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16/06/2020 | FRANCE | N°18MA05522

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 16 juin 2020, 18MA05522


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi et l'a interdit de retour en France pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1805376 du 22 novembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande

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Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2018, M. A.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi et l'a interdit de retour en France pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1805376 du 22 novembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 novembre 2018 ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 27 décembre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa demande de titre de séjour et de prendre une nouvelle décision dans le délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur la légalité de la décision interdisant son retour en France pour une durée de deux ans ;

- la décision refusant de l'admettre au séjour est illégale en ce qu'il a établi en France le centre de sa vie privée et familiale ;

- la décision interdisant son retour en France pour une durée de deux ans est entachée d'illégalité pour ce même motif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 21 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 mars 2020 à 12 heures.

Par décision du 22 février 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant turc, a présenté une demande d'asile qui a été enregistrée le 29 octobre 2013. Par décision du 13 juin 2014, l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté cette demande. A la suite du rejet, le 5 mai 2015, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), du recours formé contre cette décision, le préfet des Bouches-du-Rhône a, par un arrêté du 26 juin 2015, refusé d'admettre l'intéressé au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 18 avril 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté. Ce dernier a cependant présenté une nouvelle demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail. Il fait appel du jugement du 22 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi et l'a interdit de retour en France pour une durée de deux ans.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des mentions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille que l'intéressé concluait à l'annulation totale de l'arrêté préfectoral du 27 décembre 2017, ainsi que l'a visé le jugement attaqué. Il soutenait notamment que cet arrêté était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, qu'il résidait sur le territoire national de manière habituelle et continue depuis 2013, qu'il y travaillait pour la même entreprise depuis 2016 et qu'il avait dès lors sollicité son admission exceptionnelle au séjour par le travail. Il en déduisait que, alors qu'aucun trouble à l'ordre public ne lui était reproché, son insertion par le travail s'opposait à ce qu'il fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et d'une interdiction d'y retourner durant deux ans. Le tribunal administratif, qui a rejeté la demande de M. A... sans se prononcer sur ces moyens en tant qu'ils étaient invoqués au soutien des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision portant interdiction de retour pour la durée de deux ans, a entaché son jugement d'une irrégularité sur ce point. Le jugement attaqué doit donc être annulé dans cette mesure.

3. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. A... dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision portant interdiction de retour pour la durée de deux ans et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées devant le tribunal administratif.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant refus d'admission au séjour :

4. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) ". Aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a déclaré séjourner en France depuis le 26 octobre 2013, a produit, à l'appui de sa demande de titre de séjour, une demande d'autorisation de travail fondée sur une promesse d'embauche à durée indéterminée en qualité de tailleur de pierre, établie par une entreprise de construction de maisons individuelles. Il y a joint, en outre, des bulletins de salaires portant sur cet emploi, correspondant à la période de mai 2016 à février 2017. Il a produit par ailleurs devant le tribunal administratif les bulletins de salaire portant sur la période de mars 2017 à décembre 2017. Alors même que le montant des salaires reçus s'élevait à 1 250 euros en moyenne et que cet emploi était déclaré, le préfet a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, refuser de délivrer au requérant la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le cadre de l'article L. 313-14 du même code au motif que, eu égard notamment à la durée du séjour et à celle de la période d'emploi de l'intéressé, celui-ci ne justifiait pas de motifs exceptionnels au sens de ces dernières dispositions.

6. Pour établir que la délivrance de la carte de séjour temporaire mentionnée au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se justifie au regard de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, M. A... se borne à exciper des éléments cités au point précédent, de la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour et de la location d'un logement à partir du 1er décembre 2017. Ainsi cependant qu'il a été rappelé au point 1, il s'est soustrait à l'obligation de quitter le territoire dont il avait fait l'objet le 26 juin 2015. Au vu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle en refusant de lui délivrer cette carte de séjour temporaire, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu ces dispositions et n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

7. Pour le motif énoncé au point 6, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre du requérant, qui ne peut être regardé comme bénéficiant d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour pour la durée de deux ans :

8. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

9. Eu égard à la durée de présence de M. A... sur le territoire français et aux conditions de son séjour en France, dès lors, notamment, qu'il s'est soustrait à une mesure d'éloignement, et en dépit du fait que sa présence sur le territoire français ne représenterait pas une menace pour l'ordre public, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de l'intéressé d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 novembre 2018 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de M. A... dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision portant interdiction de retour pour la durée de deux ans.

Article 2 : Les conclusions de M. A... devant le tribunal administratif de Marseille dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision portant interdiction de retour pour la durée de deux ans et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. D..., président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

N° 18MA05522 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05522
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : VINCENSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-16;18ma05522 ?
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