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30/06/2020 | FRANCE | N°19MA04569

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 30 juin 2020, 19MA04569


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2019 par lequel le préfet du Var a rejeté sa demande de renouvellement d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel cette obligation pourra être exécutée d'office.

Par un jugement n° 1903043 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 5 juillet 2019 et a e

njoint au préfet du Var de délivrer à Mme B... épouse A... un titre de séjour.

Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2019 par lequel le préfet du Var a rejeté sa demande de renouvellement d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel cette obligation pourra être exécutée d'office.

Par un jugement n° 1903043 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 5 juillet 2019 et a enjoint au préfet du Var de délivrer à Mme B... épouse A... un titre de séjour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 octobre 2019 et le 30 décembre 2019, le préfet du Var demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 15 octobre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... épouse A... devant le tribunal administratif de Toulon.

Il soutient que :

- l'arrêté du 5 juillet 2019, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Toulon, ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il ne méconnaît pas, au surplus, le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en tout état de cause, la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut entraîner l'annulation de la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour en tant qu'étranger malade, mais est seulement susceptible d'entraîner celle de l'obligation de quitter le territoire français et, dans ce cas, il ne peut pas lui être enjoint de délivrer un titre de séjour, mais seulement de réexaminer la situation de Mme B... épouse A... au regard de son droit au séjour.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 décembre 2019 et le 13 janvier 2020, Mme B... épouse A..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet du Var ne sont pas fondés ;

- les violences qu'elle a subies lors de la guerre civile de 1997 font obstacle à ce qu'elle retourne dans son pays d'origine.

Par ordonnance du 30 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 28 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. D..., président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les observations de Me C..., représentant Mme B... épouse A....

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet du Var fait appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté qu'il avait pris le 5 juillet 2019 rejetant la demande de renouvellement de titre de séjour en tant qu'étranger malade présentée par Mme B... épouse A..., ressortissante congolaise (République du Congo) née le 31 décembre 1952, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel cette obligation pourra être exécutée d'office.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Mme B... épouse A... indique être entrée en France le 12 mai 2017. Il ressort des pièces du dossier qu'elle a alors vécu chez sa fille, ressortissante française, et ses petits-enfants avant de se loger dans un autre appartement situé dans la même commune. Cependant, son autre enfant français réside dans la région parisienne et il est constant que ses deux filles aînées résident au Congo. Mme B... épouse A... ne produit aucun élément de nature à établir les motifs pour lesquels elle ne pourrait plus avoir de vie familiale au Congo, pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante-quatre ans. Par suite, eu égard également à la brève durée du séjour habituel en France qui s'élève à deux ans environ, les décisions portant refus de titre de renouvellement de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... épouse A... au respect de la vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précédemment citées doit donc être écarté.

4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon s'est fondé sur la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté du 5 juillet 2019 du préfet du Var. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... épouse A... devant le tribunal administratif ainsi que devant la Cour.

5. En premier lieu, dans l'arrêté contesté, le préfet du Var a visé le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment le 11° de l'article L. 313-11 et le I de l'article L. 511-1, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il a rappelé l'avis du 25 avril 2019 donné par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) selon lequel Mme B... épouse A... peut bénéficier d'une prise en charge médicale dans son pays d'origine et il a estimé qu'au regard de cet avis et de l'ensemble des pièces du dossier, celle-ci ne pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est ainsi suffisamment motivée.

6. Il résulte des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour lorsque cette obligation fait suite à un refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour. Par suite, Mme B... épouse A... n'est pas fondée à soutenir que la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français serait insuffisamment motivée. En tout état de cause, le préfet du Var a énoncé les motifs pour lesquels il estime qu'une mesure d'éloignement ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au présent litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

8. Il ressort de l'avis du collège de médecins du service médical de l'OFII que l'état de santé de Mme B... épouse A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Congo. Les attestations et témoignages produits par la requérante, qui souffre de nombreuses pathologies, sur l'impossibilité d'une prise en charge effective dans ce pays sont imprécis, notamment en n'indiquant pas les traitements dont elle aurait besoin et qui, eu égard à l'offre de soins, feraient défaut. En outre, les violences, mentionnées de manière générale dans des attestations établies le 27 novembre 2019 et le 16 décembre 2019 et qui auraient été subies lors de la guerre civile de 1997 et auraient entraîné notamment une mutilation, ne sont pas établies et ne peuvent être regardées comme rendant impossible la poursuite d'une prise en charge médicale dans le pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précédemment citées doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention dispose que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Les violences que Mme B... épouse A... aurait subies au cours de la guerre civile de 1997 ne sont pas établies et celle-ci ne produit aucun élément sur le risque de traitements contraires à ces dispositions qu'elle encourrait personnellement en cas de retour dans son pays d'origine.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Var est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 5 juillet 2019.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à Mme B... épouse A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1903043 du 15 octobre 2019 du tribunal administratif de Toulon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... épouse A... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de Mme B... épouse A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme E... B... épouse A....

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2020, où siégeaient :

- M. D..., président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carotenuto, premier conseiller,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2020.

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N° 19MA04569


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04569
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : MACONE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-30;19ma04569 ?
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