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30/06/2020 | FRANCE | N°19MA05176

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 30 juin 2020, 19MA05176


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2019 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel cette obligation pourra être exécutée d'office et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français.

Par un jugement n° 1908251 du 4 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a an

nulé l'arrêté du 5 septembre 2019 du préfet des Alpes-de-Haute-Provence.

Procédure ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 5 septembre 2019 par lequel le préfet des Alpes-de-Haute-Provence lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel cette obligation pourra être exécutée d'office et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français.

Par un jugement n° 1908251 du 4 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 5 septembre 2019 du préfet des Alpes-de-Haute-Provence.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2019, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 novembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille.

Il soutient que :

- son second mémoire en défense devant le tribunal administratif de Marseille a été enregistré après la clôture de l'instruction du fait de la communication tardive du second mémoire présenté par M. A... ;

- c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a estimé que l'arrêté du 5 septembre 2019 était entaché d'un vice de procédure devant entraîner son annulation en raison de la méconnaissance du droit d'être entendu.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 10 septembre 2013 dans l'affaire C-383/13 PPU ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. B..., président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet des Alpes-de-Haute-Provence fait appel du jugement du 4 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté qu'il avait pris le 5 septembre 2019 obligeant M. A..., ressortissant malien né le 29 août 1985, à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel cette obligation pourra être exécutée d'office et lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

2. Aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

3. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger des décisions portant obligation de quitter le territoire français et interdiction d'y retourner, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur les mesures envisagées avant qu'elles n'interviennent. Toutefois, selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne relative à la violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, rappelée notamment au point 38 de la décision C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle des décisions faisant grief sont prises que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu des décisions.

4. En l'espèce, le préfet des Alpes-de-Haute-Provence établit en appel qu'il avait envisagé en avril 2019 la réadmission en Italie de M. A..., titulaire d'une carte de résident dans cet Etat, mais que les autorités italiennes avaient rejeté sa demande. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en faisant valoir qu'il était titulaire d'un tel titre de séjour italien avant que le préfet des Alpes-de-Haute-Provence ne prenne l'arrêté contesté, M. A... aurait pu présenter des éléments pertinents susceptibles d'influer sur le contenu des décisions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

5. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur cette méconnaissance pour annuler l'arrêté du 5 septembre 2019 du préfet des Alpes-de-Haute-Provence. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif.

6. En premier lieu, il ressort notamment de la motivation de l'arrêté du 5 septembre 2019 que le préfet des Alpes-de-Haute-Provence a procédé à un examen particulier de la situation de M. A... avant de prendre les décisions contestées. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit donc être écarté.

7. En second lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

8. Il est constant que les autorités italiennes ont accordé la protection subsidiaire à M. A.... Toutefois, en se bornant à produire la décision lui accordant cette protection, il n'établit pas qu'il encourrait personnellement le risque d'être soumis à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine.

9. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Alpes-de-Haute-Provence est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 5 septembre 2019.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1908251 du 4 novembre 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-de-Haute-Provence.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2020, où siégeaient :

- M. B..., président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carotenuto, premier conseiller,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2020.

N°19MA051765


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05176
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : DJERMOUNE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-30;19ma05176 ?
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