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30/06/2020 | FRANCE | N°17MA03931

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 30 juin 2020, 17MA03931


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) de l'Aude, l'association Avenir d'Alet, l'association Aide à l'Initiative pour le Respect de l'Environnement (AIRE), M. D... I... et M. J... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2014 par lequel le préfet de l'Aude a délivré un permis de construire à la société Véraza Energies pour un parc de trois éoliennes sur le territoire de la commune de Véraza.

Par le jugement n° 1500400 du 13 juillet 2017, le

tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) de l'Aude, l'association Avenir d'Alet, l'association Aide à l'Initiative pour le Respect de l'Environnement (AIRE), M. D... I... et M. J... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2014 par lequel le préfet de l'Aude a délivré un permis de construire à la société Véraza Energies pour un parc de trois éoliennes sur le territoire de la commune de Véraza.

Par le jugement n° 1500400 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 septembre 2017 et par deux mémoires complémentaires enregistrés les 28 novembre et 30 décembre 2018, la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) de l'Aude, l'association Avenir d'Alet, l'association Aide à l'Initiative pour le Respect de l'Environnement (AIRE), M. D... I... et M. J..., représentés par la SCP d'avocats Darribere, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 juillet 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2014 du préfet de l'Aude ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les observations orales à l'audience du représentant de la société Véraza Energies, dont la qualité est inconnue, méconnaissent l'article R. 732-1 du code de justice administrative ;

- chacun des requérants justifie d'un intérêt donnant qualité pour agir ;

- le dossier de demande du permis de construire est incomplet au regard des exigences de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, dès lors que le plan de masse ne mentionne pas l'aménagement nécessaire des voies publiques d'accès au site et que les travaux d'aménagement importants des voies publiques d'accès au site ne sont pas mentionnés dans cette demande ;

- le projet exigeait la consultation des gestionnaires de ces voies en application de l'article R. 421-15 4ème alinéa du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire initial a été ainsi obtenu par fraude et aurait dû être retiré par le préfet ;

- le préfet a commis une erreur de fait quant à l'identification et la localisation des éoliennes à supprimer ;

- l'étude d'impact est insuffisante ;

- au regard de l'évolution du milieu entre la première étude d'impact de 2003-2004 et la date du permis de construire en litige, une nouvelle étude d'impact et une enquête publique s'imposaient en application de l'article R. 123-24 du code de l'environnement ;

- le projet est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation du risque de collision des oiseaux et les chiroptères avec les éoliennes dans cette ZPS des Hautes-Corbières et de la zone Natura 2000 des grottes de Lavalette ;

- les nuisances sonores engendrées par le fonctionnement des éoliennes méconnaissent l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- les prescriptions du permis de construire en litige ne permettent pas de remédier aux conséquences dommageables pour l'environnement du projet en méconnaissance de l'ancien article R. 111-15 du code de l'urbanisme, au demeurant non applicable au projet ;

- en tout état de cause, l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme est inconventionnel au regard de l'article 6 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 dite "Directive Habitats", dès lors qu'il ne permet pas à l'administration de refuser un permis de construire qui aurait des conséquences pour l'environnement au sens des articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement ;

- le préfet aurait dû opposer un refus à cette demande de permis de construire au regard de l'article 6 de la directive 92/43/CEE, qui n'a pas été transcrite complètement en droit interne dans les délais impartis par cette directive ;

- le projet méconnaît l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, sans que le bénéficiaire ne puisse opposer l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait au jugement définitif n° 0902540 du 30 juin 2011 du tribunal administratif de Montpellier ;

- la décision en litige ne préserve pas les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine montagnard en méconnaissance de l'article L. 145-3 II du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 mai 2018, la société Véraza Energies, représentée par la société d'avocats BCTG, conclut au rejet de la requête, à ce que la Cour prononce la cristallisation des moyens en application de l'article R. 611-7-1 du code de l'urbanisme et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la demande de première instance était irrecevable dès lors que ni les trois associations requérantes, ni les deux requérants personnes physiques ne justifient d'un intérêt pour agir ;

- le jugement n'est pas irrégulier dès lors que les observations orales présentées à l'audience l'ont été par un juriste qui disposait d'un pouvoir du gérant de la société Véraza Energies ;

- à titre subsidiaire, les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 novembre 2018, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Un mémoire, présenté pour la LPO et autres, a été enregistré le 4 février 2019 et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Par lettre du 7 novembre 2018, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et indiquant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le denier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Une ordonnance du 5 février 2019 a prononcé la clôture de l'instruction à la date de son émission en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Par une lettre du 2 juin 2020, les parties ont été informées de ce que la Cour, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, était susceptible de juger que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 122-3 du code de l'urbanisme était fondé et que cette illégalité était susceptible d'être régularisée.

Par lettre du 5 juin 2020, la LPO et autres ont répondu à cette mesure de régularisation.

La présidente de la Cour a désigné le 16 janvier 2020, Mme B..., présidente assesseure, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 9ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme H...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me C... substituant Me F... pour la société Véraza Energies et Me A... substituant Me G... pour la Ligue de Protection des oiseaux et autres.

Une note en délibéré, enregistrée le 12 juin 2020, a été produite pour la société Véraza Energies.

Une note en délibéré, enregistrée le 16 juin 2020, a été produite pour la société Véraza Energies.

Une note en délibéré, enregistrée le 26 juin 2020, a été produite pour la Ligue de Protection des oiseaux et autres.

Considérant ce qui suit :

1. La société Véraza Energies a déposé le 6 avril 2007 une demande de permis de construire pour l'implantation de cinq aérogénérateurs d'une hauteur en bout de pale de 99,90 mètres et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Véraza au lieu-dit Brugues d'Al Bourdel sur le massif de Saint Salvayre. Par un premier arrêté du 19 décembre 2008, le préfet de l'Aude a refusé de délivrer ce permis de construire. Ce refus a été annulé par un jugement n° 0902540 du 30 juin 2011 du tribunal administratif de Montpellier, qui a enjoint au préfet de procéder à un nouvel examen de la demande. En exécution de ce jugement, le préfet a à nouveau refusé par arrêté du 18 août 2011 de délivrer ce permis de construire. Ce refus de permis de construire a été annulé par un jugement n° 1104607 du 20 juin 2013 du tribunal administratif de Montpellier. En exécution de ce jugement, le préfet de l'Aude a délivré par la décision en litige du 20 novembre 2014 à la société Véraza Energies un permis de construire pour trois éoliennes au lieu des cinq initialement demandées. La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) de l'Aude, l'association Avenir d'Alet, l'association Aide à l'Initiative pour le Respect de l'Environnement (AIRE), M. D... I... et M. J..., riverains du projet, ont demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de ce permis de construire. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Le 1er alinéa de l'article R. 732-1 du code de justice administrative dispose que : " Après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement ou par le magistrat mentionné à l'article R. 222-13, le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose. Les parties peuvent ensuite présenter, soit en personne, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, soit par un avocat, des observations orales à l'appui de leurs conclusions écrites. ". Si cet article R. 732-1 ne confère aucun droit à présenter des observations orales à l'audience à un défendeur qui n'a pas produit de mémoire avant que l'affaire soit appelée à l'audience, la seule circonstance que le tribunal a autorisé son représentant à prendre la parole n'entache pas le jugement d'irrégularité. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal s'est fondé, pour adopter son jugement, sur des éléments de fait ou de droit nouveaux présentés dans ces observations orales, le jugement est régulier.

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal s'est fondé, pour adopter son jugement, sur des éléments de fait ou de droit nouveaux présentés dans les observations orales de M. E..., juriste salarié de la société mère Valorem et représentant de la société Véraza Energies, qui avait produit au demeurant un mémoire en défense avant l'audience. Ce représentant bénéficiait d'un pouvoir du gérant de la société Véraza Energies, communiqué au tribunal le jour de l'audience du 28 juin 2017, pour défendre les intérêts de cette société lors de cette audience. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier pour ce motif.

Sur le bien- fondé du jugement :

En ce qui concerne l'incomplétude du dossier de demande de permis de construire:

4. L'article R. 421-2 dernier alinéa du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la date de la demande de permis de construire, prévoit que : " Lorsque la demande concerne la construction de bâtiments ou d'ouvrages devant être desservis par des équipements publics, le plan de masse indique le tracé de ces équipements et les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages y seront raccordés. A défaut d'équipements publics, le plan de masse indique les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. ".

5. Les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le plan de masse du projet joint à la demande de permis de construire aurait dû mentionner le tracé de l'aménagement des voies publiques, lequel aménagement serait nécessaire selon eux au regard du gabarit des éoliennes à transporter et de l'étroitesse des routes existantes d'accès au site, dès lors que, en tout état de cause, les accès au projet sont mentionnés sur le plan de masse et sur la notice. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne la consultation des gestionnaires des accès aux vois publiques:

6. Aux termes du 4ème alinéa de l'article R. 421-15 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Lorsque la délivrance du permis de construire aurait pour effet la création ou la modification d'un accès à une voie publique, l'autorité ou le service chargé de l'instruction de la demande consulte l'autorité ou le service gestionnaire de cette voie, sauf lorsque le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu réglemente de façon spécifique les conditions d'accès à ladite voie. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le projet ne nécessite pas la création ou la modification d'un accès à la voie publique. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 421-15 du code de l'urbanisme est sans incidence sur l'issue du litige et doit être écarté.

En ce qui concerne l'existence d'une fraude de la part du pétitionnaire :

8. Il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact jointe au dossier de demande de permis de construire décrit de manière exacte l'accès au projet par la route départementale 70 et comprend une analyse de l'impact du projet sur les vois d'accès revêtues et non revêtues. L'ensemble des éléments relatifs à l'existence et la consistance de la voirie desservant le projet, ainsi connus de l'administration, lui ont permis de se prononcer en toute connaissance de cause. La délivrance d'un permis de construire modificatif le 27 juin 2017 qui prévoit comme prescription, suffisamment précise, que l'itinéraire suivi par les engins de chantier devra faire l'objet d'une reconnaissance pour savoir si des travaux d'aménagements routiers sur le domaine public départemental seront nécessaires, et, en ce cas, que ces travaux devront être autorisés par le département avant tout démarrage de chantier, ne vaut pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, reconnaissance implicite par l'administration des carences du permis de construire initial en litige sur ce point et n'établit pas l'existence de manoeuvres frauduleuses de la part du pétitionnaire quant aux voies d'accès. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ce permis de construire a été obtenu par fraude.

En ce qui concerne l'erreur de fait du préfet :

9. Si les requérants soutiennent que le préfet a commis une erreur de fait quant à l'identification et la localisation des éoliennes à supprimer selon les deux variantes recommandées par le commissaire enquêteur en terme d'impact sur les paysages et sur la faune, à savoir, soit l'éolienne E1 seulement, soit les éoliennes E1 et E2, alors que le préfet aurait supprimé dans le permis de construire en litige les éoliennes E4 et E5, il ressort des pièces du dossier et notamment de la comparaison entre la carte situant le "groupe d'éoliennes à l'ouest" jointe à l'étude d'impact et de la carte géographique produite par la société bénéficiaire que le préfet a autorisé dans le permis de construire en litige l'installation des trois éoliennes E1, située sur un terrain boisé et E2 et E3, situées en bordure de ce terrain boisé, qui est moins fréquemment emprunté par l'avifaune et les chiroptères que les milieux ouverts, tels des pâturages, sur lesquelles étaient initialement projetées les éoliennes E4 et E5 et dont l'installation n'a pas été autorisée par le préfet. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de fait en supprimant les éoliennes E4 et E5 au regard du caractère boisé ou non des terrains d'assiette des éoliennes autorisées par la décision en litige.

En ce qui concerne l'insuffisance de l'étude d'impact :

10. Aux termes de l'article R. 122-3 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable : " I. - Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. /II. - L'étude d'impact présente successivement : 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ; 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu ; 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement et la santé, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ; 5° Une analyse des méthodes utilisées pour évaluer les effets du projet sur l'environnement mentionnant les difficultés éventuelles de nature technique ou scientifique rencontrées pour établir cette évaluation ; 6° Pour les infrastructures de transport, l'étude d'impact comprend en outre une analyse des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité ainsi qu'une évaluation des consommations énergétiques résultant de l'exploitation du projet, notamment du fait des déplacements qu'elle entraîne ou permet d'éviter./III. - Afin de faciliter la prise de connaissance par le public des informations contenues dans l'étude, celle-ci fait l'objet d'un résumé non technique./IV. - Lorsque la totalité des travaux prévus au programme est réalisée de manière simultanée, l'étude d'impact doit porter sur l'ensemble du programme. Lorsque la réalisation est échelonnée dans le temps, l'étude d'impact de chacune des phases de l'opération doit comporter une appréciation des impacts de l'ensemble du programme (...) ".

11. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

12. Il ressort des pièces du dossier que la zone d'implantation du projet éolien en litige est située dans un milieu présentant une grande richesse écologique et un enjeu naturaliste fort et classée notamment en zone Natura 2000 Hautes-Corbières, en SIC de la Grotte de Lavalette site important de reproduction des chiroptères et la ZPS Hautes-Corbières riche en grands rapaces d'intérêt communautaire. S'agissant des chiroptères, l'étude d'impact réalisée en 2007 sur la base de l'étude du cabinet Biotope, bureau d'études dédié à l' " expertise naturaliste ", repose sur six nuits d'observation réparties entre mai et septembre 2005 dans les grottes de Lavalette. Trois de ces nuits d'observations effectuées en juillet et en septembre ont été réalisées dans des conditions météorologiques de vent fort faussant les constatations et conclusions tirées, dès lors que l'activité des chiroptères est toujours faible dans ces conditions et qu'ils préfèrent restent à l'abri, ainsi qu'en atteste l'administrateur du groupe Chiroptères Languedoc-Roussillon. Il ressort également des pièces du dossier que la période d'août à septembre, qui correspond au pic de mortalité par collision des chiroptères avec une éolienne, n'a pas été retenue pour l'observation, que les observations réalisées en mai et en juin l'ont été à des heures de faible activité pour la majorité des espèces sensibles au risque de collision et que les inventaires n'ont pas été menés à l'emplacement des machines prévues, ainsi que le souligne dans la note du 25 novembre 2018 l'étude menée par le naturaliste Etienne Ouvrard de la société française pour l'étude et la protection des mammifères. La seule soirée de prospection du 2 juin 2005 est insuffisante pour évaluer l'état du site et les impacts du projet. La DIREN dans son avis défavorable du 2 août 2007 souligne que l'analyse de l'étude d'impact ne prend pas en compte toutes les espèces sensibles ni les potentialités d'extension future de certaines espèces et qu'elle minimise les impacts du projet, sans s'appuyer sur une méthodologie précise pour les évaluer, tout en insistant sur un défaut de prise en compte du risque de mortalité des chiroptères à hauteur des pales. Cette étude initiale n'a pas recensé la présence de certaines espèces protégées comme le Minioptère de Schreibers qui vole pourtant à hauteur des pales d'éoliennes. S'agissant de l'avifaune et notamment de l'aigle botté, l'aigle royal et le vautour percnoptère qui ont été identifiés par le document d'objectif de ce site Natura 2000 comme un enjeu fort de conservation, les sites de nidification de leurs espaces nicheurs n'ont pas été localisés, les distances entre les lieux de nidification des vautours fauves et l'aire d'études sont inexactes et de plus, plusieurs espèces de rapaces protégés n'ont pas été prises en compte dans cette étude, alors que l'étude réalisée à la demande de la société Véraza Energies par la LPO en 2009, qui l'avait informée de la présence de vautours sur le site, montre une fréquentation accrue du site par le vautour fauve. Le directeur de recherche du CNRS spécialiste de l'étude et de la conservation des rapaces dans le Midi méditerranéen atteste le 9 novembre 2018 de l'évolution remarquable depuis 2006 de plusieurs de ces rapaces à haute valeur patrimoniale menacées au niveau français et mondial et sensibles à la présence d'éoliennes. Surtout, comme l'affirment les requérants, le permis de construire en litige a été délivré en 2014 sur la base de ces observations datées de 2005, alors que les chiroptères et les rapaces ont connu une évolution favorable pendant ces neuf années dans le milieu avifaunistique d'implantation du projet. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que le contenu de l'étude d'impact du projet n'était pas suffisant eu égard à l'importance des travaux projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement au regard des exigences de l'article R. 122-3 du code de l'environnement.

13. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le public n'aurait pas été en mesure d'apprécier l'impact réel du projet autorisé sur les espèces en cause, ce qui aurait nuit à son information complète, dès lors que l'avis défavorable du 2 août 2007 de la direction régionale de l'environnement était versé au dossier d'enquête publique et que la LPO avait elle-même reconnu en 2008 la qualité de cette étude de 2007 au regard des données alors disponibles de la science en affirmant notamment que l'étude d'impact avait recensé la "quasi-totalité des espèces présentes ou de passage sur la zone concernée" selon l'avis du commissaire enquêteur. En outre, l'insuffisance de cette étude n'a pas été de nature à exercer une influence sur la décision du préfet, qui, après avoir refusé à deux reprises en 2008 et en 2011 de délivrer le permis de construire sollicité, a délivré en 2014 le permis de construire en litige pour trois éoliennes seulement sur les cinq prévues initialement prévues par le projet en supprimant deux éoliennes situées en plaine pour protéger les rapaces ainsi qu'il a été dit au point 9 du présent arrêt et que l'administration a assorti cette autorisation de nombreuses prescriptions de nature à réduire l'impact du projet sur l'avifaune et les chiroptères. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'insuffisance de l'étude d'impact aurait eu pour effet, en l'espèce, de vicier la procédure suivie préalablement à la délivrance du permis de construire en litige.

En ce qui concerne l'insuffisance des prescriptions du permis de construire :

14. Aux termes de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 entré en vigueur le 1er juillet 2007 et applicable à la date de la décision en litige du 20 novembre 2014 : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. ". Il résulte de ces dispositions qu'elles ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. Dès lors que le permis de construire peut légalement assortir sous conditions le projet de telles prescriptions dans le souci de protéger l'environnement tel que définis aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme serait incompatible avec les objectifs de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la faune et la flore sauvage, dite "directive Habitats", en ce qu'il ne permet pas le rejet pur et simple du projet qui serait de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. En outre, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'article 6 relatif aux mesures de conservation de cette Directive 92/43/CEE était transposé, à la date de la décision en litige, en droit français à l'article L. 414-4 du code de l'environnement, créé par l'ordonnance n° 2001-321 du 11 avril 2001. Par suite, les requérants ne sont pas fondés en tout état de cause à soutenir que le préfet aurait dû opposer un refus à cette demande de permis de construire au regard de l'article 6 de la directive 92/43/CEE.

15. L'article 2 de la décision en litige prescrit notamment que les mesures d'accompagnement proposées par l'étude d'impact seront renforcées durant les travaux d'installation du parc éolien par la présence d'un écologue chargé de veiller sur la prise en compte des habitats de la faune et de la flore et de la nidification des oiseaux lors de l'établissement du calendrier des travaux et par la mise en place d'un système de régulation du fonctionnement des trois éoliennes, d'un système d'alerte pour l'arrêt des trois éoliennes en cas de curée des vautours à proximité et d'un système de détection et d'effarouchement des rapaces. Si les requérants soutiennent que le système d'effarouchement retenu est inefficace pour ne pas avoir empêché la mort d'un aigle royal et de plusieurs faucons crécerelles lors d'une collision avec un aérogénérateur dans le département de l'Hérault, le permis de construire litigieux distingue les zones de sensibilité et de risque modéré pour lesquelles ce dispositif est estimé utile et les zones de forte présence d'espèces protégées très menacées pour lesquelles le même dispositif d'effarouchement est considéré comme insuffisant. Il ressort des pièces produites par les requérants eux-mêmes que, s'agissant des trois espèces de rapaces très menacées, la présence sur le terrain d'assiette du projet de l'aigle royal est nulle, celle du vautour percnoptère quasi-nulle et celle de l'aigle botté est très relative, ce qui permet de regarder la prescription contestée comme efficace. Ce dispositif de prévention apparait fiable s'agissant du vautour chauve qui fréquente essentiellement le site. Quant aux chiroptères qui se nourrissent essentiellement dans les zones boisées et qui ne constituent pas des espèces rares, il est prévu un déboisement important de 70 m autour des éoliennes situées en forêt. Le moyen tiré de la méconnaissance de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), qui aurait fondé un refus du préfet de délivrer un permis de construire un parc éolien sur le territoire d'une autre commune, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige eu égard au principe de l'indépendance des législations. Dans ces conditions, il n'est pas établi que les prescriptions du permis de construire en litige ne permettraient pas de remédier aux conséquences dommageables pour l'environnement du projet.

En ce qui concerne les nuisances sonores engendrées par le fonctionnement des éoliennes :

16. L'article R. 111-2 du code de l'urbanisme prévoit que : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

17. L'étude d'impact mentionne que l'évaluation des niveaux sonores générés au voisinage des éoliennes et notamment au hameau de Saint-Salvayre situé à 600 mètres de l'éolienne E1 est conforme à la réglementation. La circonstance que l'Académie nationale de médecine, dans son rapport du 14 mars 2006, préconise, à titre conservatoire et par précaution, une distance minimale de 1 500 mètres entre une éolienne et une habitation ne permet pas par elle-même d'établir une atteinte à la sécurité publique. Les requérants n'apportent aucun élément technique suffisamment probant de nature à établir que les émergences diurnes et nocturnes résultant du fonctionnement des éoliennes dépasseraient les valeurs autorisées. En outre, l'article 2 du permis de construire en litige comprend des prescriptions, à savoir que l'exploitant devra réaliser des mesures lors de la mise en service des éoliennes chez les plus proches riverains et notamment aux vitesses de vent faibles, et qu'en cas de dépassement des valeurs admises par la réglementation en vigueur, de nouvelles mesures compensatoires devront être adoptées comme l'arrêt ou le ralentissement d'une ou plusieurs éoliennes. Ces prescriptions, qui ne sont ni insuffisantes ni imprécises, sont de nature à prévenir des risques sonores engendrés par le fonctionnement des éoliennes. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme :

18. L'article R. 111-21 du code de l'urbanisme prévoit que le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. Il résulte de ces dispositions que si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme.

19. Les requérants se bornent devant la Cour à réitérer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme par le projet, qui fait partie du parc éolien de Saint- Salvayre qui comprend dans son ensemble 12 éoliennes autorisées, sans l'assortir d'aucun élément de fait ou de droit nouveau. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 22 du jugement attaqué.

En ce qui concerne la méconnaissance du II de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme :

20. Le II de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable, applicable sur le territoire de la commune de Véraza située en zone de montagne, prévoit que : " Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard. ".

21. En se bornant à invoquer la proximité du Pic Bugarach, sommet des Corbières au demeurant situé à plus de 17 kms du projet, et de la commune d'Alet sans préciser en quoi ces espaces seraient caractéristiques du patrimoine montagnard, les requérants n'établissent pas que le projet en litige méconnaîtrait ces dispositions du code de l'urbanisme.

22. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la société Véraza Energies, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme que demande la société Véraza Energies au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) de l'Aude, de l'association Avenir d'Alet, de l'association Aide à l'Initiative pour le Respect de l'Environnement (AIRE), de M. D... I... et de M. J... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Véraza Energies sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) de l'Aude, à l'association Avenir d'Alet, à l'association Aide à l'Initiative pour le Respect de l'Environnement (AIRE), à M. D... I..., à M. J..., à la société Véraza Energies et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie pour information sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, où siégeaient :

- Mme B..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,

- Mme H..., première conseillère,

- Mme K..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2020.

N° 17MA03931 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 17MA03931
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP CABINET DARRIBERE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-30;17ma03931 ?
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