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18/06/2020 | FRANCE | N°18MA05427

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 18 juin 2020, 18MA05427


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français prise à son encontre par le préfet des Alpes-Maritimes le 22 décembre 2017 et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte d'une somme de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1800829 du

4 juillet 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français prise à son encontre par le préfet des Alpes-Maritimes le 22 décembre 2017 et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte d'une somme de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1800829 du 4 juillet 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés au greffe de la Cour les 19 décembre 2018 et 7 février 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 juillet 2018 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 22 décembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et subsidiairement d'enjoindre à cette même autorité de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours et de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à conseil, sous réserve pour ce dernier de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté a été signé par une autorité incompétente ;

- le préfet s'est estimé lié par l'avis médical du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2018.

La requête a été communiquée au préfet-des-Alpes Maritimes qui n'a pas produit en défense.

Vu :

- le jugement attaqué ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Poujade, président-rapporteur ;

- les observations de Me D... pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 3 mars 1988 à Kindia (Guinée), de nationalité guinéenne, a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français prise à son encontre par le préfet des Alpes-Maritimes le 22 décembre 2017 et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1800829 du 4 juillet 2018, dont il relève appel, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 31311 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. (...) ".

3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'OFII a considéré que, si l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge n'est pas susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque. Toutefois, il ressort du certificat médical du 14 mars 2017 que M. A... souffre d'une dépression sévère et qu'un traitement psychotrope et un suivi psychiatrique sont nécessaires et indispensables pour éviter les risques de suicide. Par ailleurs, il soutient sans être contredit que les médicaments Imovane, Seresta et Venlafaxine ne sont pas accessibles en Guinée. En outre, il ressort du certificat médical du 17 décembre 2018 du service de santé universitaire de l'université de Nice et de l'attestation du bureau d'aide psychologique universitaire de Nice du 19 décembre 2018 qu'il a été de nouveau hospitalisé à Nice en 2018. Enfin, il ressort d'un certificat médical d'un médecin psychiatre du 6 février 2020 que les médicaments nécessaires à son traitement ne sont pas accessibles dans son pays d'origine et qu'un arrêt des soins mettrait à court terme sa vie en danger. Bien que ces derniers éléments soient postérieurs à la décision attaquée, ils révèlent que l'état de M. A... ne lui permettait pas de voyager sans risque vers son pays d'origine et que l'arrêt de son traitement et de son suivi médical était susceptible, à la date de la décision attaquée, d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que la décision du 22 décembre 2017 a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, d'annuler le jugement du 4 juillet 2018 du tribunal administratif de Nice et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 22 décembre 2017.

Sur les conclusions accessoires en injonction :

5. Eu égard au moyen d'annulation retenu au point 3, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet des AlpesMaritimes de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 7611 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D..., avocat de M. A... d'une somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 4 juillet 2018 et l'arrêté du préfet des AlpesMaritimes du 22 décembre 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des AlpesMaritimes de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera à Me D... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 7611 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation à la perception de la part contributive de l'État dans le cadre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me D....

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2020, où siégeaient :

- M. Poujade, président-rapporteur,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 18 juin 2020.

2

N° 18MA05427

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05427
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Alain POUJADE
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : PAPAPOLYCHRONIOU

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-18;18ma05427 ?
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