurologue, de l'expertise ordonnée par la cour dans son arrêt du 28 mai 2019, que le premier épisode médical pouvant entrer dans le cadre d'une sclérose en plaques date du 28 mars 1994 et que la date de consolidation de l'état de santé de Mme A..., née le 1er avril 1969, a été fixée au 20 décembre 1995.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

3. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de Mme A... en lien avec la sclérose en plaques ne justifie pas le recours à une aide à domicile. Le lien de causalité entre le besoin d'assistance par une tierce personne et cette maladie n'est par ailleurs pas démontré par la production de certificats non circonstanciés établis par un médecin généraliste faisant état de la nécessité du recours à une aide-ménagère 4 heures par semaine. La demande présentée par la requérante à ce titre doit dès lors être rejetée.

4. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, et il n'est pas contesté que Mme A... a dû, dans le cadre des consultations et des soins nécessités par sa sclérose en plaques, se rendre depuis son domicile situé à Pont Saint Esprit au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier, soit 256 kilomètres aller-retour, à ses frais, à six reprises en mars 1994, décembre 1995, décembre 1997, février 1998, février 1999 et mars 2001. Il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze, au titre des frais de trajet correspondants, la somme de 800 euros, justement évaluée d'après le dernier barème kilométrique fiscal applicable pour un véhicule de 4 chevaux.

5. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, qu'en l'absence de déficit neurologique important, ni l'aménagement de la douche du domicile de Mme A... ni la pose d'une poignée pour les toilettes ne peuvent être regardés comme ayant été rendus nécessaires par la sclérose en plaques. La demande présentée par la requérante au titre des frais d'aménagement de son domicile doit donc être rejetée.

En ce qui concerne les préjudices extra patrimoniaux :

6. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que Mme A... a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel de 50 % pendant 622 jours et de 10 % pendant 10 jours. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi à ce titre en lui allouant la somme de 5 150 euros.

7. Il résulte également de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que Mme A... présente un déficit fonctionnel permanent, en lien avec la sclérose en plaques, à hauteur de 25 %. Il y a lieu, compte tenu de l'âge de Mme A... à la date de la consolidation de son état de santé, de fixer l'indemnisation de ce préjudice à la somme de 51 500 euros.

8. Il résulte encore de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que le préjudice esthétique permanent de Mme A... doit être évalué à 1 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à ce titre à la requérante une somme de 1 000 euros.

9. Enfin, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que Mme A... est, du fait de la sclérose en plaques, gênée dans ses activités sportives de pratique du vélo, de la randonnée, d'aquagym et de gymnastique. Il sera fait une juste évaluation de son préjudice d'agrément en en fixant la réparation à la somme de 1 000 euros.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à demander que soit mise à la charge du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze la somme totale de 59 450 euros. Elle a en outre droit aux intérêts au taux légal correspondant à cette indemnité à compter du 19 juillet 2013, date de la décision de rejet de sa demande préalable opposée par le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze, à laquelle celui-ci doit être, en l'absence de production d'un accusé de réception, réputé avoir reçu cette demande.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les frais de l'expertise ordonnée par l'arrêt avant dire droit de la cour du 28 mai 2019, liquidés et taxés à la somme de 1 504,40 euros, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

12. Par ailleurs, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze présentées sur le fondement des mêmes dispositions doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : L'ONIAM est mis hors de cause.

Article 2 : Il est mis à la charge du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze la somme de 59 450 euros au titre du préjudice subi par Mme A.... Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2013.

Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée par l'arrêt avant dire droit de la cour du 28 mai 2019, liquidés et taxés à la somme de 1 504,40 euros, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze.

Article 4 : Le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., au centre hospitalier Louis Pasteur de Bagnols-sur-Cèze, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la Mutuelle Nationale des Hospitaliers et des professionnels de la santé et du social.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2020, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme F..., présidente assesseure,

- Mme H..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.

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N° 17MA00696

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17MA00696
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Service des vaccinations.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : SCP UGGC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-02;17ma00696 ?
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