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16/06/2020 | FRANCE | N°19MA02043

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 16 juin 2020, 19MA02043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé le droit au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement.

Par un jugement n° 1806385 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3

mai 2019, M. E... C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé le droit au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement.

Par un jugement n° 1806385 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 mai 2019, M. E... C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 janvier 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé le droit au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement ;

3°) d'ordonner au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais de justice sous réserve que son conseil renonce à percevoir l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le préfet a méconnu les articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ne reconnaissant pas son droit à une vie privée et familiale normale en France ;

- la décision qui lui interdit le retour en France pour deux années est disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mars 2019.

Une mise en demeure a été adressée le 17 octobre 2019 au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les observations de Me B..., substituant Me D..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant ukrainien, né le 22 janvier 1953, relève appel du jugement du 10 janvier 2019, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement.

Sur les conclusions d'annulation :

En ce qui concerne le droit au séjour :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Et selon l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., âgé de 65 ans à la date de l'arrêté attaqué, réside de manière continue en France depuis le 31 août 2007, en dépit d'un précédent refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français du 30 avril 2015, confirmé par le tribunal administratif de Marseille et par la présente Cour. Sa fille, de nationalité française, et son fils qui dispose d'un titre de séjour, résident en France et peuvent subvenir à ses besoins ainsi qu'à ceux de leur mère et épouse de l'intéressé qui demeure également en France avec son mari. Le requérant est propriétaire d'un terrain à Tourves dans le département du Var, et il y a travaillé en tant que maçon en 2012 et 2013 puis comme agent de sécurité en 2015 et 2016, éléments qui témoignent de son intégration au sein de la société française. Ainsi, M. C... justifie d'attaches familiales en France et il y démontre son insertion sociale. Dans les circonstances très particulières de l'espèce, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen, le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu le droit de M. C... de mener une vie privée et familiale normale au regard des dispositions précitées des articles 8 et L. 313-11 7°. Par suite, la décision du préfet des Bouches-du-Rhône qui refuse le séjour régulier en France de M. C... doit être annulée.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire national :

4. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision par laquelle le préfet a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours porte une atteinte disproportionnée au droit de M. C... de mener une vie privée et familiale normale. Par suite, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, cette décision doit être annulée.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

5. Par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le pays de renvoi doit également être annulée

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Le présent arrêt implique que le préfet des Bouches-du-Rhône délivre à M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale. Il n'y pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige:

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me D..., avocat de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à ce conseil de la somme de 1200 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1806385 du 10 janvier 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé à M. C... son admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement, est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Article 4 : L'État versera à Me D... la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., au préfet des Bouches-du-Rhône, à Me D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

N° 19MA02043 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02043
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : KUHN-MASSOT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-16;19ma02043 ?
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