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30/06/2020 | FRANCE | N°19MA03323

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 30 juin 2020, 19MA03323


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la note de service du 24 janvier 2017, en tant qu'elle prononce son affectation en équipe de détention au sein de l'établissement pénitentiaire des Baumettes à Marseille.

Par un jugement n° 1704824 du 13 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°)

d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 mai 2019 ;

2°) d'annuler la not...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la note de service du 24 janvier 2017, en tant qu'elle prononce son affectation en équipe de détention au sein de l'établissement pénitentiaire des Baumettes à Marseille.

Par un jugement n° 1704824 du 13 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 mai 2019 ;

2°) d'annuler la note de service du 24 janvier 2017, en tant qu'elle prononce son affectation en équipe de détention au sein de l'établissement pénitentiaire des Baumettes à Marseille ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est susceptible de faire l'objet d'un recours dès lors que l'administration a porté atteinte à l'exercice de ses droits et libertés fondamentaux et l'a discriminé en raison de son état de santé ;

- la commission administrative paritaire n'a pas été consultée en méconnaissance des dispositions de l'article 14 de la loi du 11 janvier 1984 ;

- la procédure disciplinaire n'a pas été respectée alors que l'affectation litigieuse constitue une sanction disciplinaire déguisée ;

- l'administration a méconnu les préconisations du médecin de prévention ;

- le droit au reclassement professionnel dont il dispose n'a pas été respecté ;

- la mesure contestée traduit une discrimination fondée sur son état de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2020, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une note de service du 24 janvier 2017, la directrice du centre pénitentiaire de Marseille a fixé la liste des équipes de détention et a affecté M. B..., surveillant principal alors en fonction au parloir des familles, à la 3ème équipe de détention. M. B... fait appel du jugement du 13 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette note de service en tant qu'elle prononce son affectation en équipe de détention.

2. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.

3. Aux termes de l'article 26 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " Le médecin de prévention est habilité à proposer des aménagements de poste de travail ou de conditions d'exercice des fonctions justifiés par l'âge, la résistance physique ou l'état de santé des agents. (...) Lorsque ces propositions ne sont pas agréées par l'administration, celle-ci doit motiver son refus et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail doit en être tenu informé. ". Aux termes de l'article 28-1 du même décret : " En cas contestation des agents, concernant les propositions formulées par le médecin de prévention en application de l'article 26 du présent décret, le chef de service peut, le cas échéant, saisir pour avis le médecin inspecteur régional du travail et de la main-d'oeuvre territorialement compétent. ". Il résulte de ces dispositions que les autorités administratives ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a, le 7 juin 2008, été victime d'un accident dont l'administration a reconnu l'imputabilité au service. Il a par ailleurs été reconnu travailleur handicapé par une décision du 7 juillet 2016. Il a été réintégré le 10 mai 2016 à l'issue d'un congé de maladie en lien avec cet accident et affecté au parloir des familles. Selon l'attestation délivrée le 20 septembre 2016 par le médecin de prévention en fonction au tribunal de grande instance d'Avignon, les séquelles de son accident du travail nécessitent pour lui d'occuper un poste permettant d'alterner les positions debout et assise et d'éviter les longues marches. Exerçant à l'égard de M. B... une surveillance médicale particulière au titre de l'article 24 du décret du 28 mai 1982, le médecin de prévention a, le 11 octobre 2016, déclaré l'intéressé apte à son poste sans contact avec les détenus pendant une période de trois mois, avant de réitérer cet avis d'aptitude sous la même réserve pour la durée d'un mois le 5 janvier 2017 ainsi que pour la durée de deux mois, le 7 février 2017, M. B... étant encore affecté au parloir des familles, en dépit de son affectation en équipe de détention prononcée par la décision attaquée du 24 janvier 2017.

5. Il résulte d'un courrier daté du 14 mars 2019 adressé au tribunal administratif de Marseille par l'administration dans le cadre d'une autre instance mais produit en appel par M. B... que le poste en détention auquel celui-ci a été affecté par la note de service attaquée, s'il implique pour les agents d'alterner les stations debout et assise et comporte la réalisation de tâches administratives dans un bureau sans nécessiter la montée de marches répétitives, n'évite pas les contacts avec les détenus, aucun poste de surveillant ne permettant pour les membres de ce corps une absence totale de tels contacts au centre pénitentiaire de Marseille. Ainsi, la note de service du 24 janvier 2017 prononce l'affectation de M. B... en équipe de détention sur un poste qui ne correspond pas aux propositions formulées par le médecin de prévention le 11 octobre 2016 et le 5 janvier 2017. Même s'il ne résulte pas des dispositions du décret du 28 mai 1982 citées au point 3 que l'Etat employeur serait tenu de se conformer aux préconisations du médecin de prévention, elle doit, dès lors, être regardée comme étant susceptible de porter atteinte à la santé du requérant et des droits qu'il tient de son statut. Par suite, elle ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur et l'intéressé est recevable à la contester par la voie du recours pour excès de pouvoir, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif de Marseille. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

6. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Marseille.

7. Il ne résulte pas des dispositions du décret du 28 mai 1982 citées au point 3 que l'Etat employeur serait tenu de se conformer aux préconisations du médecin de prévention. En conséquence, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la note de service du 24 janvier 2017, en tant qu'elle prononce son affectation en équipe de détention serait illégale du seul fait qu'elle méconnaîtrait les recommandations du médecin de prévention rappelées au point 4. Il ressort cependant des pièces du dossier que M. B... a souffert, à la suite de son accident survenu en 2008, d'une entorse de la cheville gauche qui a nécessité de réaliser en 2014 une ligamentoplastie de cette cheville, à la suite de laquelle il a développé une algodystrophie sévère. Les certificats médicaux établis le 29 avril 2016 et le 21 juin 2017 mentionnent la persistance de douleurs au niveau des orteils, qui surviennent à la mobilisation ou à la station debout prolongée. Le requérant a d'ailleurs été placé en arrêt de travail en 2017 et 2018 en raison de cette affection et le médecin de prévention a préconisé à nouveau, le 11 décembre 2018, son affectation à un poste de travail lui évitant la marche et la station debout prolongée ainsi que la montée ou la descente d'escalier répétitifs. Ainsi, aucun élément du dossier ne permet de douter de la réalité des douleurs éprouvées par le requérant dans certaines situations. Or, le courrier du 14 mars 2019 mentionné au point 5, s'il précise, d'une part, que le poste en détention permet aux agents d'alterner les stations debout et assise ainsi que la réalisation de tâches administratives et évite, normalement, la montée de marches répétitives et, d'autre part, que la longueur des coursives n'est pas importante, indique également que les agents sont alternativement en poste sur une coursive et dans des postes protégés, ce qui exclut nécessairement que la durée continue des périodes durant lesquelles les agents marchent dans la coursive et se tiennent debout soit brève. Dans ces conditions, l'affectation de M. B... en équipe de détention prononcée par la note de service du 24 janvier 2017 est incompatible avec son état de santé.

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à demander l'annulation de la note de service du 24 janvier 2017, en tant qu'elle prononce son affectation en équipe de détention.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 mai 2019 et la note de service du 24 janvier 2017, en tant qu'elle prononce l'affectation de M. B... en équipe de détention, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2020, où siégeaient :

- Mme D..., présidente,

- M. E..., président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2020.

N° 19MA03323 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03323
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Affectation et mutation - Affectation.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation - Introduction de l'instance - Décisions susceptibles de recours.

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours - Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours - Mesures d'ordre intérieur.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : BARTHELEMY RÉGINE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-30;19ma03323 ?
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