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26/06/2020 | FRANCE | N°19MA01163

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 26 juin 2020, 19MA01163


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Castellaras Charges Particulières a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 28 septembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle des Alpes-Maritimes a refusé de lui accorder l'autorisation de licencier M. D... C... pour un motif économique, ainsi que la décision du 7 avril 2017 par laquelle la ministre du travail a confirmé la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé le 7 novembre 2016 contre cette décision.

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n jugement n° 1702293 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Nice a reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Castellaras Charges Particulières a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 28 septembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle des Alpes-Maritimes a refusé de lui accorder l'autorisation de licencier M. D... C... pour un motif économique, ainsi que la décision du 7 avril 2017 par laquelle la ministre du travail a confirmé la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé le 7 novembre 2016 contre cette décision.

Par un jugement n° 1702293 du 8 janvier 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 13 mars 2019, l'association Castellaras Charges Particulières, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 8 janvier 2019 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle des Alpes-Maritimes du 28 septembre 2016 ainsi que la décision du 7 avril 2017 de la ministre du travail ;

3°) d'autoriser le licenciement économique de M. C....

Elle soutient que :

- la réalité du motif économique est établie ;

- l'inspecteur du travail a retenu sans aucune motivation, l'existence d'un lien entre le mandat détenu par le salarié et la demande d'autorisation de licenciement.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient s'en remettre aux observations exposées devant le tribunal administratif de Nice.

Par ordonnance du 27 novembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 20 décembre 2019.

Un mémoire présenté pour l'association Castellaras Charges Particulières a été enregistré le 3 juin 2020, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. L'association Castellaras Charges Particulières relève appel du jugement du 8 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 septembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle des Alpes-Maritimes, qu'elle a saisi d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique de M. C..., détenteur d'un mandat de délégué du personnel, a refusé d'autoriser ce licenciement, ainsi que la décision du 7 avril 2017 par laquelle la ministre du travail a confirmé la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé le 7 novembre 2016 contre cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière.

3. Constitue un licenciement pour motif économique, tel que défini par l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa version alors applicable, " tout licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. "

4. En l'espèce, l'administrateur judiciaire de l'association a sollicité l'autorisation de licenciement de M. C... en mettant en avant la situation économique de l'association, le caractère structurellement déficitaire de l'activité de jardinage et la très forte diminution de cette activité qui constitue l'activité principale de l'association, sept des onze salariés de l'association exerçant des fonctions de jardinier. L'inspecteur du travail a rejeté cette demande en estimant que l'association ne rapportait pas l'existence de difficultés économiques et que, par ailleurs, l'enquête n'avait pas permis d'établir l'absence de lien avec le mandat de M. D... C.... Par décision du 7 avril 2017, la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé le 7 novembre 2016 contre la décision de l'inspecteur du travail.

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. ".

6. Il ressort des mentions de la décision en litige que l'inspecteur du travail a estimé, sans l'assortir d'aucun élément de fait, que l'absence de lien entre le mandat du salarié et la demande d'autorisation de licenciement n'était pas établie. Dès lors, cette décision ne peut être regardée comme suffisamment motivée au regard des prescriptions de l'article R. 2421-12 du code du travail. Par ailleurs, la décision de la ministre du travail n'a pu, alors même qu'elle précise que la décision de l'inspecteur du travail n'est pas motivée sur le lien avec le mandat, et que ce lien n'était pas établi, faire rétroactivement disparaître le vice de forme affectant la décision de l'inspecteur du travail. Elle ne s'est pas davantage substituée à ladite décision qu'elle a au contraire expressément confirmée. Dans ces conditions, l'association requérante est fondée à soutenir que la décision de l'inspecteur du travail en litige est entachée d'un défaut de motivation.

7. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'activité de l'association requérante était en baisse depuis 2012 et qu'elle présentait un déficit d'exploitation de 13 129,54 euros en 2012, de 13 721,20 euros en 2013, de 12 805,08 en 2014 et de 5 245,51 euros en 2015. L'activité de jardinage, notamment, était en diminution très sensible. Cette activité, qui représentait 13 783 heures de travail en 2012, ne représentait que 8 606 heures de travail en 2015 et 3 962 heures pour les six premiers mois de 2016, les adhérents de l'association ayant cessé de recourir au service jardinage. Si le déficit a légèrement régressé au cours de cette période, le résultat d'exploitation restait déficitaire depuis 2012 et traduisait ainsi une situation économique durablement dégradée, l'activité de jardinage demeurant structurellement déficitaire. En outre, le résultat financier net positif en 2015 n'était pas de nature à infirmer la réalité des difficultés économiques dès lors qu'il avait pour origine un résultat exceptionnel de 8.707 euros, le résultat d'exploitation de l'activité jardinage demeurant néanmoins déficitaire de 5 245,51 euros cette même année. Par suite, les circonstances invoquées par l'employeur sont de nature à établir l'existence de difficultés économiques réelles de nature à justifier le licenciement de M. C....

8. Il résulte de ce qui précède que l'association Castellaras Charges Particulières est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 28 septembre 2016 ainsi que, par voie de conséquence, le rejet opposé le 7 avril 2017 par la ministre sur son recours hiérarchique.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

10. Il résulte de l'instruction que, suite à l'expiration des fonctions représentatives de M. C..., celui-ci a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique le 23 novembre 2017. En tout état de cause, il n'appartient pas au juge administratif d'autoriser le licenciement d'un salarié protégé. Les conclusions tendant à ce que La Cour autorise le licenciement de M. C... ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 8 janvier 2019 et les décisions du 28 septembre 2016 de l'inspecteur du travail et du 7 avril 2017 de la ministre du travail sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association Castellaras Charges Particulières est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Castellaras Charges Particulières, à M. D... C... et à la ministre du travail.

Copie en sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2020, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 26 juin 2020.

N° 19MA01163

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01163
Date de la décision : 26/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CABINET MARIA - RISTORI-MARIA

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-26;19ma01163 ?
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