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16/06/2020 | FRANCE | N°17MA03953

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 16 juin 2020, 17MA03953


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Serres du Gard a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'une part l'annulation, la décision en date du 17 avril 2015 par laquelle le maire de La Boissière s'est opposé à la déclaration préalable qu'elle a déposée pour la pose de panneaux photovoltaïques sur la toiture de serres agricoles et l'édification d'une clôture au lieu-dit " Camps del prat ", sur un terrain situé sur le territoire de la commune, ensemble le rejet implicite opposé à son recours gracieux du 29 avril 2015

et d'autre part, d'enjoindre à la commune de la Boissière de prendre une décisi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Serres du Gard a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'une part l'annulation, la décision en date du 17 avril 2015 par laquelle le maire de La Boissière s'est opposé à la déclaration préalable qu'elle a déposée pour la pose de panneaux photovoltaïques sur la toiture de serres agricoles et l'édification d'une clôture au lieu-dit " Camps del prat ", sur un terrain situé sur le territoire de la commune, ensemble le rejet implicite opposé à son recours gracieux du 29 avril 2015 et d'autre part, d'enjoindre à la commune de la Boissière de prendre une décision de non-opposition, dans un délai de 5 jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1504445 du 20 juillet 2017, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du maire de La Boissière du 17 avril 2015 et a enjoint au maire de se prononcer à nouveau sur la déclaration préalable déposée par la société Serres du Gard dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2017, la commune de La Boissière, représentée par la SCP CGCB, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 juillet 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Serres du Gard devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de la société Serres du Gard le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dès lors que la notion de terrain au sens de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme renvoyant à celle d'unité foncière et que la demande de déclaration préalable porte sur deux unités foncières distinctes, le projet impliquait le dépôt de deux déclarations ;

- les moyens invoqués par la société Serres du Gard sont infondés ;

- la décision en litige est légalement justifiée par la méconnaissance des articles NC 1, NC 4 et NC 11 du règlement du plan d'occupation des sols et de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme.

La requête a été communiquée à la société Serres du Gard qui n'a pas produit de mémoire.

La présidente de la Cour a désigné par décision du 16 janvier 2020, Mme C..., présidente assesseure, pour assurer les fonctions de présidente par intérim la 9ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la commune de La Boissière.

Une note en délibéré, enregistrée le 28 mai 2020, a été produite pour la commune de La Boissière.

Considérant ce qui suit :

1. La société Serres du Gard a déposé auprès de la commune de La Boissière une déclaration préalable de travaux en vue notamment de la pose de panneaux photovoltaïques sur la pente sud des toitures de serres agricoles. Par arrêté du 17 avril 2015, le maire de la commune s'est opposé à cette déclaration préalable. Par courrier du 29 avril 2105, la société Serres du Gard a formé un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté, qui a fait l'objet d'un rejet implicite. Par le jugement attaqué dont relève appel la commune de La Boissière, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du maire de La Boissière du 17 avril 2015 et a enjoint au maire de se prononcer à nouveau sur la déclaration préalable déposée par la société Serres du Gard dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce qu'elle affirme, la commune de La Boissière n'a pas soulevé, devant le tribunal administratif, de fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande présentée par la société Serres du Gard, ni davantage, du " défaut de notification du recours contentieux dans les conditions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ". Ainsi, le moyen tiré de l'omission à répondre à ces fins de non-recevoir doit être écarté.

3. D'autre part, il résulte des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont visé et analysé les conclusions présentées par la commune appelante tendant au rejet de la demande de la société Serres du Gard et à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le moyen tiré de l'omission de l'analyse de ces conclusions manque en fait.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Pour s'opposer à la déclaration préalable déposée par la société Serres du Gard, le maire de La Boissière s'est fondé sur la circonstance que l'assiette de ce projet était constituée de deux unités foncières distinctes, séparées par le chemin rural n° 17 et a considéré en conséquence que deux dossiers de déclaration préalable, distincts auraient dû être déposés, en application des dispositions susmentionnées de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme.

5. Par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé l'arrêté du 17 avril 2015 pour erreur de droit au motif que ni les dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, ni aucune disposition législative ou réglementaire n'impose par principe que des demandes d'autorisation de construire soient déposées lorsqu'un même projet a pour assiette deux unités foncières différentes et qu'en l'espèce, la circonstance que le projet ait fait l'objet d'une demande unique et porte sur des parcelles non contiguës, ne faisait pas par elle-même obstacle à ce que le service instructeur apprécie le projet au regard des règles d'urbanisme, applicables pour chaque unité foncière, quand bien même le projet comporte des constructions dissociables.

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme: " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet regroupe les parcelles cadastrées section D n° 376 à 379 appartenant au même propriétaire. La parcelle n° 379 est séparée des autres terrains par la présence d'un chemin rural constituant le domaine privé communal. Si la commune de La Boissière se prévaut les dispositions précitées de l'article R. 423-1 précisant que les demandes émanent notamment du ou des " propriétaires du ou des terrains ", de telles dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet d'interdire au pétitionnaire qui projette la pose de panneaux photovoltaïques sur la toiture de serres agricoles sur des terrains lui appartenant formant deux unités foncières, non contigües et l'implantation d'une clôture en limite parcellaire de procéder au dépôt d'une déclaration préalable de travaux pour chacune de ces unités dès lors que le service instructeur a pu apprécier le projet, dans son intégralité, au regard des règles d'urbanisme applicables pour chacune des unités foncières distinctes.

8. En second lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

9. Premièrement, le règlement du plan d'occupation des sols (POS) communal définit la zone NC comme une zone de richesse économique dans laquelle les terrains doivent être réservés à l'exploitation agricole, l'élevage et l'exploitation des ressources du sous-sol ou de la forêt. L'article NC 1 du même règlement admet notamment les " constructions et bâtiments d'exploitation (...) directement liés et nécessaires à l'exploitation agricole ".

10. Il ressort des pièces du dossier que la déclaration préalable de travaux porte sur l'édification d'une clôture et la pose de panneaux photovoltaïques sur la pente sud de la toiture de serres destinées à la culture maraîchère de M. A..., agriculteur qui entend diversifier sa production agricole. Eu égard à leur hauteur, l'implantation de serres n'est pas soumise au dépôt d'une déclaration préalable de travaux. Le projet contesté n'a pas pour objet de modifier la destination agricole des serres qui, liées et nécessaires à l'exploitation agricole, relèvent du champ d'application de l'article NC 1 précité. Ainsi, la commune de La Boissière ne peut utilement soutenir que la production d'électricité issue du fonctionnement des panneaux photovoltaïques en tant que, constituant une activité accessoire à l'activité agricole, elle revêtirait un caractère industriel, d'une part et eu égard aux caractéristiques des panneaux eux-mêmes qui feraient obstacle au développement de l'activité maraichère, d'autre part, serait proscrite par les dispositions de l'article NC 1 du règlement du POS.

11. Deuxièmement, l'article NC 4 du règlement du POS prévoit que sauf lorsque la nature, la destination et l'usage de la construction ne justifient pas de façon pertinente cette obligation, toute construction ou l'installation doit être raccordée aux réseaux publics. En outre, aux termes de cet article, " toute construction ou installation nouvelle droit être raccordée par des canalisations souterraines au réseau public de distribution d'eau potable de caractéristiques adaptées et alimenté en quantité suffisant par une ressources conforme à la règlementation en vigueur. ".

12. Compte tenu de son objet, le projet en litige qui ne porte, comme il a été indiqué, pas sur l'édification de serres agricoles elles-mêmes, ne nécessite pas de raccordement au réseau public d'eau potable. Ainsi, la commune de La Boissière ne peut utilement soutenir que le terrain d'assiette n'est pas desservi par ce réseau, ni davantage que le projet ferait obstacle au libre écoulement des eaux pluviales, en méconnaissance des dispositions de l'article NC 4 du règlement du POS communal.

13. Troisièmement, aux termes de l'article NC 11 du règlement du plan d'occupation des sols : " Les constructions doivent présenter un aspect compatible avec le caractère ou l'intérêt des lieux avoisinants du site et du paysage. ".

14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, eu égard à la topographie du territoire de la commune et au recours de matériau semi-opaque de couverture des serres, la pose de panneaux photovoltaïques, projetée sur la toiture de ces serres d'une hauteur de 1, 30 mètre au faîtage, constituées de châssis métalliques et implantées sur de nombreuses rangées, sur un terrain situé à proximité de parcelles d'une superficie moins importante, où son propriétaire a envisagé un projet correspondant aux mêmes caractéristiques, présenterait un aspect incompatible avec le caractère ou l'intérêt des lieux avoisinants du site et du paysage. En outre, le projet porte sur l'implantation d'une clôture d'une hauteur de 1, 90 mètres faisant obstacle à la vue des toitures des serres. Ainsi, le projet en litige ne méconnaît pas les dispositions de l'article NC 11 du règlement du POS.

15. Enfin, aux termes de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. / Lorsqu'un projet fait l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à sa réalisation lorsque les conditions mentionnées au premier alinéa ne sont pas réunies. ".

16. Lors de l'instruction du dossier de la déclaration préalable de travaux déposée par la société Serres du Gard, a notamment été consultée la coopérative d'électricité de Saint-Martin-de-Londres qui a, le 16 avril 2015, fait part de l'absence de précision du dossier sur " les puissances de raccordement " et de la circonstance que " le raccordement (du terrain) pourrait nécessiter une extension du réseau de plusieurs kilomètres ". Toutefois, d'une part, il ne ressort pas de cet avis que le projet qui a pour objet la production d'énergie, ne pourrait être desservi par le réseau de distribution d'électricité. D'autre part, la commune de La Boissière ne soutient, ni même n'allègue qu'elle ne serait pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quel concessionnaire de service public, l'exécution de travaux d'extension du réseau pour assurer la desserte du projet serait nécessaire.

17. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'accueillir la substitution de motifs demandée par la commune requérante et fondés sur la méconnaissance des articles NC 1, NC 4 et NC 11 du règlement du POS ainsi que de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Boissière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du maire de La Boissière du 17 avril 2015. En conséquence, doivent être rejetées les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de La Boissière est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Boissière et à la société Serres du Gard.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2020, où siégeaient :

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N° 17MA03953


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 17MA03953
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Régimes de déclaration préalable. Déclaration de travaux exemptés de permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIMON
Rapporteur ?: Mme Micheline LOPA-DUFRENOT
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS CGCB et ASSOCIES MONTPELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-16;17ma03953 ?
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